"Objectifs démesurés" VS revalorisations "historiques" : la Cnam et les syndicats de médecins encore "très très loin" d'un accord
Article modifié mardi 5 mars, 10h : ajout de la réaction de Thomas Fatôme Après une séance multilatérale le 8 février, marquée par la proposition d'une revalorisation du G à 30 euros, la Cnam enchaine ces jours-ci les réunions "bilatérales" avec les six syndicats représentatifs des médecins libéraux. Les négociations se poursuivent désormais "dans une ambiance tendue", note le Dr Richard Talbot, de la FMF. Et pour cause, "les contraintes économiques du pays pèsent fortement", déplore MG France dans un communiqué, qui souligne que ce contexte est "peu favorable"… Le Gouvernement cherche en effet à dégager 12 milliards d'euros du côté de la Sécurité sociale en 2025, et compte sur l'accord conventionnel conclu avec les médecins libéraux pour renforcer la "pertinence" de leurs prescriptions, qui représentent 57 milliards d'euros de remboursements par an. Une quinzaine d'objectifs chiffrés sont proposés aux médecins : contenir à 2% par an l'augmentation des dépenses d'indemnités journalières, diminuer les prescriptions d'antibiotiques de 10% d'ici à 2025, améliorer la pertinence des prescriptions d'actes infirmiers… Autant de "contreparties" aux propositions de revalorisation "historiques" mises sur la table le 8 février, insiste la Cnam dans un "document d'accompagnement". A elle seule, la revalorisation de la consultation de base du médecin traitant à 30 euros représente 700 millions d'euros en année pleine pour l'Assurance maladie, un "investissement massif", insiste la caisse. "La Cnam se demande comment l'opinion publique prendrait un refus du corps médical…" A cela s'ajoutent les rémunérations forfaitaires fusionnées dans un forfait médecin traitant "3 en 1" (forfait patientèle, forfait de santé publique, dotation numérique) dont la "masse financière" cumulée sera "majorée", assure la Cnam. Pour la partie forfait patientèle médecin traitant, le gain moyen serait de 2100 euros annuels pour un généraliste, indique la FMF. "La Cnam table donc sur 20000 € de chiffre d'affaires supplémentaire par an pour les généralistes, s’étonne qu’on puisse refuser une telle manne, et se demande comment l’opinion publique prendrait un refus du corps médical…", rapporte Richard Talbot. Pourtant, pour l'ensemble des syndicats, le compte n'y est pas. Le G à 30 euros "rattrape à peine l'inflation", pointe la CSMF dans un communiqué, jugeant "inimaginable" que cette revalorisation ne s'applique qu'en fin d'année 2024, voire en 2025. De même pour la revalorisation du forfait médecin traitant, qui "n’arrivera dans la poche des médecins que fin 2025 voire en 2026". La confédération prévient : le calendrier de "montée en charge" de ces revalorisations, qui reste à négocier, "sera un des points forts du positionnement final de la CSMF dans cette convention". De son côté, MG France réclame une valorisation des "actes spécifiques" du médecin traitant, notamment par le biais d'une "consultation longue". 200 millions d'euros pour la CCAM Côté spécialistes, les calculs ne sont pas bons non plus si l'on en croit les syndicats. Pour rattraper l'inflation, "la Cnam fait des efforts pour certains et pas pour d'autres", fustige le Dr Patrick Gasser, président d'AvenirSpé. Pour revaloriser les actes de la CCAM, la Cnam mettrait sur la table une enveloppe de "200 millions d'euros", 100 millions à la signature, et 100 millions une fois achevés les travaux du Haut Conseil de la nomenclature. "Je vous rappelle que les dépenses de CCAM, c'est environ 12 milliards d'euros par an…, relève le président d'AvenirSpé. Il faut qu'ils revoient leur copie." "Nous avons eu la confirmation que la MPC des spécialistes resterait à 3,50 €, et donc la consultation spécialiste Secteur I à 31,50 €, précise Richard Talbot. Ce qui serait une réduction inédite de l’écart historique entre les spécialistes en médecine générale et les autres spécialistes, l’essentiel de la revalorisation pour ces derniers portant sur l’augmentation de l’APC à 60 € pour les spécialités cliniques, et la refonte de la CCAM pour les spécialités techniques." La Cnam souhaite en effet "investir significativement dans l'accès au second recours", en revalorisant l'avis ponctuel de consultant déclenché à la demande du médecin traitant, la télé-expertise et en finançant les équipes de soins spécialisées. Pour Patrick Gasser, il faut "ouvrir très largement" la cotation de l'APC, et ne plus la conditionner "à la lettre du médecin traitant". "Une partie non négligeable de la population n'en a plus, rappelle-t-il. Il faut vivre avec son temps." Si la caisse avance des revalorisations "historiques pour les spécialités cliniques aujourd'hui les moins rémunérées ", la CSMF dénonce des augmentations moyennes du CA "totalement inéquitables". "Constater, aux dires de la Cnam, que l’on augmentera les endocrinologues ou les gynécologues ou les psychiatres plus de deux fois moins que les pédiatres, les généralistes, les chirurgiens ou les anesthésistes est totalement impensable, sauf à imaginer que le choix de la Cnam est celui de la disparition de ces spécialités médicales de l’exercice libéral à relativement court terme." Augmenter la patientèle médecin traitant de 2% par an Autre point majeur de blocage : les engagements collectifs chiffrés en faveur de l'amélioration de l'accès aux soins, que la Cnam souhaite graver dans l'accord afin de justifier l'effort financier en direction des médecins : augmenter le nombre de primo-installés en médecine générale de +5% par an et les installations en zones sous-dotées de 7% par an, maintenir le nombre de consultations/actes cliniques annuel moyen des médecins généralistes à "au moins 5000 par an", augmenter la patientèle médecin traitant moyenne du MG de +2% par an… "Il s'agit d'engagements et d'objectifs collectifs et non pas individuels, donc d'une démarche totalement différente de ce qui avait été proposé début 2023 sur le contrat d'engagement territorial lors de la précédente négociation", fait valoir l'Assurance maladie. "Ces objectifs nous paraissent démesurés et surtout sans fin répétés chaque année de façon itérative, relève la FMF. Un certain nombre d’entre eux, pour ne pas dire la plupart, ne dépendent pas de nous. Comment engager la profession dans ces conditions ?" "Je ne vais pas accepter la contractualisation par conventionnement à voir plus de patients, la contractualisation à faire de la m****, la contractualisation à remplir des déserts issus de décisions politiques", s'emporte Jérôme Marty, président de l'UFML, prévenant d'ores et déjà que la bilatérale de son syndicat avec la Cnam "risque de mal se passer". Des journées de 8h-18h, "pas acceptables" pour un médecin Aux représentants de la FMF qui expliquaient que les jeunes médecins "ne veulent pas travailler plus" mais "exercer mieux", Thomas Fatôme aurait rétorqué que les journées de 8-18 heures n'étaient "pas acceptables" pour un médecin et que cela ne représentait "que 50 heures par semaine, du lundi au vendredi, comme un cadre". Sollicité par Egora, Thomas Fatôme a assuré "qu’il ne s’agissait pas de demander aux médecins de travailler davantage, mais bien de leur permettre d’avoir davantage de temps médical. C’est avec cet objectif que nous proposons dans le cadre de la discussion conventionnelle, notamment : l’aide au recrutement d’un assistant médical pour la gestion administrative, un meilleur accès aux soins de second recours, des mesures de simplification administrative… Il s’agit bien là d’améliorer les conditions d’exercice des médecins en leur permettant de regagner du temps médical." "Patients et responsables politiques doivent mesurer ce qui se passera inéluctablement si un accord acceptable n'est pas proposé aux médecins : les médecins les plus âgés feront valoir rapidement leurs droits à la retraite, les jeunes médecins choisiront les filières les moins difficiles", met en garde MG France. "On est très très très loin d'un accord", déplore Patrick Gasser. "On nous fait le coup de 'si vous signez pas, ce sera l'administratif qui s'en chargera'… Si on veut tout tuer, il n'y a pas de problème." Si le directeur de la Cnam a coutume de dire qu'il "y aura un accord sur tout ou un accord sur rien", "ce qui a été mis sur la table reste ouvert à discussion", assure l'Assurance maladie. Rendez-vous le 14 mars, pour la prochaine séance multilatérale.
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