"Calomnie", "faux témoignage"... : l'AP-HP, la HAS et le conseil scientifique se soulèvent contre le Pr Raoult
"Il me semble essentiel (...) que les travaux de la commission ne puissent être fondés sur des éléments factuellement faux, et que les suites qui s'imposent puissent être données", écrit le directeur général de l'AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris), Martin Hirsch, dans cette lettre au président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand. Martin Hirsch conteste deux passages de l'audition du Pr Didier Raoult par la commission d'enquête le 24 juin : d'une part, une estimation des taux de décès de malades en réanimation, et de l'autre, des propos sur un patient chinois de 80 ans hospitalisé à Paris fin janvier et qui était décédé mi-février (c'était la première mort du Covid-19 officiellement enregistrée hors d'Asie)."Ces déclarations, qui mettent gravement en cause l'AP-HP, faites sous serment, me semblent s'apparenter à un faux témoignage", accuse Martin Hirsch dans ce courrier daté du 26 juin.
Devant la commission, le Pr Raoult avait évoqué la question de la mortalité, en disant s'appuyer sur "un travail" disponible en ligne. "La mortalité dans les réanimations ici, dans ce travail toujours, est de 43%. Chez nous, elle est de 16% ", avait-il dit, sans préciser exactement d'où il tirait ces chiffres. "Le soin est passé au second plan", avait poursuivi le Pr Raoult, directeur de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée-Infection de Marseille. Dans sa lettre, Martin Hirsch assure que "nous n'avons aucune donnée qui place à 43% la mortalité dans les réanimations de l'AP-HP", sans préciser à combien...
monte ce taux. "D'autre part, il n'y a à ce jour aucune étude publiée qui analyse comparativement les taux de mortalité en réanimation, évaluées dans des conditions contrôlées, entre les hôpitaux parisiens et marseillais", ajoute-t-il. En réponse à Martin Hirsch, l'entourage du Pr Raoult a renvoyé à des résultats du registre Reva (Réseau européen de recherche en ventilation artificielle) figurant dans un "rapport de la cellule de crise de l'AP-HP du 14 avril". Dans ce document, qui date d'il y a deux mois et demi, période du pic de l'épidémie en France, le pourcentage de décès en réanimation était alors évalué à 43% à l'AP-HP et 41% hors AP-HP.
L'entourage du Pr Raoult a également renvoyé à une interview sur LCI le 27 juin du Pr Eric Caumes, chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP). Le taux de mortalité, "pour Paris (...), pour les malades en réanimation, je confirme, c'est de l'ordre de 40% malheureusement. Mais Marseille, je ne sais absolument pas", avait dit le Pr Caumes. Par ailleurs, lors de son audition, le Pr Raoult a affirmé que le patient chinois de 80 ans s'était présenté "à la Pitié-Salpêtrière", était "rentré chez lui", puis était "revenu 7 jours après" et était "venu mourir dans un hôpital". "Le seul patient chinois de 80 ans auquel peut faire référence le Pr Didier Raoult a été admis le 25 janvier 2020 à l'hôpital européen Georges Pompidou. Il n'a jamais été renvoyé chez lui", assure Martin Hirsch dans sa lettre. Il rappelle que ce patient a ensuite été transféré "à l'hôpital Bichat, centre national de référence", où sa fille, elle aussi malade, a également été prise en charge avant de guérir. Dans un autre courrier adressée à la présidente de la commission, Brigitte Bourguignon, son rapporteur, Eric Ciotti, et au président de l'Assemblée, Richard Ferrand, les membres du Conseil scientifique Covid-19 considèrent les propos et insinuations du Pr Raout "infamants et dépourvus de fondements". Cette lettre...
signée par le Pr Delfraissy, à laquelle sont associés 12 des 13 membres du Conseil scientifique, pointe particulièrement les accusations de conflits d'intérêts portées par Didier Raoult lors de son audition. Selon le Pr Delfraissy, le Pr Raoult a fait preuve d'une "certaine forme "d'intention de tromper"" les députés de la Commission en "entreten(ant) "de manière répétée une confusion entre les notions pourtant bien distinctes de liens et de conflits d'intérêts".
"Les membres du Conseil scientifique souhaitent vous faire part de leur vive réprobation à l'endroit d'allégations sans fondement tenues par le Pr Raoult pourtant sous serment, ainsi que de propos manifestement outranciers dont les intentions et les prétentions ne lui semblent plus guère relever du registre de la science", conclut la lettre. Enfin, dans un troisième courrier daté du 1er juillet et adressé à Richard Ferrand, la présidente de la HAS, Dominique Le Guludec, conteste aussi des propos du Pr Raoult sur les conflits d'intérêt. "Affirmer devant la représentation nationale, de manière vague et non étayée, que la HAS est soumise à "des conflits d'intérêt très sérieux", relève de la calomnie", écrit la Pr Le Guludec. "Je ne saurais accepter que la réputation de la Haute autorité de santé, son sérieux et son intégrité soient remis en cause avec une telle légèreté à l'occasion d'un moment aussi important qu'une audition par les parlementaires", s'indigne-t-elle. [Avec AFP]
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