Rosp : les bons et les mauvais points d'une rémunération forfaitaire de plus en plus contestée par les médecins

28/04/2023 Par Aveline Marques
Rejetée par Médecins pour demain, critiquée par 84% des lecteurs d'Egora et remise en cause par les partenaires conventionnels, la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) a-t-elle fait long feu ? Le bilan 2022 présenté par la Cnam est malgré tout positif, avec en moyenne 5113 euros par généraliste.

  1,6 milliard d'euros. C'est la somme versée depuis 2018 par l'Assurance maladie au titre de la Rosp du médecin traitant de l'adulte. Un "investissement" qui n'aura pas été vain, puisque "si l’on observe l’évolution des indicateurs de santé publique retenus dans la durée, on constate une progression importante de certains d’entre eux sur 5 ans", souligne la Cnam dans son dernier bilan : + 7,2 points pour la vaccination antigrippale des personnes de 65 ans et plus, -6,3 points pour l’indicateur d’antibiorésistance, -8,9 points pour l’antibiothérapie chez les personnes de 16 à 65 ans sans ALD et +5,0 points pour le dépistage de la maladie rénale chronique chez les patients hypertendus. Pour l'année 2022, la Cnam constate une "reprise positive" des indicateurs de la Rosp médecin traitant de l'adulte, saluant "l’investissement renforcé" des généralistes libéraux. Ces derniers ont touché en moyenne 5113 euros cette année.  Les trois indicateurs de dépistage du cancer, qui avaient été impactés négativement par le Covid en 2020, sont en hausse constante chez les MG libéraux. En particulier le dépistage du cancer colorectal, qui progresse de 1,4 point en 2022, "soit 168 000 patients supplémentaires dépistés". La Cnam relève une augmentation de 4,8 points entre 2019 et 2022. 

Source : Cnam

La prévention de la iatrogénie médicamenteuse affiche également de bons résultats : les traitements par benzodiazépines anxiolytiques et hypnotiques sont en baisse, respectivement de -0,8 et -0,5 point. Les prescriptions de psychotropes restent stables : la prévention des patients âgés sous psychotropes atteint un très bon niveau avec 45% des médecins au-dessus de l’objectif cible, signale la Cnam. 

L’indicateur général sur l’antibiothérapie (décroissant) augmente de +3,8 points mais reste à un niveau inférieur à celui d’avant pandémie (27,2 versus 32,9), l’indicateur d’antibiotiques générateurs d'antibiorésistance est lui bien orienté (-1,1 point).  

En revanche, la vaccination antigrippale poursuit sa baisse, après le fort rebond observé en 2020 sous l'effet du Covid : 60,1% de leurs patients âgés de 65 ans et plus se sont fait vaccinés (-1,1 point) l'an dernier et seulement 33,6% des sujets à risque (-3,5 points). 

Le bilan est contrasté pour les indicateurs de suivi des pathologies chroniques : en progrès pour le fond d'œil (+1,6) et le dépistage de la maladie rénale chez le patient diabétique (+1,1) ou chez le patient hypertendu (+1,9), mais en recul pour la surveillance des patients sous anti vitamine K (-2,3). 

Enfin les indicateurs de prescription sont très positifs pour les génériques (+5,7) et pour les biosimilaires de l'insuline glargine (+6), qui bénéficient depuis le 1er janvier 2022 d'un dispositif d'intéressement aux économies générées.  

Autre point positif : la baisse du traitement par inhibiteurs de pompe à protons (-1,8). En revanche, "la prescription dans le répertoire de statines demeure mal orientée en 2022 : -2,7 points", déplore la Cnam. "Néanmoins, 42% des médecins se situent encore au-dessus de l’objectif cible." 

Malgré tout, la pertinence et l'efficacité de la Rosp n'ont jamais été autant remises en question. Dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche début avril, le collectif Médecins pour demain a réclamé la suppression de cette rémunération forfaitaire qui non seulement met à mal l'indépendance professionnelle mais repose sur des chiffres "aléatoires". De nombreux médecins ont en effet relevé des erreurs dans les listes de patients qui n'auraient pas effectué les dépistages recommandés (mammographie, frottis cervico-vaginal et recherche de sang dans les selles), adressées par la Cnam. "Une fraction non négligeable pour ne pas dire importante de ces patients (entre 1/3 et 2/3 selon les remontées de terrain !) a effectivement fait les dépistages qu’on leur reproche de ne pas avoir faits, et une autre fraction moins importante sort du cadre du dépistage puisque suivie pour les pathologies que justement on tente de dépister", s'insurge de son côté Richard Talbot, de la FMF, bien décidé à contester le montant de sa Rosp cette année. 

Consciente des limites de la Rosp, la Cnam avait proposé aux syndicats de médecins libéraux de transformer la "rémunération sur objectifs de santé publique" en "forfait de santé publique", avec un nombre d'indicateurs réduit de 29 à 15, portant sur la promotion de la vaccination, la prévention autour de la santé mentale, "le contrôle des patients ayant pris des antidépresseurs", la lutte contre l’antibiorésistance ou la iatrogénie médicamenteuse. Il était par ailleurs question de supprimer les indicateurs déclaratifs et de transférer les indicateurs d'efficience vers le dispositif d'intéressement. Mais le projet a volé en éclat avec le rejet de l'accord conventionnel par les syndicats. Reste à savoir s'il sera au menu, lors de la reprise des négociations, dans quelques mois. 

 

84% des lecteurs d'Egora opposés au principe d'une rémunération sur objectifs de santé publique 

Sondés sur la question "Faut-il abandonner le principe d'une rémunération forfaitaire des médecins sur objectifs de santé publique ?", 731 professionnels de santé lecteurs d'Egora se sont prononcés. Et leur réponse est sans appel : c'est oui, à 84%. Michel F., médecin, déplore ainsi des indicateurs qui sont avant tout "des objectifs de réduction des coûts de la santé". "Lorsque de véritables objectifs pertinents de médecine préventive et curative déterminés par les professionnels et les assurés eux-mêmes seront construits, là on pourra imaginer une rémunération partiellement basée sur ces objectifs." Pour Marc J., généraliste, "ce système ne fait qu'aggraver notre asservissement" et constitue "un cache-misère officiel pour des honoraires qui en francs/euros constants n'ont pas bougé depuis 1995".  
Quelques médecins défendent néanmoins le principe d'une rémunération sur objectifs de santé publique, le généraliste Patrick D. la jugeant par exemple plus vertueuse que le paiement à l'acte "inflationniste par nature puisqu'il valorise la quantité plutôt que la qualité". 

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