On sait que certains troubles psychiatriques (anxiété, dépression, fatigue…) peuvent être présents dès les phases prodromales, puis être présents ou se développer durant l’aggravation de la maladie de Parkinson. La bidirectionnalité entre ces deux entités -neurologique et psychiatrique- est aujourd’hui bien décrite. Le diagnostic reste compliqué à cause du chevauchement clinique entre les deux : ralentissement psychomoteur, fatigue, perte de libido, troubles du sommeil. Les troubles dépressifs de la maladie de Parkinson sont souvent plus manifestes le matin et sont souvent moins sévères, centrés sur le pessimisme.
Concernant les épisodes maniaques et la bipolarité, il n’existe pas de différences réelles sur le plan sémiologique chez le sujet parkinsonien. Attention toutefois aux manies pouvant être favorisées par l’association entre le traitement antiparkinsonien et un antidépresseur pour trouble unipolaire. Si elle est moins clairement décrite et comprise, la bidirectionnalité entre les deux pathologies est décrite. D’une part, l’évolution de la neurodégénérescence toucherait des aires déterminantes comme l’aire tegmentale ventrale, la substance noire et leurs projections mésocorticales et mésolimbiques, avec aggravation des lésions sérotoninergiques et dopaminergiques. Les sujets bipolaires, eux, tireraient leur surrisque de maladie de Parkinson du nombre d’épisodes dépressifs mixtes ou maniaques vécus, qui favoriseraient des fluctuations dopaminergiques in fine délétères. Les voies sérotoninergiques, glutamatergiques et inflammatoires seraient aussi impliquées.
La prise en charge des troubles dépressifs est classique, et l’électroconvulsivothérapie peut être intéressante dans ce contexte. Celle des épisodes maniaques repose sur le lithium, le valproate, ou la carbamazépine, malgré les difficultés qu’ils peuvent poser sur le tableau moteur.
Penser à la iatrogénie médicamenteuse !
Face à des manifestations psychiatriques chez le sujet parkinsonien, l’élément déterminant est de préciser leur durée : permanentes ou intermittentes. « Les premières invitent à simplifier le traitement dopaminergique, en nettoyant l’ensemble de la thérapeutique, explique la Dre Solène Frismand (CHRU Nancy). Les secondes invitent plutôt à rechercher s’il s’agit de fluctuations non motrices et, le cas échéant, à équilibrer le traitement dopaminergique, quitte à en augmenter la posologie ».
La psychose parkinsonienne est l’une des plus fréquentes : caractérisée par des sensations de présence ou de passage à la périphérie de la vision d’hallucinations notamment visuelles (mauvaise interprétation d’un stimulus réel), principalement le soir ou la nuit, elle concernerait 20 à 40 % des patients, voire 80 % en phase de démence : « Elles représentent souvent un virage dans l’évolution de la maladie », reconnaît la neurologue. Bien vécue initialement, la psychose peut s’aggraver en scènes plus angoissantes. Son diagnostic repose sur une apparition ultérieure au diagnostic de maladie de Parkinson, survenue depuis au moins 1 an. Une fois les diagnostics différentiels écartés (troubles métaboliques, infectieux, automédication à risque, fécalome…), la simplification thérapeutique passe d’abord par l’arrêt des anticholinergiques, puis de l’amantadine, des IMAO-B, puis si nécessaire, la réduction progressive des agonistes dopaminergiques. La prescription d’un antipsychotique faible dose n’est envisagée qu’en cas de psychose persistante.
Les troubles de contrôle des impulsions sont également fréquents chez le sujet parkinsonien : ces addictions comportementales, excessives, impulsives et répétitives (alimentation, jeu, achats, sexualité, comportement répétitif stéréotypé sans but...) ont des conséquences négatives et potentiellement graves pour l’individu et son entourage. Le traitement par agonistes dopaminergiques est un facteur de risque important, de façon dose et durée dépendante. « Ces troubles sont à rechercher systématiquement à chaque consultation pendant au moins 2 ans suivant l’initiation thérapeutique », a insisté la neurologue. Patient et proches doivent être prévenus du risque de ces manifestations. Leur prise en charge repose sur la réduction voire l’arrêt des agonistes dopaminergiques, « de façon très progressive afin d’éviter le syndrome de sevrage », et en majorant la L-dopa.
Si l’activité physique est neuroprotectrice, les données s’accumulent pour suggérer également un effet neuro-restaurateur, lorsque la durée et l’intensité sont suffisantes. Les stratégies proposées sont dans ce cas spécifiquement attentionnelles : en recourant à des mouvements inhabituels, elles permettent au patient de contrôler son mouvement. C’est ce qui est observé concrètement dans la cohorte de patients lyonnais intégrés à l’étude Sirocco : au programme, une rééducation intensive (5 séances individuelles ou en groupe de 45 min chaque jour pendant 5 semaines) articulant activité physique adaptée (APA), kinésithérapie, orthophonie, ergothérapie et tables rondes. Les résultats sont encourageants, notamment concernant les troubles de la marche : cette fonction, à la fois automatique et consciente (adaptation à l’environnement), sollicite de nombreuses régions corticales et sous-corticales. Or la maladie engendre une altération simultanée du versant moteur et du versant cognitif, conduisant à de moindre performance de la marche en tâche simple et a fortiori en double tâche (environnement complexe). Grâce au programme, l’activité de marche en simple tâche était améliorée avec une moindre activité préfrontale, suggérant une baisse des ressources exécutives nécessaires et une automaticité améliorée dans l’exécution de la marche. En double tâche, la différence n’était pas significative : outre la faible puissance statistique, ce résultat suggère que la simple tâche pourrait déjà avoir recruté la totalité des capacités mobilisables en complément.
En pratique, comment faire bénéficier les patients d’une activité physique, auprès de kinésithérapeutes ou d’encadrant APA ? Trois séances de 45 minutes peuvent être envisagées. Sirocco montre que les activités de groupe favorisent la pair-émulation. L’objectif est de pouvoir progressivement rendre le patient autonome. Il doit donc comprendre l’utilité de l’approche, et ses limites. L’activité ne doit pas être vécue comme une contrainte ou un traitement. D’où la nécessité d’une activité la plus adaptée au patient possible pour qu’il tire une motivation intrinsèque. D’après les communications du Pr Jacques Luauté, et des Drs Maxime Cheminon, Isabelle Hoang, et Teodor Danaila (CHU Lyon).
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