Mici : un risque cardiovasculaire accru

17/04/2019 Par Corinne Tutin
Hépato-gastro-entérologie

[LES GRANDS CONGRES DE L'ANNEE] Notre série estivale consacrée aux grands congrès de l‘année s'achève sur les Journées francophones d'hépato-gastroentérologie, qui se sont déroulées à Paris du 21 au 24 mars. La session concernant le lien entre Mici et risque cardiovasculaire, en particulier, a été riche d’enseignements. Cette relation pourrait passer par des cytokines telles que le TNF, et des mécanismes inflammatoires.  

On sait depuis longtemps que des maladies à composante auto-immune et inflammatoire comme la polyarthrite rhumatoïde (PR) exposent à un risque cardiovasculaire augmenté. "C’est également vrai dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici).  Ce qui avait jusqu’ici été moins étudié, probablement parce que les patients sont en moyenne plus jeunes", a expliqué le Dr Julien Kirchgesner (Hôpital Saint-Antoine, Paris). Divers éléments physiopathologiques plaident en faveur de cette association. Le TNF, dont la libération est accrue dans les Mici, "joue un rôle central dans l’athérogénèse par son impact sur les leucocytes : activation, libération de cytokines ; ainsi que sur les cellules endothéliales et les adipocytes". "Les Mici s’accompagnent, à côté de l’inflammation intestinale, d’une inflammation systémique avec élévation du taux de CRP ultrasensible, aujourd’hui reconnue comme cible thérapeutique pour abaisser le risque cardiovasculaire." Une méta-analyse (Wu, et al., Angiology, 2016) a décrit chez ces patients un accroissement de l’épaisseur de l’intima-média carotidienne, marqueur préclinique d’athérosclérose, en comparaison de la population générale. Récemment, une étude encore non publiée, entreprise par le Dr Kirchgesner à partir des données du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) et d’une cohorte de plus de 170 000 patients atteints de Mici, a aussi mis en évidence une incidence élevée, 5,6 % sur 10 ans, d’accidents artériels aigus chez ces malades (infarctus du myocarde, AVC, thromboses artérielles périphériques). A partir des données médico-administratives françaises, le Dr Kirchgesner a estimé que le risque cardiovasculaire global est accru de 19 % dans les Mici, soit de 35 % dans la maladie de Crohn (MC) et de 10 % dans la rectocolite hémorragique (RCH), et est corrélé à l’activité de la maladie (+ 74 % dans les 3 mois précédant ou suivant une hospitalisation pour MICI)*. Le risque relatif d’observer des événements cardiovasculaires est plus élevé, en comparaison de la population générale, chez les femmes et les patients jeunes avec une Mici. "Ce qui pourrait être lié à un impact relatif plus important de l’inflammation systémique, induite par la Mici, dans ces populations de malades avec peu de facteurs de risque cardiovasculaire classiques."   Les différences de niveau de risque cardiovasculaire, observées entre MC et RCH, pourraient être en rapport avec un niveau d’inflammation systémique classiquement plus haut dans la MC, des facteurs génétiques, un tabagisme plus fréquent, certaines caractéristiques de la dysbiose intestinale…    Impact variable des médicaments Plusieurs études suggèrent qu’une corticothérapie orale prolongée accroît, chez ces patients, la probabilité de cardiopathie ischémique "Ce qui n’est pas étonnant car les corticoïdes favorisent la survenue de l’insulinorésistance, de l’hypertension artérielle, la prise pondérale…", a fait remarquer le Dr Kirchgesner.  En revanche, les autres traitements, notamment les anti-TNF, semblent avoir un effet protecteur sur le risque cardiovasculaire, ce qui pourrait découler de leur action sur l’inflammation systémique. Dans l’étude du Dr Kirchgesner réalisée à partir du Sniiram, le risque d’accident artériel aigu était ainsi réduit de 21% chez les malades ayant reçu des anti-TNF en comparaison de ceux n’en ayant pas pris (- 20 % pour les cardiopathies ischémiques, - 17 % pour les AVC, - 31 % pour les thromboses artérielles périphériques). Un effet modeste de réduction (- 7 %) a également été relevé après administration de thiopurines. Le Dr Kirchgesner a recommandé de promouvoir le sevrage tabagique chez ces patients (en particulier chez ceux avec une MC où il a un effet délétère), de rechercher chez eux les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels (globalement peu différents de ceux des sujets sans Mici), de viser le plus possible une rémission au minimum clinique, en évitant une corticothérapie prolongée.

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