IMC

Evaluation du surpoids et de l’obésité : l’IRC pourrait-il remplacer l’IMC ?

Dans certains situations, l’indice de masse corporelle (IMC) apparait peu pertinent pour évaluer correctement le surpoids ou l’obésité d’une personne. Selon certaines données, l’indice de rondeur corporelle (IRC) - qui repose sur une équation complexe, mais basée aussi sur la taille et le poids - pourrait être plus efficace. Entretien avec le Pr David Jacobi, PU-PH en nutrition au sein du service Endocrinologie, diabétologie, nutrition de l’Institut du thorax au CHU de Nantes.

13/09/2024 Par Muriel Pulicani
Nutrition
IMC

Des chercheurs suggèrent de remplacer l’indice de masse corporelle (IMC), pas adapté aux enfants, aux adolescents et aux seniors, ne permettant pas de différencier la masse graisseuse de la masse musculaire, par un "indice de rondeur corporelle" (IRC). Que pensez-vous de cette proposition ?

Pr David Jacobi : L’IMC rend des services considérables sur le plan épidémiologique, où il reste bien corrélé au risque cardiovasculaire, de cancer et de mortalité. En revanche, c’est un marqueur moins fiable de ces risques sur le plan individuel. Il ne discerne pas la masse musculaire, comme chez les athlètes. Et chez les enfants et les adolescents, il faut prendre en compte la catégorie d’âge.

La question de créer un meilleur indice n’est pas nouvelle. On cherche les meilleurs critères cliniques d’accumulation excessive de graisse associée à des risques pour la santé. Ceux-ci existent en cas de graisse accumulée en intra-abdominal, autour des organes comme l’estomac, l’intestin, la rate, le foie, les reins… mais pas avec la graisse sous-cutanée. Pour des raisons hormonales, les hommes sont davantage touchés que les femmes avant la ménopause.

Les paramètres que nous utilisons sont le tour de taille, le ratio tour de taille/tour de hanches, le ratio tour de taille/taille. Le dernier indice présenté est l’IRC : les paramètres d’entrée sont simples (taille et tour de taille), mais le calcul est compliqué (1), et le tour de taille pas forcément évident à mesurer. Il pourrait être plus pertinent que l’IMC sur le plan individuel. Il faudrait mener des études comparatives, définir les types de personnes (âge, sexe, ethnie...) et des seuils de risque et d’intervention.

 

Comment la prévalence du surpoids et de l’obésité en France évolue-t-elle ?

On observe une augmentation régulière de l’obésité : 8,5 % des adultes en 1997, 17,9 % en 2024 (2). L’augmentation concerne surtout l’obésité sévère de grade 3 (IMC > 40 kg/m2) qui a été multipliée par 6 entre 1997 et 2024, passant de 0,3 à 1,9 %. Il existe des disparités régionales et des disparités entre catégories socioprofessionnelles, alors que la prévalence est similaire chez les hommes et les femmes.

 

Quelles sont les principales avancées permises par la feuille de route « Prise en charge de l’obésité 2019-2022 » ? Une nouvelle feuille de route est-elle prévue ?

La feuille de route faisait suite au Plan obésité de 2011, qui a permis la création de 37 centres spécialisés de l’obésité (CSO), souvent structurés autour d’un CHU.

Les médecins généralistes sont en première ligne pour proposer des soins. Ils doivent enregistrer le poids et la taille régulièrement, pour un repérage proactif de l’apparition du surpoids. Cela paraît simple, mais ce n’est pas fait de manière systématique. Il faut pouvoir aborder ce sujet de manière non stigmatisante. Les médecins doivent y être attentifs.

 

Comment améliorer la prise en charge des patients ?

Le standard est une prise en charge pluriprofessionnelle incluant idéalement diététicien, kinésithérapeute ou enseignant en activité physique adaptée, psychologue ou psychiatre spécialisé. Or, nous manquons de moyens : non-remboursement du parcours de soins, problèmes d’accès aux traitements...

 

Après le retrait de molécules souvent mal utilisées et aux effets secondaires importants, une nouvelle génération de traitements arrive. Qu’apportent-ils ? Sont-ils disponibles en France ?

Depuis trois ans, il y a de nombreuses études sur les analogues des hormones digestives qui modulent l’appétit. Les résultats sont intéressants. Le profil des effets secondaires reste favorable par rapport aux bénéfices sur la perte de poids, de plus de 10 %. Fin 2023, le sémaglutide a montré une diminution du risque cardiovasculaire en prévention secondaire chez des personnes obèses mais non diabétiques. Cependant, on manque d’études de vie réelle. Seuls le liraglutide et l’orlistat sont disponibles en France mais non remboursés. Le sémaglutide et le tirzépatide ont des AMM européennes dans l’obésité, mais ne sont pas encore commercialisés en France.

 

Quelle est la place de la chirurgie bariatrique dans la prise en charge ?

La chirurgie a démontré une efficacité remarquable sur la perte de poids prolongée et la diminution des comorbidités. On opère beaucoup en France, avec près de 50 000 interventions par an, mais cela reste limité par rapport au nombre de patients éligibles. En effet, c’est un traitement lourd nécessitant un suivi à vie… suivi qu’il faut pouvoir structurer.

 

  1. Mode de calcul de l’IRC : 364,2 - 365,5 × √(1 - [tour de taille en cm/2 π] / [0,5 × taille en m]).
  2. Études triannuelles Obépi-Roche de l’Inserm de 1997 à 2012, et Observatoire français d’épidémiologie de l’obésité (Oféo) de 2024.

 

 

Le Pr Jacobi déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles (essais cliniques, conférences…) pour Novo Nordisk, Eli Lilly, Pfizer, Amgen.

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