Les gynécologues vent debout contre les dernières recos de l’ANSM sur les progestatifs
Ces recommandations dites "préliminaires" ont étendu à tous les progestatifs ainsi qu’à la progestérone, des mesures de précaution visant à limiter le risque de méningiome. Jusqu’à présent, de telles mesures avaient été mises en place pour 3 progestatifs (acétate de cyprotérone, nomégestrol et chlormadinone) dont les études avaient confirmé le risque. Mais l’ANSM a affirmé qu’elle ne pouvait exclure un possible "effet classe". En conséquence, et dans l’attente de résultats d’études en cours, elle a pris des mesures (contre-indication en cas d’antécédent de méningiome, réunion de concertation pluridisciplinaire, dose minimale, réévaluation annuelle…) pour les autres progestatifs (diénogest, dydrogestérone, médrogestone) et la progestérone naturelle.
Les 9 sociétés de gynécologie signataires considèrent que ces dernières recommandations ne reposent sur aucune preuve scientifique et uniquement "sur quelques cas rapportés de méningiome". Les gynécologues dénoncent une utilisation abusive du principe de précaution et s’inquiètent des conséquences négatives que pourraient avoir la médiatisation de ce type de recommandation.
Sur le fond, ils considèrent que l’ANSM n’a pas assez tenu compte de la durée d’exposition aux progestatifs en question ou de la dose cumulée, une "question non résolue à ce jour" et pourtant "fondamentale pour les cliniciens". Ils soulignent aussi que "mettre les progestatifs de synthèse et la progestérone naturelle sur le même plan est pour le moins discutable en termes d’activité et de pharmacocinétique", la progestérone ayant un "métabolisme rapide, donc une demi-vie qui n’a rien à voir avec celle des molécules de synthèse," soulignent-ils.
Enfin, ils rappellent l’utilité majeure de ces produits, en particulier dans l’aide médicale à la procréation (AMP), la prise en charge de la ménopause, l’insuffisance ovarienne, le syndrome des ovaires polykystiques, ou l’endométriose. Ces médicaments préviennent le cancer de l’endomètre et évitent des hystérectomies : "Tant de situations cliniques laisseraient les patientes sans aucune ressource thérapeutique si ce n’est d’augmenter la prévalence des hystérectomies et contribuer à altérer la qualité de vie des femmes alors que notre pays est depuis de nombreuses années celui au monde où le nombre d’hystérectomie et où l’incidence du cancer de l’endomètre sont les plus faibles ? Va-t-il falloir les orienter vers des traitements dont la balance bénéfices-risques globale est moins favorable individuellement ou reste à démontrer ?", s’interrogent les spécialistes.
Ils rapportent par ailleurs plusieurs arguments pour l’innocuité des progestatifs. Et en premier lieu une étude de 2021, publiée dans une revue du groupe Nature (Scientific reports 2021), qui a comparé des femmes ayant eu des enfants (taux de progestérone multiplié par 6 à 8 pendant la grossesse) à des femmes nullipares. Les résultats n’ont pas d’augmentation du risque de méningiome chez les femmes multipares. Enfin, les gynécologues soulignent qu’aucun autre pays au monde n’a, à ce jour, soulevé ce risque lié aux progestatifs de synthèse ou à la progestérone.
"On peut envisager de sensibiliser les professionnels de santé pour les longues durées d’utilisation des progestatifs (à fortes doses) mais arrêtons d’inquiéter les femmes sur des 'suggestions' de risque non évalué", concluent les auteurs du communiqué.
*GEMVI : Groupe d’étude sur la ménopause et du vieillissement hormonal – Société française de ménopause ; CNEGM : Collège national des enseignants de gynécologie médicale ; CNGOF : Collège national des gynécologues et obstétriciens français ; FNCGM Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale ; SFG : Société française de gynécologie ; CNPGO-GM : Conseil national professionnel de gynécologie obstétrique et gynécologie médicale ; SEUD : Society of endometriosis and uterine disorders ; FFER : Fédération française d’étude de la reproduction ; SMR : Société de médecine de la reproduction.
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