3 600 euros le check-up : quelle est cette nouvelle offre de médecine préventive ?
Depuis plusieurs années, des centres de médecine préventive fleurissent un peu partout en France. Si certains proposent des bilans intégralement pris en charge par l’Assurance maladie, pour d’autres, il faut prévoir un sacré budget. Chez Zoï, qui a ouvert en décembre dernier, il faut débourser 3 600 euros pour un check-up. La solution a déjà conquis de riches investisseurs comme l’homme d’affaires Xavier Niel, ou encore Stéphane Bancel, PDG de Moderna. Décryptage.
"Améliorer son espérance de vie en bonne santé." C’est le défi que se sont lancé Paul Dupuy et Ismaël Emelien, les fondateurs de Zoï, une start-up qui propose des check-up de santé. L’idée leur est venue après une consultation chez le Dr Claude Dalle, un médecin généraliste qui pratique la médecine préventive depuis 20 ans. "On était tous les deux des personnes qui n’allaient presque jamais chez le médecin, reconnaît Paul Dupuy. On se croyait parfaitement en bonne santé." Lors de la consultation, les fondateurs font leur premier check-up, mais un problème leur saute aux yeux. "Le parcours était compliqué", se souvient Paul Dupuy. Il fallait faire de nombreux examens, dans différents endroits. Si la tâche était longue et fastidieuse pour le patient, elle l’était aussi pour le praticien. "C’est un processus qui croise beaucoup de données dans plein de domaines. Quand un médecin le fait seul, c’est faisable mais c’est très chronophage, ça peut prendre plus de quatre heures pour un même dossier", estime le Dr Dalle.
"Optimiser la santé sur le long terme"
Les fondateurs ont alors décidé de proposer leur propre offre de check-up de santé. Fin décembre, ils lancent Zoï, qui signifie "vie" en grec. "L’idée, c’est d’aider les gens à optimiser leur santé sur le long terme", explique Paul Dupuy, convaincu par son offre, tout comme les nombreux investisseurs qui soutiennent le projet, comme le fondateur de Free, Xavier Niel, le PGD de Moderna, Stéphane Bancel, ou encore le Dr Jean-Claude Marian, fondateur d’Orpea. Lorsqu’un "membre" - c’est le terme utilisé chez Zoï - décide de faire un check-up, il doit d’abord remplir un long questionnaire chez lui et effectuer un prélèvement d’urine et de salive. Il est ensuite reçu dans le seul centre ouvert pour l’instant, situé place Vendôme, à Paris. Pendant "à peu près deux heures", le médecin réalise "tout un tas d’examens, une prise de sang, un prélèvement de cheveux, un examen clinique très fin qui dure 20-25 minutes. Ensuite, le membre passe sur le Dexa scan [pour identifier la composition corporelle] et le scanner de l’œil", précise le Dr Dalle, aujourd’hui conseiller scientifique chez Zoï. En tout, plus de 200 biomarqueurs sont recensés.
Un mois plus tard, le membre revoit le médecin. Grâce à l’ensemble des données, le praticien émet des recommandations sur "la nutrition, les compléments alimentaires, l’activité physique, le sommeil…". Ce temps d’échange d’un peu plus d’une heure permet "de comprendre comment le corps [du membre] fonctionne de manière personnalisée", ajoute Paul Dupuy. "On leur trouve des débuts de pathologie ou des pistes qui indiquent qu’ils peuvent avoir telle ou telle pathologie, qu’on peut corriger" grâce aux recommandations, explique le médecin.
Aucun remboursement de l'Assurance maladie
Pour cette offre personnalisée, il faut débourser 3 600 euros, comprenant le check-up et le suivi - à renouveler chaque année. Une somme entièrement à la charge des membres, qui sont néanmoins "plusieurs centaines" à avoir franchi la porte de Zoï depuis fin 2023. "Les gens commencent à comprendre que la prévention, c’est essentiel. C’est un mouvement sociétal qui a commencé très lentement et qui commence à s’imbiber un peu partout", observe le Dr Dalle.
Si pour l’instant cinq médecins s’occupent des consultations chez Zoï, ils sont, en réalité, plusieurs dizaines à travailler pour la start-up. Car pour être le plus juste possible, il faut suivre les avancées de la science. "On cherche toutes les nouvelles données scientifiques, pour voir ce qu’on peut incorporer dans Zoï", précise le Dr Dalle. Depuis le lancement, en décembre dernier, plusieurs éléments ont été modifiés, reconnaît-il. "Par exemple, il y a deux ans, on ne pensait pas faire d’obstétrique, alors que c’est devenu indispensable. On commence aussi à incorporer de nouvelles données de biologie." Cette veille constante des nouvelles parutions scientifiques oblige également tous les médecins de l’équipe à rester informés. Le Dr Dalle a lancé "une académie de formation" à Zoï. Avec son DU de médecine préventive, c’est lui qui s’occupe de les "former", mais il y a aussi des "conférenciers de haut niveau [qui viennent chez Zoï et] qui les reforment".
Une application pour le suivi
En plus de la consultation avec le médecin, les deux entrepreneurs ont décidé de proposer un accompagnement pour se différencier des autres centres de médecine préventive. Via une application mobile, qu’ils comparent à un "agenda de santé", les membres peuvent retrouver "des recommandations [personnalisées] de prises de médicaments, des conseils de nutrition, sportif…". Pour Ismaël Emelien, cet accompagnement est même indispensable : "Quelqu’un qui fait un check-up et qui derrière ne change rien à son mode de vie, c’est un échec."
D’autres centres de médecine préventive proposent, eux, des bilans intégralement pris en charge par la CPAM. C’est par exemple le cas, des établissements Union de caisses - Centre de médecine préventive (UC-CMP), présents dans plusieurs villes de France, comme à Nancy. Les consultants - le terme de "patients" n’est pas non plus employé ici - sont bien différents de ceux de Zoï. Ce centre "s’adresse en priorité aux personnes en situation de fragilité sociale, éloignées du système de santé et des dépistages", indique l’Assurance maladie sur son site.
A l’instar de Zoï, les check-up de l’UC-CMP commencent de la même manière. "D’abord, on analyse le profil de la personne, on regarde les antécédents, les pathologies. Ensuite, on fait l’examen clinique, on regarde les addictions, le motif de la personne qui vient faire son check-up…", détaille Amélie*, ancienne salariée du centre de Nancy. Mais le nombre d’analyses est beaucoup plus restreint que chez Zoï. "On reste basique, une prise de sang, un interrogatoire", poursuit-elle. Pour le Dr Dalle, ces centres n’ont pas non plus "la structure technologique qui permet de relier les réponses des questionnaires à la biologie ou aux outils".
Une fois les examens effectués, Amélie analyse les résultats et écrit une lettre pour le consultant et pour l’Assurance maladie. Pas d’accompagnement personnalisé, elle ne le revoit que s’il a besoin d’explications. C’est la grande différence avec Zoï. Pour Paul Dupuy : "Aujourd’hui sur le marché, les solutions de check-up qui existent cherchent à mettre en évidence si la personne souffre d’une pathologie ou non. Alors que chez Zoï, on va regarder l’évolution des données, année après année."
Promesse du Président de la République, les bilans de prévention aux âges clés de la vie, entièrement pris en charge, devraient se mettre en place. Mais pour Amélie, les généralistes ou les pharmaciens "n’ont pas le temps [de faire un bilan complet à leurs patients]. Ils ont des journées assez lourdes et longues, ils ne peuvent pas tout faire." Même constat pour Paul Dupuy, qui observe par ailleurs "qu’aujourd’hui, il est rare de faire un check-up tous les douze mois chez son généraliste. Quand les patients vont chez le généraliste, c’est pour demander une prescription pour un problème précis."
*Le prénom a été modifié.
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