Egora-le Panorama du Médecin : Quelles sont les allergies d’automne ?
Pr Pascal Demoly* : Elles sont centrées sur les acariens presqu’exclusivement ! A la rentrée, dès que le temps redevient humide, les acariens prolifèrent. Or l’effervescence des acariens coïncide avec le stress lié à la reprise des activités, scolaires ou professionnelles, et les échanges de virus… Pris individuellement, ces trois facteurs sont susceptibles de provoquer des pics d’hospitalisation pour asthme chez les personnes vulnérables, qu’il s’agisse d’un shoot d’acariens, d’un stress aigu (et aux dates anniversaires de ce stress) ou d’un virus. Une infection virale est la première cause d’exacerbation d’asthme chez l’enfant. La conjonction des 3 est donc à l’origine de pics d’arrivée aux urgences et de consultations non programmées pour asthme, cela est prouvé. Dans nos hémisphères, les patients allergiques n’ont pas à craindre de pollen automnal. Ceux de bouleau sont attendus vers février/mars, ceux de cyprès pas avant octobre dans le Sud si la saison est précoce, sinon plutôt en décembre/janvier/février ; frêne et olivier au début du printemps. Ce sont par conséquent les allergènes de l’environnement intérieur qu’il faut craindre, les acariens massivement qui prolifèrent davantage aujourd’hui en raison du réchauffement climatique et les poils d’animaux. Quels nouveaux traitements de ces allergies ? Nous espérons beaucoup d’une plus large diffusion des comprimés d’immunothérapie dirigés contre les acariens. Le laboratoire ALK a commercialisé en 2018 le premier médicament à dissolution sublinguale à base d’extrait allergénique standardisé d’acariens (Dermatophagoïdes ptéronyssinus et Dermatophagoïdes farinae à parts égales), Acarizax 12 SQ-HDM. Si le traitement, un lyophilisat oral par jour, est instauré par des médecins expérimentés pour le traitement des allergies, et la première prise réalisée sous surveillance pendant au moins 30 minutes, les médecins généralistes peuvent en assurer le suivi. Le médicament est indiqué sur la base d’une histoire clinique évocatrice et le résultat positif d’un test de sensibilisation aux acariens de la poussière de maison (prick-test et/ou présence d’IgE spécifiques) pour des adultes (de 18 à 65 ans) et adolescents (à partir de 12 ans) présentant une rhinite allergique persistante modérée à sévère aux acariens qui serait insuffisamment contrôlée par les traitements symptomatiques. Il peut être proposé aussi à des adultes de 18 à 65 ans présentant un asthme allergique aux acariens insuffisamment contrôlé par les corticostéroïdes inhalés et associé à une rhinite allergique légère à sévère aux acariens. Le laboratoire Stallergenes Greer, qui sur ce terrain a pris un peu de retard, mettra à disposition début 2023 ses comprimés d’acariens (Orylmyte).
La dose d’acariens dans l’extrait est fixe, le délai d’action de 2 à 4 mois et, si le traitement fonctionne bien, sa durée de 3 ans au moins. L’efficacité est de l’ordre de 80 % sur des critères symptomatiques, à apprécier après une saison, voire un an avant de poursuivre si les patients sont manifestement soulagés. Les objectifs sont bien sûr fonction du patient et d’abord de la résolution des symptômes : un nez bouché ? Une absence de réveil nocturne ? Une gêne respiratoire persistante alors que le traitement de l’asthme est bien conduit ? La cible est également préventive, l’immunothérapie modifiant l’évolution de la maladie : une désensibilisation aux acariens chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte jeune peut permettre d’éviter un asthme. A ces conditions, le patient est soulagé pour 10 à 15 ans avant une éventuelle nouvelle désensibilisation. Une très longue rémission est donc possible. Cet effet rémanent de l’immunothérapie, récompense d’une prise quotidienne pendant 3 à 5 ans, est à comparer au traitement pharmacologique suspensif uniquement (pris toute la vie) d’une rhinite ou d’un asthme. A signaler, au moment de la dissolution sublinguale de l’extrait allergénique, on peut avoir la sensation d’un gonflement sous la langue pendant les premiers jours, comme le petit bouton d’urticaire d’un prick-test positif. S’il est très gênant, un comprimé d’antihistaminique résout ce seul inconvénient. A venir peut-être un jour, je l’espère, les comprimés de pollens de cèdre du Japon, de la même famille que ceux du cyprès d’Italie auxquels un tiers des allergiques au Sud de la France (de Nice à Toulouse exclue) sont sensibles… Que peut-on attendre des anticorps monoclonaux ? Les allergologues ont le droit de prescrire depuis janvier 2022 tous les biomédicaments des maladies que nous voyons : l’asthme sévère, et maintenant les urticaires chroniques, les œsophagites à éosinophiles (avec les pédiatres ou les gastro-entérologues, selon les points d’entrée de nos patients), les polyposes nasosinusiennes ou les dermatites atopiques et bientôt j’espère les allergies alimentaires. Ces traitements biologiques sont extrêmement bien tolérés. Sur la NFS, on peut constater juste une élévation des éosinophiles, sans conséquence apparemment, avec l’un de ces médicaments qui ciblent l’inflammation Th2. Pour les allergies alimentaires sévères notamment, de plus en plus fréquentes, la décision est hospitalière dans les cas désespérés. Au prix de l’injection mensuelle, on peut préférer des solutions plus “naturelles“, d’induction de tolérance orale, en particulier pour le lait, la noisette ou l’arachide. L’objectif étant ici de déterminer la dose maximale tolérée, de réduire le seuil de réactivité, de manifestations alors moins sévères. L’alimentation devrait, autant que faire se peut, rester physiologique et un plaisir, sans carence et stress parental à la clé.
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