Effets secondaires des immunothérapies anti-cancéreuses : que faut-il savoir ?
Selon l’Institut national du cancer (INCa), 382 000 nouveaux cas de cancers et 157 400 décès sont survenus en France en 2018. « Le paradigme des traitements du cancer a changé. Avec les immunothérapies, le système immunitaire est traité en modulant l'activation lymphocytaire afin de détruire les cellules tumorales » introduit le Dr Stéphane Champiat (Institut Gustave-Roussy). Certaines cellules cancéreuses ont des mécanismes d’échappement les rendant capables de progresser et de développer leur potentiel d'envahissement tumoral et de destruction des tissus en rendant le système immunitaire de moins en moins compétent. Ces mécanismes sont multiples. Le premier consiste à recruter des cellules immunosuppressives et créer un environnement immunosuppresseur en émettant des chimiokines ou des cytokines. Le deuxième est un mécanisme de modulation au niveau de la cellule cancéreuse elle-même. Elle peut perdre l'expression de son complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) et ne plus être reconnue par les lymphocytes T CD8 et progressivement perdre l'antigène qui était détecté par la réponse immunitaire adaptative. Le troisième mécanisme utilisé par la cellule cancéreuse consiste à exprimer à sa surface des modulateurs de l'activation des cellules immunitaires : les check points. Les check points « inhibiteurs » empêchent l’auto-immunité en empêchant l'emballement du système immunitaire, à la fois en intensité ou dans la durée. Les check point « activateurs » permettent la destruction du pathogène. Les immunothérapies ciblent en particulier ces points de contrôle du système immunitaire notamment les PD-1 (un récepteur présent sur les lymphocytes T) et les PD-L1 (un ligand présent sur les cellules tumorales qui peuvent spontanément l’exprimer pour inhiber le système immunitaire). « Par ces mécanismes physiologiques de résistance adaptative, toute cellule agressée par le système immunitaire du fait de la production d'interféron gamma dans l'environnement tumoral ou dans l’environnement d’une cellule, va réguler à la hausse à sa surface des ligands check point inhibiteurs, comme les inhibiteurs PD-L1, échappant ainsi à leur destruction par les lymphocytes T CD8 », précise le Dr Champiat. Les immunothérapies anti PD-1 ou anti PD-L1 bloquent cette interaction soit au niveau du récepteur du lymphocyte, soit au niveau du ligand de la cellule tumorale et ainsi ré-inversent l'inhibition créée par le ligand de la tumeur au niveau du lymphocyte T CD8. Différents cancers répondent à ces immunothérapies. Ces dernières présentent également l’intérêt de stimuler une réponse mémoire durable dans le temps même après l’arrêt du traitement. « Depuis 2015, l’immunothérapie connait un phénomène d’accélération tant au niveau du nombre d'indications que du nombre de médicaments anti PD-1 et anti PD-L1. Aujourd'hui, ces traitements sont associés à d'autres traitements pour faire face à la résistance aux immunothérapies comme des combinaisons chimiothérapie-immunothérapie, approuvées par exemple dans le cancer du poumon, des associations d'immunothérapies entre elles ou des associations avec les antiangiogéniques, notamment dans le cancer du rein. Ces combinaisons augmentent l'efficacité, mais également les effets secondaires » complète le spécialiste. Dans le mélanome, les immunothérapies, d’abord testées chez les patients de stade avancé métastatique (stade IV), ont ensuite été élargies aux patients avec atteinte ganglionnaire (stade III), et aujourd’hui, aux patients de stade II traités de plus en plus précocement. Pour le Pr Stéphane Dalle, Chef de service dermatologie (CHU Lyon-Sud), « la gestion de la toxicité devient un enjeu car nous visons, pour nos patients, une survie à long terme si le traitement leur est efficace ». Effets indésirables : une cinétique connue En levant les freins de l’immunité pour éliminer les cellules cancéreuses, les immunothérapies ont comme effet secondaire de permettre aux cellules immunitaires de réagir contre les organes. « Nous continuons de découvrir de nouveaux effets secondaires mais aussi des combinaisons d'effets secondaires. Cela implique une gestion des patients se rapprochant de la médecine interne » précise le Pr Stéphane Dalle. Les patients peuvent ainsi avoir des colites sévères allant jusqu’à des perforations digestives, des éruptions cutanées, des uvéïtes, des néphrites, des encéphalites, des méningites, des pneumopathies inflammatoires, des neuropathies, des thyroïdites, des atteintes cardiaques comme la myocardite mais aussi des péricardites, des poussées d’angor ou des infarctus du myocarde. La cinétique des effets secondaires est connue. En général à partir de la quatrième semaine après le traitement, une toxicité cutanée apparaît suivie d’une toxicité digestive puis, à partir d'un mois et demi - deux mois, d’endocrinopathies. Les myocardites, événements rares, surviennent de façon précoce entre le quinzième jour et le trentième jour après l’immunothérapie mais avant la réalisation de l’évaluation à trois mois. Les effets secondaires les plus précoces sont les plus fréquents, mais ne sont pas très menaçants. En revanche, les effets secondaires cardiaques sont peu fréquents mais sont une menace vitale dans plus de 40% des cas. Tout symptôme doit alerter. Une plateforme dédiée Pour le Pr Stéphane Dalle « L’ère de la corticothérapie à large spectre est finie. Maintenant, nous affinons la prise en charge de ces toxicités en cherchant un mécanisme d'action spécifique pour traiter un effet secondaire donné et éviter ainsi d'annihiler l'efficacité voulue des immunothérapies ». Le CHU de Lyon a ainsi mis en place un programme nommé « Immucare ». Il s’agit d’une plateforme regroupant un réseau de spécialistes par organes connaissant la toxicité des immunothérapies. « Nous avons une expertise RCP et suivons ces patients à domicile avec l’aide d’appareils digitaux. Nous pouvons ainsi rechercher précocément les signaux faibles précédant un effet secondaire important », conclut le médecin.
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