Engagements collectifs, forfaits, missions... Ce que contient le projet de convention médicale de la Cnam
A moins d'une semaine de l'ultime séance multilatérale de négociations, prévue le 16 mai prochain, la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam) a envoyé son projet de texte conventionnel aux syndicats de médecins libéraux. Voici ce qu'il contient.
Après l'annonce de la reprise des hostilités, les syndicats de médecins libéraux réclamaient de recevoir le projet de texte conventionnel, qui sera discuté lors de l'ultime séance multilatérale de négociations, jeudi 16 mai. C'est chose faite. Sur X, la directrice déléguée de la Cnam, Marguerite Cazeneuve, a indiqué que le document de 168 pages a été envoyé aux représentants de la profession dans la soirée du mercredi 8 mai. Celui-ci a aussi été publié sur le site Ameli. L'Assurance maladie précise que ce texte est une version provisoire qui pourra être "amendée et complétée" lors des discussions avec les syndicats. Pour rappel, les partenaires conventionnels auront 48 heures pour parvenir à un accord… ou pas.
Egora a passé au peigne fin ce document, et expose les principales mesures qu'il contient.
Un G à 30 euros mais pas que…
D'abord côté chiffres. Le projet conventionnel de la Cnam réintègre sa proposition d'une hausse du G à 30 euros pour les médecins généralistes. En outre, la consultation de référence des psychiatres et des neurologues est revalorisée à 52 euros (soit 57 euros en association avec la MCS) ; celle des gynécologues médicaux est revalorisée à 35 euros (soit 40 euros en association avec la MCS) ; celles des gériatres et des médecins spécialistes en médecine physique et réadaptation sont revalorisées à 35 euros (soit 40 euros en association avec la MCS).
Les consultations de l'enfant font elles aussi l'objet d'une revalorisation. Les trois examens obligatoires de l'enfant donnant lieu à certificat sont ainsi valorisés à un tarif de 60 euros. Pour les consultations de suivi, les généralistes bénéficient d'une majoration (MEG) de 5 euros pour la prise en charge des enfants de moins de 6 ans. Du côté des pédiatres, la consultation CEH des enfants de 0 à moins de 2 ans passe à 40 euros ; la consultation CEK des enfants de 2 ans à moins de 6 ans à 35 euros ; la consultation CEG pour les 6 ans et plus à 31,50 euros. La majoration MP des psychiatres est portée quant à elle à 15 euros et élargie aux jeunes de 16 à 25 ans.
Pour ces tarifs proposés, aucun calendrier n'a été avancé par la Caisse dans le document. Il doit être discuté en séance plénière avec l'ensemble des partenaires.
Une consultation longue du médecin traitant
D'emblée, la Cnam maintient dans son document son vœu de "réaffirmer la place centrale des soins primaires pour un système de santé de qualité", notamment en "confortant le rôle du médecin traitant", "dans le suivi des patients et dans l'organisation des interventions de second recours". Elle souligne que la convention doit s'appuyer sur "son rôle pivot du système de santé, de coordination et de synthèse", et précise ses missions.
Le projet de la Cnam contient la création d'une consultation longue (GL) du médecin traitant d'une valeur de 60 euros "afin de favoriser la prise en charge de la personne âgée de plus de 80 ans". Elle sera facturable "une seule fois dans l'année", est-il précisé, alors que les syndicats réclamaient la levée de cette limite. Le document précise dans quelles situations cette consultation longue pourrait s'appliquer : "consultation de sortie d'hospitalisation" dans les "30 jours après la sortie", "consultation de dé-prescription de patients hyperpolymédiqués", ou encore "remplissage du dossier pour l'obtention de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA)".
Certaines consultations "très complexes" d'autres spécialités médicales font aussi l'objet d'une valorisation. A l'instar du dépistage du mélanome en cabinet par un dermatologue (CDE), à 60 euros, ou certaines consultations par des spécialistes en endocrinologie et en médecine interne compétents en diabétologie (MCE revalorisé à 28,50 euros).
L'APC revalorisé
Le projet de la Cnam prévoit également une revalorisation de l'avis ponctuel de consultant (APC) à hauteur de 60 euros et de l'APY à 67,50 euros (par ailleurs ouvert aux gériatres). L'APU est revalorisé à 74 euros. Objectif affiché : "valoriser l'avis d'expertise du médecin spécialiste". Une consultation de recours (CEP) au pédiatre est par ailleurs créée (à hauteur de 60 euros), "sur adressage écrit du service de protection maternelle et infantile (PMI), de la médecine scolaire, d'une sage-femme, d’un orthophoniste ou d’un orthoptiste". Elle ne peut être facturée qu'une fois par an "pour une sollicitation du même demandeur, et dans la limite de 3 fois par an pour un même patient".
Le projet de convention stipule également que "les partenaires conventionnels s’accordent pour revaloriser les actes techniques afin de renforcer l’attractivité des spécialités médicales ayant une forte dominante technique. Sans attendre la révision de la CCAM, ils s’accordent à revaloriser les coefficients de charges (CG) d’actes techniques de la CCAM en vigueur. Les coefficients de charge de ces actes seront revalorisés de 7%" , est-il écrit. La Cnam propose que soient d'ores et déjà provisionnés "200 millions d'euros supplémentaires" "afin de faciliter la mise en œuvre de la future CCAM".
Les actes techniques des médecins adhérant à l'Optam ou Optam-Co doivent être spécifiquement revalorisés, est-il précisé, "via la revalorisation de 10 points des majorations forfaits modulables (modificateurs K et T) applicables aux actes de chirurgies et d'accouchement, passant respectivement de 20 à 30% et de 11,5% à 21,5%".
Un forfait médecin traitant
Comme cela avait été discuté lors des précédentes séances de négociations, la Cnam entend faire du forfait médecin traitant, un forfait socle. Versé annuellement au médecin traitant, ce forfait fusionne l'ancien forfait médecin traitant (FMT), la Rosp et le forfait structure. Il rémunère "le suivi au long cours du patient, en sus de la rémunération à l’activité et indépendamment de l’activité". Il est calibré "selon la complexité de ce suivi, et donc selon les caractéristiques spécifiques du patient, indépendamment du nombre de fois où ce patient a été vu dans l’année", précise la Cnam.
Le calcul du forfait médecin traitant "est établi de sorte qu'il soit toujours plus incitatif de prendre un patient dont le suivi est plus complexe", assure-t-elle.
Ce forfait intègre "une valorisation de la précarité à hauteur de 10 euros par patient". Une majoration qui ne s'applique pas aux patients qui n'ont pas été vus "dans les deux ans" par le médecin traitant.
L'Assurance maladie s'engage en outre à restituer un certain nombre de "données individuelles" sur ses patients au médecin, afin que ce dernier puisse suivre "l'éligibilité et l’atteinte d'indicateurs de santé publique, afin de lui apporter la lisibilité nécessaire à son action de prévention globale". Ces indicateurs (au nombre de 15) "sont restitués sur amelipro sous forme d'un tableau de bord", précise la Cnam, qui entend permettre aux médecins de bénéficier de "majorations de prévention". "Chaque indicateur validé majore le forfait médecin traitant du patient", 5 euros par indicateur et par patient.
Des majorations propres à l'exercice du médecin sont également inscrites dans ce projet de texte conventionnel. Elles doivent s'appliquer sur la "partie socle" du forfait médecin traitant. Et bénéficieraient aux médecins primo-installés en zone dite sous dense (ZIP) et aux médecins âgés de 67 ans ou plus. Pour les premiers, la majoration s'appliquera pendant 3 ans "à compter de l'année de la première installation". "Elle s'élève à 50% la première année, 30% la deuxième année, et 10% la troisième et dernière année". Pour les médecins de plus de 67 ans, elle s'élève à 10%.
Pour les médecins s'installant pour la première fois en zone d’action complémentaire (ZAC), une aide forfaitaire unique de 5000 euros est prévue.
Collaboration avec les IPA, SAS, MSU… Des missions spécifiques valorisées
Le texte suggère par ailleurs de valoriser plusieurs missions spécifiques des médecins généralistes. A commencer par la fonction de maître de stage universitaire qui, si le projet de la Cnam est signé par les syndicats, pourrait être valorisée à hauteur de "800 euros par an pour un médecin libéral installé en ZIP et de 500 euros par an pour un médecin libéral installé hors ZIP". Il est également prévu un forfait de 400 euros par an versé au médecin traitant "dès lors que 35 patients de sa patientèle médecin traitant sont orientés vers une infirmière IPA qui en assure également le suivi".
Le projet de convention prévoit également de valoriser les visites réalisées "dans un délai court" (dans les 24 heures) après la demande du service d'accès aux soins (SAS). Les médecins intervenant à domicile dans ce cadre précis pourront facturer une "nouvelle majoration YY de 10 euros", peut-on lire. Globalement, une rémunération de 1000 euros est prévue pour les médecins participant au SAS à condition qu'ils s'inscrivent sur la plateforme nationale et acceptent d'interfacer leur solution de prise de rendez-vous avec la plateforme SAS.
Fait également partie du package de la Cnam, la création d'un forfait annuel de 500 euros par an pour la prise en charge de patients bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat (AME).
Equipement et usages numériques
Le projet de convention de la Caisse intègre en outre une rémunération valorisant l’équipement et les usages numériques, au travers d'abord d'une dotation numérique (DONUM) basée sur des indicateurs socles (disposer d'un logiciel référencé Ségur, par exemple) et optionnels (usage de l'application carte Vitale, par exemple) ; ou du volet de synthèse médicale (VSM).
Des engagements collectifs
Sans surprise, le document liste une série d'engagements collectifs auxquels devront se plier l'Assurance maladie et les médecins libéraux si accord il y a : réduire au maximum la part de patients en ALD sans médecin traitant, augmenter le nombre de primo-installés en médecine générale, augmenter le nombre d’installations de médecins dans les zones sous dotée, augmenter la patientèle médecin traitant moyenne du médecin généraliste et la file active moyenne des médecins libéraux, mais aussi raccourcir le délai moyen d’accès aux spécialistes (via les équipes de soins spécialisées par exemple).
Le projet de convention prévoit également la poursuite de "l'augmentation de la couverture territoire par la PDSA et le SAS".
Le texte inclut en outre 15 programmes d’actions partagés reposant sur des engagements réciproques afin d’atteindre
des objectifs communs de pertinence des soins. Les médecins devront dans ce cadre "respecter les qualités techniques des prescriptions". Ce qui signifie prescrire "systématiquement via l'ordonnance numérique" et "recourir à l'ensemble des téléservices de l'Assurance maladie". Mais surtout "accepter l'accompagnement de l'Assurance maladie afin de que la liberté de prescription des médecins et la solvabilisation de ces prescriptions par l'Assurance maladie demeurent compatibles".
Les médecins qui accepteraient la convention devront "accepter le principe du contrôle et de la récupération d'indus, selon la métrologie contradictoire et dans le cadre contradictoire définis conjointement par les partenaires conventionnels par la présente convention médicale".
L'objectif principal est d'"accroître la pertinence des prescriptions d’arrêts de travail et ralentir l’évolution du nombre de jours d’arrêts de travail indemnisés de 2 % par an en agissant auprès de l’ensemble des acteurs et des publics concernés (employeurs, assurés, prescripteurs". Dans le viseur également : la diminution de "25% du volume d’antibiotiques prescrits en 2027 et de 10% dès 2025".
Les remplaçants de nouveau "mis à l'écart" ?
Dans un communiqué diffusé ce vendredi, le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir) a appelé la Caisse à "revoir sa copie". "Si l'Assurance maladie évoque de possibles modifications dans cette proposition [de convention], force est de constater que les éléments principaux semblent déjà fixés malgré les contestations formulées par l'ensemble des représentants des médecins libéraux", s'insurge le syndicat, qui dénonce en outre l'absence de "prise en compte" des attentes des jeunes.
Le syndicat fustige principalement la "mise à l'écart" des médecins remplaçants du champ conventionnels. Le projet de convention de la Cnam ne prévoit pas en effet d'inclure ces professionnels dans la convention, malgré les demandes répétées de Reagjir. "Cette discrimination des médecins remplaçants est inacceptable", lance-t-il. Et d'ajouter : "Exclusion du DPC, inéquité de protection sociale de par l'inégibilité à l'aide financière complémentaire maternité, paternité et adoption, absence de valorisation forfaitaire malgré l'engagement (exercice en one sous-dotée, participation à la PDSA), les conséquences sont multiples et contribuent à précariser le statut de remplaçant, pourtant indispensable à la continuité du système de santé".
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