Drépanocytose 

Drépanocytose : des nouveautés pour améliorer la prise en charge préventive et curative

La généralisation du dépistage néonatal de la drépanocytose, mais aussi l’administration précoce des traitements, améliorent la vie des patients.

26/03/2025 Par Dre Anaïs Charon
Pédiatrie
Drépanocytose 

Depuis le 1er novembre 2024, le dépistage de la drépanocytose est généralisé à tous les nouveau-nés, dans le cadre du programme national de dépistage néonatal. Les porteurs sains sont également dépistés et leurs parents informés. Quel est le rôle des médecins généralistes face à ces quelque 12 000 futurs foyers concernés ?

 

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Une maladie qui ne devrait plus être classée comme rare

La drépanocytose est une maladie génétique résultant d’une mutation sur un des gènes codant l’hémoglobine, principale protéine du globule rouge permettant l’apport d’oxygène aux tissus. Son incidence à la naissance a augmenté en France de façon constante depuis dix ans, pour parvenir à 1 personne sur 1 000 en population générale en 2023. Elle est ainsi devenue la plus fréquente des maladies génétiques dépistées à la naissance en France métropolitaine.

Jusqu’alors, le dépistage de la drépanocytose se faisait de façon ciblée en métropole, restreint aux nouveau-nés de parents originaires de régions à risque. Dans un argumentaire publié par la Haute Autorité de santé le 10 novembre 2022 (1), il a été établi que ce ciblage était à l’origine d’une perte de chance pour certains nouveau-nés. D’après la Pre Corinne Pondarré, pédiatre hématologue, ancienne responsable du centre de référence enfant et adulte de Créteil (CHI de Créteil) et référente de la drépanocytose au sein du Centre national de dépistage néonatal, «le ciblage était difficilement respecté car la liste était trop complexe. De plus, les couples mixtes n’entraient plus dans les critères actuels. Or, la drépanocytose est responsable d’une forte morbidité et d’une réduction importante de la survie si elle n’est pas prise en charge précocement».

 

Une pathologie invalidante, avec un arsenal thérapeutique limité

En effet, la drépanocytose reste en 2025 une pathologie considérablement invalidante. Elle est susceptible d’induire trois grandes catégories de manifestation clinique : une hémolyse chronique responsable d’une anémie de degré variable, une prédisposition aux infections bactériennes et des crises vaso-occlusives. Ces crises, extrêmement douloureuses, peuvent être à l’origine de complications majeures, telles que le syndrome thoracique aigu et la défaillance d’organes. 

«La répétition de ces crises altère considérablement la qualité de vie des patients, génère des douleurs chroniques, un risque de dépendance aux opioïdes et un handicap social. La drépanocytose reste associée à une mortalité précoce chez l’adulte», souligne la Pre Pondarré. Avec des possibilités thérapeutiques pauvres : «Après plus de trente-cinq ans de recherche thérapeutique, une seule molécule s’est révélée efficace pour réduire les complications anémiques et vaso-occlusives de la maladie. Il s’agit de l’hydroxyurée, commercialisée sous le nom d’Hydrea ou de Siklos», précise la spécialiste.

 

Deux nouvelles stratégies thérapeutiques  

La Pre Pondarré a œuvré pour l’introduction précoce de l’hydroxyurée et de traitements curatifs, tels que la greffe de cellules souches hématopoïétiques, pour les enfants atteints de drépanocytose. «Jusqu’alors, l’hydroxyurée était recommandée après au moins trois crises hospitalisées, et le plus souvent à des doses faibles, moins efficaces.» Cette nouvelle approche est désormais incluse dans les recommandations nationales (Protocole national de diagnostic et de soins 2024), qui orientent vers une administration de la molécule sans attendre la récurrence des crises, et à des doses rapidement efficaces. Le dosage est adapté en fonction de la myélosuppression souhaitée, contrôlée par des NFS régulières. 

La seconde stratégie thérapeutique innovante est un recours à la greffe plus précoce. Selon la Pre Pondarré, «on va désormais rechercher plus vite des donneurs HLA-compatibles dans la fratrie, et aller plus précocement à la greffe, dès lors que Siklos ne fonctionnera pas. Il y a 95% de guérison chez un enfant avec greffe d’un frère ou d’une sœur HLA-compatible, lorsqu’il n’y a pas encore d’atteinte d’organes. Se développe également la greffe chez l’adulte jeune, avec des conditionnements d’intensité réduite, beaucoup moins toxiques».

 

Généralisation de l’information des porteurs sains AS

La drépanocytose est une maladie génétique héréditaire à transmission autosomique récessive. L’hémoglobine normale est l’hémoglobine A (HbA) ; l’hémoglobine drépanocytaire est l’hémoglobine S (HbS). Un enfant est malade lorsqu’il présente le statut homozygote SS. S’il reçoit un seul allèle muté, il est porteur sain et est de statut hétérozygote AS. «C’est une particularité génétique fréquente, qui n’a pas de conséquences sur la santé de l’enfant, précise la Pre Pondarré. Il s’agira d’informer systématiquement les parents d’enfants dépistés AS, afin de permettre un dépistage des couples à risque, la maladie étant accessible au DPN et au DPI. Mais également d’informer sur la maladie. C’est un moyen de lutter contre la stigmatisation et l’isolement des familles et des patients, liés aux représentations collectives de cette maladie dans les communautés d’origine.» En pratique, l’information pourra se faire grâce à des vidéos claires et concises contenues sur le site https://www.youtube.com/@filieredesantemcgre8770/videos. 

Elles orientent les parents venant d’apprendre que leur enfant est diagnostiqué hétérozygote AS : «En pratique, j’explique de façon simple cette particularité génétique, et je propose de montrer ce courrier au médecin traitant, au pédiatre ou au gynécologue. C’est lui qui prescrira une électrophorèse de l’hémoglobine.» Ces vidéos sont également disponibles en quatre autres langues : le soninké, le bambara, le lingala et le créole haïtien. C’est une volonté de médiation transculturelle : un processus de communication et de compréhension entre des soignants et soignés issus de cultures différentes. Ce travail a été fait en collaboration avec le centre Babel, et est soutenu par la filière MCGRE (2) et le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins. 

1. Avis n° 2022.0060/AC/SESPEV du 10 novembre 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la généralisation du dépistage de la drépanocytose en France métropolitaine.
2. MCGRE : filière des maladies constitutionnelles rares du globule rouge et de l’érythropoïèse.

Références :

D’après les propos de la Pre Corinne Pondarré (Créteil).

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