Prépa, matériel, logement : "Les études de médecine n’ont jamais coûté aussi cher"
“C’est clair : les études de médecine n’ont jamais coûté aussi cher”, constate, dépité, Jérémy Darenne, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Alors que sort aujourd’hui le septième indicateur du coût de la rentrée, basé sur un travail similaire de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), les chiffres sont “inquiétants” pour les carabins, prévient-il. Dans ce volet 2023, l’Anemf s’est particulièrement concentrée sur la première année commune aux études de santé (Pass/LAS) ainsi que sur la quatrième année de médecine, soit le début de l’externat. Sur le plan universitaire, le coût moyen d’un Parcours d’accès spécifique santé (Pass) avec une prépa privée augmente de plus de 3% pour atteindre 7416 euros, contre 6760 euros l’an dernier. Pour les Licence avec accès santé (LAS) incluant également une prépa, l’augmentation explose : +14% en 2023 après une première hausse similaire en 2022. L’année s’élève ainsi à 5190 euros alors qu’elle était à 4143 euros en 2022.
Montant moyen de l'année (en €) | Evolution par rapport à 2022 (en %) | |
Pass avec tutorat | 1 829,07 € | -0,07% |
LAS avec tutorat | 1 765,28 € | -0,08% |
Pass avec tutorat et organisme privé | 7 415,98 € | +3,31% |
LAS avec tutorat et organisme privé | 5 190,24 € | +14,12 % |
Seul le coût des Pass et LAS sans prépa mais avec tutorat observe une très légère baisse : -0,07% pour le Pass et -0,08% pour les LAS. Pour une année universitaire, les étudiants en Pass devront donc débourser 1829 euros et ceux en LAS, 1765 euros. “Les prix des tutorats ont diminué de 10 à 15%, mais cette diminution est noyée dans le budget global car le prix, environ une vingtaine d’euros l'année, est déjà relativement faible”, éclaire Jérémy Darenne.
Les coûts entre la région Île-de-France et les autres régions varient enfin de plusieurs centaines d’euros : de 7121 euros pour un Pass avec prépa privée en région contre 8832 euros pour les étudiants franciliens ; ou encore 1789 euros contre 2020 euros pour les Pass sans tutorat. Les LAS avec prépa parisiennes coûtent enfin 1967 euros de plus que celles des autres régions (6912 euros contre 4945 euros). En quatrième année, le constat n’est guère différent : il faudra compter 4406 euros de budget (+8%) et même 5323 euros avec une prépa privée (+7%). L’Anemf observe les mêmes disparités selon les régions : ainsi, une DFASM1 avec prépa coûte 5264 euros partout en France contre 5540 en Île-de-France.
Les prépas privées, 345 fois plus chères que les tutorats
“Les organismes privés sont le premier poste de dépense dans la rentrée des étudiants avec une hausse largement supérieure à l’inflation puisqu'ils ont appliqué des augmentations de prix de 10 à 30%”, met en avant le président de l’Anemf, calculant au passage que ces derniers coûtent, pour cette rentrée 2023… 345 fois plus cher qu’un tutorat. Raison de plus pour Jérémy Darenne de continuer à mettre en valeur ces associations qui ont reçu un agrément ministériel. “Le combat contre la précarité et celui pour l’égalité des chances sont directement liés puisque les étudiants dépensent beaucoup dans les organismes privés pour assurer leur réussite”, insiste-t-il. Comme l’an dernier, l’Anemf constate d’ailleurs que les prépas privées ont tendance à tirer profit du stress des étudiants, éprouvés par les échéances des concours et inquiets par les réformes "chaotiques". C’est pourquoi, elle appelle à “accompagner les tutorats” dans les universités avec "un soutien matériel, financier et pédagogique". "L'investissement au tutorat doit être encouragé, les étudiants et le corps enseignant doivent être sensibilisés à l’impact social indéniable des organismes privés", écrit la structure.
Les référentiels, principale dépense en début d’externat
Alors qu’un étudiant en médecine sur trois a déjà songé à arrêter ses études pour des raisons financières, rappelle Jérémy Darenne, les frais de rentrée sont des dépenses non négligeables dans le budget total des jeunes. En Île-de-France, les droits d’inscription (170 euros) et le matériel pédagogique (7088 euros avec prépa privée contre 276 euros sans) représentent une enveloppe de 7258 euros en Pass. Partout ailleurs...
l’Anemf compte 5863 euros de budget pour les mêmes postes de dépenses. En ce qui concerne les LAS, le budget est légèrement moindre : 3687 euros partout en France dans le cas d'une prépa privée contre 5383 dans le même cas pour une LAS parisienne. En prenant un tutorat, ce budget baisse à 512 euros autour de Paris et 461 ailleurs. En quatrième année, les “référentiels de spécialités constituent le premier pôle de dépense en matériel pédagogique”. L’achat de l’ensemble des référentiels existants nécessaires à la préparation des EDN (anciennement ECN, ndlr) représente une dépense de 1398 euros s'ils sont achetés neufs, précise l’association qui ajoute que “leur actualisation fréquente - exacerbée dans le contexte du nouveau programme de la réforme - par les collèges empêche généralement l’achat de référentiels d’occasion, et oblige même certains étudiants à racheter la nouvelle édition de certains ouvrages au cours de leur deuxième cycle”. L’indicateur de l’Anemf précise enfin que le coût moyen de souscription à un service d’aide à la préparation des EDN en ligne s’élève à 564 euros (contre 319 euros l’an dernier). “L’Anemf demande la mise à disposition gratuite de l’ensemble des référentiels en version numérique aux étudiants en DFASM et l’enrichissement de la plateforme d'entraînement et d'examen universitaire en dossiers progressifs, questions isolées, et autres types de docimologie, accompagnés de leurs corrections”, fait-elle donc savoir.
Total des frais de rentrée en région | Total des frais de rentrée en Île-de-France | |
PASS avec tutorat | 1 789,39 € | 2 019,63 € |
PASS avec tutorat et organisme privé | 7 121,08 € | 8 832,15 € |
LAS avec tutorat | 1719,67 € | 2 085,69 € |
LAS avec tutorat et organisme privé | 4 945,13 € | 6 912,09 € |
Quatrième année | 4 343,23 € | 4 638,40 € |
Quatrième année avec les organismes de préparation privés en présentiel | 5 263,88€ | 5 540,27€ |
A cela s’ajoutent de conséquents frais de vie courante, qui ont bondi de près de 7% et qui représentent 1035 euros mensuels en moyenne, peu importe l’année d’étude.
Régions | Île-de-France | |
Loyer et charges | 518,74 € | 700,19 € |
Consommables | 341,81 € | 367,78 € |
Téléphone et internet | 63,48 € | 63,48 € |
Loisirs | 46,31 € | 46,31 € |
Transport | 19,20 € | 31,08 € |
Menstruation | 9,58€ | 9,58€ |
Total | 999,12 € | 1 218,42 € |
2,21 euros de l’heure… en deuxième cycle
Des augmentations qui inquiètent le président de l’Anemf, qui garde à l’esprit que les carabins, du fait de leurs études chronophages, ont très difficilement le temps d’avoir un job étudiant à côté de la faculté. Jérémy Darenne insiste donc sur le fait qu’il est notamment urgent de revaloriser la rémunération des externes, qui sont actuellement payés 219 euros nets par mois soit 2,21 euros de l’heure à la suite de la revalorisation du point d’indice en juillet 2022. “En comparaison, un étudiant stagiaire touche une gratification horaire nette de 4,05 euros minimum pour un stage d’au moins deux mois.
Malgré l’augmentation salariale, l’étudiant hospitalier ne bénéficie pas d’un salaire équivalent à un autre étudiant stagiaire. La revalorisation post-Ségur de la Santé a certes réduit cet écart, mais ne l’efface pas. L’amélioration des systèmes d’aides sociales ainsi qu’un alignement du salaire sur celui des étudiants stagiaires peuvent aider à une diminution de cette précarité”, fait valoir l’Anemf. D’autant que depuis la mise en place du “service sanitaire” il y a cinq ans, l’association constate des disparités, entre les facultés qui impactent directement les carabins. “Les étudiants en santé se rendent sur l’intégralité du territoire français afin de mener des actions de prévention et de promotion de la santé, selon la volonté du Gouvernement de réduire les disparités face à l’accès à la prévention. Cependant, certaines UFR sont géographiquement très isolées, et couvrent donc un territoire très important. Nous pouvons citer en exemple l’UFR de médecine de Brest, située à plus de 240 km de l'UFR la plus proche, celle de Rennes. Il est dès lors impossible d’espérer couvrir l’intégralité d’un tel territoire sans des garanties sur le logement, le transport et l’alimentation des étudiants qui se rendront sur des territoires aussi éloignés”, prévient-elle.
Pour pallier cette obligation, l’Anemf demande des garanties sur "l’implication des collectivités territoriales vis-à-vis des aides proposées aux étudiants" pour réaliser leur service sanitaire ou le cas échéant, qu’un étudiant éloigné de son UFR de rattachement puisse bénéficier d’une compensation financière telle que l'indemnité logement de 150 euros. Pour les externes, la demande est quasi-identique : créer plus d'hébergements territoriaux ou prévoir une indemnité de 150 euros. Elle plaide par ailleurs pour l’extension de l'indemnité d'hébergement de 150€ brut pour les stages ambulatoires en zones sous-denses aux stages réalisés en centres hospitaliers et pour une revue de l’indemnité de transport “basée sur la grille de remboursement kilométrique de la fonction publique”.
“Tout a absolument augmenté”, conclut Jérémy Darenne qui promet de rester “vigilant” sur les questions de précarité des étudiants en médecine et entend défendre "l'égalité des chances" pour tous.
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