"Autour de mon cabinet, quatre confrères prendront leur retraite dans les deux ans qui viennent… sans personne pour prendre la suite. Je fais grève pour cela. Mes internes voudraient exercer leur métier. Ils savent compter, et comprennent vite que s’installer dans les conditions actuelles relèverait du sacerdoce ou de l’idéalisme. Je fais grève pour cela. Des patients polypathologiques ne trouvent plus de médecin traitant, les délais pour les spécialistes s’allongent. On voudrait faire baisser la qualité de notre travail comme réponse à ces problèmes. Je fais grève pour cela. J’aime écouter mes patients, j’aime la médecine de famille. Mon bureau, on peut y parler, on peut y pleurer. Désolé pour les énarques qui résolvent les problèmes d’accès aux soins à coups de tableaux Excel, ça prend plus de dix minutes pour soigner les gens. Je fais grève pour cela. Mon rôle est de prendre soin des patients. Les protéger en toute indépendance. Quand les temps sont lourds, quand l’atmosphère au travail est sombre, je dois pouvoir les arrêter sur des critères uniquement médicaux. Je fais grève pour cela.
J’ai envie de créer une équipe de soins. Une équipe dont le patron distribue les rôles, coordonne, délègue et fait confiance. C’est le coach qui doit animer le plan de jeu, pas le financier. Je fais grève pour cela. Les solutions existent, les assurances ont des fonds, et l’État a l’appareil législatif pour solvabiliser les patients et garantir l’accès aux soins. Des années que nous réclamons un espace de liberté tarifaire. Je fais grève pour cela. J’ai la chance de travailler en bonne intelligence avec mon territoire de santé. La permanence des soins y est assurée, chacun y fait son métier et respecte celui des autres. Pas besoin d’une nouvelle couche administrative. Je fais grève pour cela. Appliquons à la ville les règles qui ont si bien détruit l’hôpital. Voici en quelques mots la loi Valletoux résumée. Je fais grève pour cela. Je sais que pour guérir un malade, il faut un bon diagnostic, dire la vérité au patient et lui proposer un traitement adapté auquel il adhère. Notre système de santé est malade. Laissons les médecins le guérir. Les patients nous font confiance, pourquoi pas l’État? Je fais grève pour cela."
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