Pourquoi l'Académie de médecine se positionne contre l'extension de la PMA

23/09/2019 Par Yvan Pandelé
Ethique
L'Académie de médecine a exprimé d'importantes réserves "médicales" sur l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, estimant que cette "rupture anthropologique majeure" n'était "pas sans risques" pour l'enfant. L'avis, signé par Jean-François Mattei mais qui exprime une prise de position officielle de l'institution, a suscité un torrent de réactions.  

  Un pavé dans la mare. L'Académie de médecine s'est fendue samedi 21 septembre d'un avis sur le projet de loi de bioéthique, où figurent d'importantes réserves sur l'ouverture de l'aide à la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes. L'avis, rédigé par le Pr Jean-François Mattei en sa qualité de président du comité d'éthique de l'institution, constitue une prise de position officielle du cénacle. Il a été adopté mardi, par 69 voix pour, 11 contre et 5 abstentions. "S'agissant (…) d’une mesure à caractère sociétal et au-delà des convictions de chacun, l'Académie nationale de médecine ne s‘estime pas à même de donner un avis hors du champ de ses missions", prévient l'Académie, qui estime néanmoins "de son devoir de soulever un certain nombre de réserves liées à de possibles conséquences médicales."   "La figure du père reste fondatrice" Invoquant le "droit de tout enfant à avoir un père et une mère" contre "l'égalité des droits de toute femme devant la procréation", l'Académie estime dans son avis (non sourcé) que la "conception délibérée d'un enfant privé de père est une rupture anthropologique majeure qui n'est pas sans risques pour le développement psychologique et l'épanouissement de l'enfant". "L'argument régulièrement avancé pour rejeter le risque pour l'enfant se fonde sur certaines évaluations, essentiellement dans quelques pays anglo-saxons et européens, faisant état de l'absence d'impact avéré sur le devenir de l'enfant. L‘ANM ne juge pas très convaincantes ces données au plan méthodologique, en nombre de cas et en durée d’observation sur des enfants n‘ayant pas toujours atteint l'âge des questions existentielles", argumente le rapport. La "figure du père", "de plus en plus malmenée par les évolutions sociétales", reste aux yeux de l'Académie "fondatrice pour la personnalité de l’enfant comme le rappellent des pédopsychiatres, pédiatres et psychologues qui demeurent dans leur majorité pour le moins réservés sur cette innovation radicale". "À la différence notoire des situations subies par certaines familles monoparentales, des réserves médicales sont également exprimées sur l'extension de la procréation volontaire aux femmes seules en raison de l‘observation d’une vulnérabilité, d'anxiété et de fragilité maternelle avec des couples mère/enfant qui peuvent être pathologiques", ajoutent les sages.   Un avis "peut-être daté", pour Agnès Buzyn Invitée du Grand-Jury RTL-LCI-Le Figaro dimanche, Agnès Buzyn a défendu le projet du Gouvernement. "M. Mattei, ancien ministre de la Santé de droite [de 2002 à 2004, sous la présidence de Jacques Chirac, NDLR], porte-parole des Républicains, exprime aussi son avis…", a-t-elle glissé, qualifiant celui-ci de "peut-être daté". "Un quart des familles françaises sont monoparentales. On connait des difficultés de certaines de ces familles, qui sont paupérisées, on connait la difficulté d'accéder aux pensions alimentaires auxquelles elles ont droit (…) mais ne me dites pas qu'un quart des enfants français qui vivent ou naissent dans ces familles ont des difficultés de construction", a argumenté la ministre. "On a tous autour de nous des enfants élevés par leur mère – ou leur père d'ailleurs – seule et on sait très bien que, Dieu merci, ils trouvent l'altérité, l'autre schéma, ailleurs : dans des oncles, des tantes, à l'école. Et heureusement on arrive à se construire même quand on est élevé par un parent seul." Sur France Info, le Pr Jean-Louis Touraine, rapporteur du projet de loi de bioéthique et cheville ouvrière de l'extension de la PMA, s'est également élevé contre l'argumentaire déployé par l'Académie. "Il ne faut pas confondre le genre masculin ou féminin avec la fonction paternelle ou maternelle", a-t-il indiqué. "Aujourd'hui, beaucoup plus que dans le passé, les pères savent exprimer leur amour vis-à-vis de leur enfant. Et, beaucoup plus que dans le passé, les mères savent exercer toutes les fonctions parentales, y compris l'autorité", a-t-il fait valoir. Mais la position de l'Académie n'a pas fait réagir que le Gouvernement et sa majorité. Sur les réseaux sociaux, au moins deux membres de l'institution – le diabétologue Philippe Froguel et le chirurgien Guy Vallancien – se sont désolidarisés de l'avis, évoquant notamment l'absence de sources scientifiques.

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