"Il est temps d’agir avant que les étudiants n'abandonnent en masse la médecine" : ces dix chiffres qui prouvent la précarité des carabins
“Les études de médecine n’ont jamais coûté aussi cher”, prévenait l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) fin août, alertant au passage sur la précarité grandissante des futurs médecins. Un mois plus tard, ce lundi 2 octobre, l’organisation complète son sombre constat en publiant une grande enquête ciblant particulièrement la précarité statutaire et financière des étudiants hospitaliers, qui compare notamment les données de cette année à celle d’une précédente enquête similaire réalisée en 2019.
“Il est grand temps de prendre soin de nos futurs soignants et d’agir avant que les étudiants abandonnent en masse la médecine !”, écrit l’Anemf en préambule de son dossier. Egora vous a sélectionné les dix indicateurs de cette enquête 2023 qui montrent que les médecins de demain sont précaires.
Abandon des études
Le constat est sans appel : 42% des étudiants hospitaliers ont déjà pensé à arrêter leurs études pour des raisons financières, soit plus de quatre sur dix. Ce chiffre, “inquiétant” pour l’Anemf, est en hausse de 13% par rapport au même indicateur en 2019. Pour rappel, un étudiant en premier cycle ne touche aucune indemnité. En deuxième cycle, il est rémunéré à hauteur de 273,14 euros bruts mensuels en quatrième année, 336,17 euros bruts mensuels en cinquième année et 409,70 euros bruts mensuels en sixième année.
Difficultés financières
52% des étudiants hospitaliers considèrent être confrontés à des difficultés financières. Paradoxalement, ce chiffre est plus élevé pour les étudiants de deuxième cycle. L’Anemf explique cette différence “par une très nette augmentation des pôles de dépenses lors de l’externat”. De la même manière, seuls 45% des étudiants hospitaliers considèrent avoir assez d’argent pour couvrir leurs besoins mensuels. Ainsi, les aides sont “indispensables pour les étudiants en médecine”, plaide-t-elle car aujourd’hui, plus d’un étudiant sur deux est dépendant de ses parents. 9% le sont également “totalement”, précise-t-elle.
Importance des gardes
A l’heure actuelle, les gardes des externes sont indemnisées à hauteur de 55,29 euros bruts pour une garde de jour, de nuit, le dimanche ou le jour férié. Ils sont tenus d'en effectuer au moins 25 au cours de leurs 36 mois de stages. Il ressort de l’enquête de l’Anemf que 75% des étudiants considèrent l’indemnisation de ces gardes comme un élément important dans leur source de revenus. Malheureusement, regrette la structure, les externes ont été exclus des mesures de pérennisation de revalorisation des indemnités de garde annoncées par Elisabeth Borne à la rentrée. “Il est inacceptable qu’une partie du personnel, pourtant indispensable au service de garde de nuit, n'ait pas accès à cette revalorisation, de plus lorsqu’il s’agit d’un public précaire !”, juge l’Anemf.
Études perturbées
30% des étudiants dénoncent les conséquences de la précarité financière sur leur formation : rattrapages, redoublements, difficulté d’assister aux cours…
Problèmes de transport
49% des étudiants ont déjà été mis en difficulté à cause des frais de transports engendrés par un stage. Selon l’Anemf, la distance constitue même un frein pour 76% dans le choix d’un terrain de stage. Bien qu’il existe une indemnité transport mensuelle de 130 euros, l’organisation la qualifie de “non suffisante” et non “adaptée aux conditions réelles des étudiants”. Elle demande donc que cette dernière soit basée sur la grille kilométrique de la fonction publique afin de s'adapter aux frais réels des étudiants effectuant des stages en périphérie.
Petit boulot
Près d’un étudiant sur deux (47%) a une activité rémunérée à côté de ses études de médecine. En premier cycle, ce pourcentage grimpe même à 61%, contre 37% pendant l'externat. Malheureusement, indique l’Anemf, ces petits boulots parallèles sont jugés indispensables par 41% d’entre eux et permettent d’améliorer “considérablement” le niveau de vie de trois étudiants sur quatre. Enfin, malgré ces activités supplémentaires, 84% de ces étudiants sont toujours dépendants de leurs parents. Conséquence de cette surcharge de travail : 63% des étudiants ayant une activité rémunérée la considèrent comme une source de stress et 44% considèrent qu’elle a un impact négatif sur leurs résultats d’études.
Spécificité du statut d’étudiant hospitalier l’été
Les étudiants en deuxième cycle sont tenus de faire des stages à l'hôpital l’été. Or, la grande majorité d’entre eux (94%), considère que le fait d’avoir des stages hospitaliers pendant l’été est un facteur limitant pour l’exercice d’un emploi estival destiné à améliorer son niveau de vie. Selon l’Anemf, le fait de ne pas pouvoir travailler ou de ne pas assez travailler pendant la période d’été a un impact sur le sentiment de précarité de 81% des étudiants. De plus, l’organisation regrette que les bourses sur critères sociaux attribuées aux étudiants en médecine ne soient pas versées l’été, “alors que les stages hospitaliers ne s’arrêtent pas” et qu’ils “limitent les possibilités d’une activité rémunérée complémentaire” car les différents frais (vie courante, logement, alimentation, transports), restent bien similaires au reste de l’année.
Plus d’un étudiant en médecine sur deux ne mange pas à sa faim
En 2019, 43% des étudiants déclaraient ne pas manger à leur faim. Cette année, ce pourcentage grimpe à 55%. Par ailleurs, l’Anemf relève que 41% des étudiants sautent au moins un repas par mois pour des raisons financières. 10% le font une fois par semaine voire plusieurs fois par semaine (7%).
Si l’hygiène alimentaire des carabins préoccupe particulièrement l'Anemf, la précarité sanitaire l’inquiète tout autant. 27% des étudiants en médecine ont ainsi déjà renoncé à l’achat de produits d’hygiène primaire et “7% renoncent à l’achat de protection menstruelle et 20% affirment utiliser ces protections plus longuement que conseillées”, prévient-elle.
Difficulté à se chauffer
80% des étudiants ont déjà éteint leur chauffage pour faire des économies, chiffre en augmentation de 30% par rapport à l’enquête de 2019.
Fuyez la médecine…
65% des étudiants en médecine ne recommandent pas leurs propres études pointe l’organisation dans son enquête, contre un étudiant sur quatre en 2019. Les raisons sont multiples, explique-t-elle : situation financière, conditions d'études, déroulement des stages… “Beaucoup d’étudiants entendent dire que les études de médecine se font par ‘vocation’ et qu’ils doivent donc accepter ces conditions. Certes, les études de médecine se font par passion, mais rien ne justifie de tels sacrifices”, affirme encore l’Anemf.
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?