Est-ce un tournant dans la prise en charge du cancer du poumon, au pronostic parmi les plus pessimistes ? Tout porte à le croire, au vu des résultats de l’étude KBP 2020, dont la présentation a constitué l’un des points forts du CPLF. « C’est une confirmation de l’impression clinique que nous avions ces dernières années. Peut-être parce que la prise en charge s’est améliorée au cours des 10 dernières années, du fait des thérapies ciblées, de l’immunothérapie pour les patients au stade métastatique », avance le Dr Hugues Morel, chef du service de pneumologie et oncologie thoracique au CHR d’Orléans et président du Collège des pneumologues des hôpitaux généraux (CPHG).
Menée sur 8 999 patients diagnostiqués en 2020 et suivis dans 82 centres hospitaliers non universitaires, l’étude KBP 2020 est la troisième du genre, après celles menées en 2000 et 2010. Cette dernière édition révèle une mortalité précoce toujours aussi élevée. Trois mois après le diagnostic, le taux de décès était de 20,2%, contre 24,6% en 2000, soit une modeste baisse de 4,4%. Un résultat qui n’a rien de surprenant, alors que « 60% des cas sont diagnostiqués au stade métastatique, chez des patients jusqu’alors jugés non curables, et qui ne peuvent pas être traités », explique le Dr Didier Debieuvre, chef du service de pneumologie de l’hôpital Emile Muller de Mulhouse (GHR Mulhouse Sud Alsace) et investigateur-coordinateur de l’étude.
La différence ne devient réellement marquée qu’à un an après le diagnostic. En 2020, le taux de mortalité à un an était de 44,5%, contre 60,1% en 2000, soit une baisse de 15,6%. Quant au taux de mortalité à deux ans, il a chuté de 26,6% en vingt ans, passant de 78,8% à 52,2%. En excluant de l’analyse les patients décédés dans les trois premiers mois, la baisse atteignait même 34,3% à deux ans. Au final, la survie médiane d’une personne diagnostiquée avec un cancer du poumon a doublé, passant de 8,8 mois en 2000 à 17,1 mois en 2020. Autant de progrès, qui selon une comparaison avec les résultats de KBP 2010, sont particulièrement marqués au cours de la décennie écoulée.
Un cancer qui progresse chez les femmes
Cette amélioration du pronostic est observée quel que soit le type de cancer, bien qu’elle soit plus importante pour les cancers non à petites cellules (+38,1% de survie à deux ans pour les non métastatiques) que pour ceux à petites cellules (+16,8%). Si la part de femmes parmi les malades a explosé en 20 ans (16% en 2000, 35% en 2020), reflétant la tendance du tabagisme au cours des 50 dernières années, c’est chez elles que l’amélioration du pronostic est la plus forte. Leur taux de survie à deux ans a progressé de 32% entre 2000 et 2020, contre 23% chez les hommes. Autre évolution notable, la part des jeunes patients, âgés de moins 50 ans, a nettement diminué, passant de 11% des cas en 2000 à 4% en 2020.
Covid-19 oblige, l’amélioration pronostique pourrait en réalité être encore plus forte que celle calculée. Les chercheurs ont mené une sous-analyse afin d’évaluer l’impact du Covid-19 sur cette population hautement vulnérable aux infections pulmonaires. Parmi les 283 personnes qui ont contracté le Covid-19 en 2020, et alors que les vaccins n’étaient pas disponibles, « plus de 50% sont décédés dans les cinq mois », observe Didier Debieuvre. Soit un risque de mortalité multiplié par 3,24 par rapport aux patients cancéreux n’ayant pas contracté l’infection.
Un argument en faveur du dépistage
Sans surprise, le stade auquel le cancer est diagnostiqué demeure un facteur important de mortalité de cancer du poumon. En 2020, le taux de mortalité des patients diagnostiqués au stade 4 (métastatique) était de 68,4% à deux ans, contre seulement 10,6% pour ceux diagnostiqués au stade 1 (tumeur unique et de petite taille), soit une survie presque trois fois plus importante en cas de diagnostic précoce. Un nouvel argument en faveur d’un dépistage généralisé du cancer du poumon chez les fumeurs, que la profession réclame à cor et à cri.
Autre fait frappant, l’impact du cannabis sur la survenue d’un cancer du poumon -mais non sur sa mortalité. Dans la pratique, « nous avions l’impression que lorsqu’on avait un sujet jeune atteint d’un cancer du poumon, il ne fumait pas que du tabac, et cela se confirme sur cette cohorte », note Didier Debieuvre. Les résultats suggèrent un lien étroit entre sa consommation et le risque de cancer du poumon. L’âge médian au diagnostic est de 53 ans chez les fumeurs de cannabis, contre 65 ans chez ceux qui s’en tiennent au tabac et 72 ans chez les non-fumeurs. Par rapport aux non-consommateurs, ils présentent un risque multiplié par 6,53 de développer un cancer du poumon. Un phénomène encore peu compris, mais qui pourrait en partie s’expliquer par l’absence de filtres sur les ‘joints’.
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