Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne depuis janvier pour traiter les patients atteints de formes graves du Covid-19, un anesthésiste-réanimateur livre chaque semaine pour l'AFP, sous couvert d'anonymat, son journal de la crise sanitaire. "Cette semaine, nous continuons à reproduire ce qui s'est fait en quelques heures ou quelques jours au mois de mars. Extension des lits, fermeture des salles de blocs opératoires, déprogrammations des chirurgies non urgentes, etc. La pression se fait sentir de plus en plus au quotidien. Plus d'appels, plus d'entrées en réanimation. La différence ? Les gens sont de moins bonne volonté. Plus inquiets aussi. Nous n'aurons pas les aides humaines intra-hospitalières ou extérieures que nous avions eues en mars pour parfois nous soulager physiquement; nous n'aurons pas les livraisons de plateaux-repas; nous n'aurons pas l'élan de motivation de tous les acteurs de l'hôpital pour nous aider; nous n'aurons pas les applaudissements. Chacun pour soi. La liste de gardes Covid se remplit au jour le jour, ou presque, faute d'avoir suffisamment de personnes pour la remplir.
Aurait-on pu mieux prévoir les choses ? A mon sens, ça ne sert à rien de créer des polémiques à des fins politiques. On ne forme pas un infirmier ou un aide-soignant en trois mois ! Encore moins un médecin réanimateur ! Les études sont longues. On parle de soigner des gens... Je ne sais pas si les choix politiques auraient pu avoir un impact différent sur nos conditions de travail et les conditions d'accueil des patients en si peu de temps. Déjà usés On savait qu'une deuxième vague arriverait. Elle est là. On s'y prépare doucement depuis début septembre. Nous y sommes. Prêts mais déjà usés. Je crois que nous sommes contents d'avoir pu prendre quelques jours de repos cet été. Les discours ont changé. On ne dit plus 'pendant le Covid' mais 'pendant la première vague'. On ne pense plus à l'après-Covid, mais on se demande comment nous allons intégrer cela dans notre quotidien. On se demande, parfois, si on a toujours le courage d'être médecin pour affronter cela. Je ne sais pas si on soigne mieux, mais nous connaissons mieux la maladie. C'est certain. Nous savons peut-être mieux juger qui pourra bénéficier au mieux d'une prise en charge en réanimation. Il n'empêche que nous reprenons les discussions éthiques sur le bien-fondé de prioriser ou non les prises en charge de telle ou telle pathologie. En réalité, malgré les premiers débriefings du mois de juin, nous n'avons pas eu le temps ou pris le temps d'en tirer les leçons nécessaires pour se tourner vers l'avenir. Donc on va faire comme au printemps. Tenter de soigner les patients Covid et non-Covid en fonction de l'urgence et de la gravité. Soigner les plus graves, les plus urgents et les plus susceptibles d'évoluer favorablement. Parce que les lits manqueront probablement. Peut-être pour les patients Covid, ou pour les patients non-Covid. Voilà ce qu'on est maintenant obligés de penser, intégrer et mettre en oeuvre au quotidien. Qu'on le veuille ou non, nous sommes contraints désormais de résumer à cela notre métier de médecin, et de médecin-réanimateur".
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