ADA 2023 : ce qu’il faut retenir du congrès américain de diabétologie
Egora.fr : Quelles sont les nouveautés au niveau des traitements ?
Pr Éric Renard* : Les nouveaux traitements contre l'obésité avec ou sans diabète de type 2 ont fait l'objet de nombreuses présentations à l’ADA. Ces dernières années, une nouvelle classe d’anti-diabétiques, les analogues du récepteur GLP-1, le dulaglutide (Trulicity) et le sémaglutide (Ozempic), a été développée faisant suite aux versions précédentes exenatide et liraglutide. Ces traitements ont plusieurs potentialités anti-diabétiques. Lorsque la glycémie augmente, ils stimulent la production d’insuline. En outre, ils diminuent la production de glucagon (et donc la libération hépatique du glucose), ralentissent la vidange gastrique et coupent l'appétit. En France, ils sont actuellement utilisés et remboursés pour les patients atteints de diabète de type 2. Leur effet de satiété a constitué un domaine d'exploration dans le traitement des patients atteints de diabète de type 2 avec obésité ou obèses sans diabète. Cet effet est d'autant plus marqué à plus forte dose. Il est à noter qu’ils ne sont pas remboursés pour le traitement de l'obésité commune et font actuellement l’objet d'un mésusage puisqu’ils sont consommés de manière abusive chez des patients obèses non sévères et sans diabète, essentiellement aux Etats-Unis. En France, le sémaglutide 2,4 mg (Wegovy) est régi par une autorisation d’accès précoce (ex- autorisation temporaire d’utilisation ou ATU) pour les patients d’index de masse corporelle supérieur ou égal à 40 kg/m2 avec comorbidité liée à l’excès de poids en l’absence d’alternative thérapeutique.
Les travaux présentés ont utilisé essentiellement le sémaglutide mais également des multi-agonistes : doubles ou triples agonistes agissant sur les récepteurs du GLP-1, du GIP et du glucagon. Les double ou triple agonistes ont des effets beaucoup plus forts que les seuls agonistes du récepteur GLP-1. Ces traitements sont sous forme injectable utilisables 1 fois / semaine. Par exemple en France, la posologie du sémaglutide est, pour le diabète, de 1 mg / semaine ; et pour l'obésité, de 2,4 mg / semaine. Sur des grandes cohortes, ces médicaments ont montré un effet très positif sur le contrôle du diabète et le traitement de l'obésité. Les résultats indiquent une baisse de l’hémoglobine glyquée jusqu’à 2 %, ce qui est très important, ainsi qu’une diminution du poids corporel d’environ 15 %. Les effets de ces médicaments les plus puissants sont presque équivalents à ceux de la chirurgie bariatrique ! Nous entrons dans un nouveau domaine thérapeutique avec un double bénéfice à la fois sur le poids et sur le contrôle glycémique.
Qu’en est-il des formes administrables par voie orale ?
Une présentation a été faite sur la forme orale du sémaglutide. Les doses sont encore plus fortes et peuvent aller dans l’obésité jusqu'à 25 ou 50 mg / semaine. Les résultats du sémaglutide oral sont aussi très impressionnants. La perte du poids corporel est de l'ordre de 15% et pour ceux qui ont un diabète de type 2, la baisse de l'hémoglobine glyquée est très forte, de l'ordre de 2%.
L’efficacité de ces traitements se maintient-elle à long terme ?
Ces médicaments sont très intéressants sur le plan physiopathologique car ils rompent le cycle de l'échec de la prise en charge de l’obésité. En effet, les conseils habituellement donnés au patient obèse consistent en une réduction de son alimentation et en la pratique d’une activité physique. Cela est efficace au début mais pas dans la durée car l’organisme, à force de privations alimentaires, met en route des mécanismes de défense au niveau cérébral pour stimuler l’appétit. Ainsi, une reprise de poids survient dans 95 % des cas. Avec l'effet de satiété induit par ces traitements, les mécanismes de défense de l’organisme ne se déclenchent pas. Les patients peuvent maigrir de manière importante et durable. Les essais présentés montrent des effets prolongés jusqu'à deux ans. Les tri-agonistes touchant plusieurs voies de signalisation permettent d'obtenir une efficacité jamais vue auparavant avec des traitements médicaux de l'obésité. Ces résultats ont constitué le point fort du congrès.
Quels sont leurs effets secondaires ?
Ils n’engendrent pas les effets secondaires vus historiquement avec les amphétamines ou le Mediator à l'origine de catastrophes. Ces médicaments sont globalement bien tolérés. Certains patients peuvent avoir des troubles digestifs avec des nausées et parfois des vomissements (moins de 10% des cas), ou des pathologies biliaires peu fréquentes (5 % des cas).
Concernant le diabète de type 1, quelles sont les nouveautés technologiques présentées ?
Le déploiement des systèmes de boucles fermées hybrides, pompes à insuline intelligentes couplées à des capteurs mesurant le taux de glucose en continu, est de plus en plus important. Un nombre croissant de patients avec un diabète de type 1 en France les utilisent.
Pour l’instant, ces systèmes nécessitent l’annonce par les patients des glucides qu'ils vont consommer et de l’activité physique qu’ils vont pratiquer (au moins une heure avant de commencer celle-ci) afin que l’insuline soit active lors de la prise alimentaire ou que l'algorithme adapte à la baisse le débit de la pompe en vue de l’exercice physique. En effet, si la glycémie change rapidement après un repas ou une activité physique, l’ajustement de l’administration par voie sous cutanée de l’insuline par les pompes n'est pas assez rapide pour éviter l’hyper ou l'hypoglycémie.
Actuellement, des travaux, sur les algorithmes notamment, sont en cours pour essayer d’automatiser complètement ces dispositifs. L’objectif est, en cas de montée glycémique, de reconnaître un repas non déclaré pour envoyer de l'insuline plus rapidement qu'une correction différée. Cela s’adresse principalement aux patients utilisant ces systèmes hybrides sans déclarer les repas, comme par exemple les adolescents.
Quelle est l’efficacité des boucles fermées hybrides ?
En moyenne, tous les systèmes actuels font gagner 10 % de temps passé dans la cible glycémique (entre 0,70 et 1,80 g / litre) et réduisent de moitié le temps passé en hypoglycémie. Mais les patients les plus mal équilibrés en bénéficient le plus avec un gain > à 20% de temps passé dans la cible. Concernant le taux d'hémoglobine glyquée, ceux qui ont entre 7,5 et 8% en moyenne, gagnent environ 0,5% d’HbA1c et ceux qui ont des taux plus élevés ont un bénéfice > à 1% d’HbA1c.
Quel est l’impact de ces dispositifs sur les risques de complication ?
Pour l'instant, nous n’avons pas de recul suffisamment long pour démontrer que ces dispositifs réduisent la rétinopathie, la néphropathie ou autre. Mais en revanche, si le temps dans la cible est amélioré, le risque est diminué à long terme. Le bénéfice perçu immédiatement est la réduction des hypoglycémies notamment nocturnes. Ces systèmes de boucles fermées suppriment quasiment le risque d’hypoglycémies sévères la nuit. C'est particulièrement important chez les enfants qui y sont très sujets. La charge mentale des parents et des patients en général est considérablement allégée et leur bénéfice en termes de qualité de vie augmenté.
*Le Pr Renard déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour : A. Menarini Diagnostics (actions de formations), Abbott (activités de conseil et conférences), Air Liquide SI (activités de conseil) , Astra-Zeneca (activités de conseil et conférences), Becton-Dickinson (activités de conseil et conférences), Boehringer-Ingelheim (activités de conseil et conférences), Cellnovo (activités de conseil), Dexcom Inc. (activités de conseil et conférences, soutien à la recherche) , Eli-Lilly (activités de conseil et conférences), Hillo (activités de conseil), Insulet Inc. (activités de conseil et conférences, soutien à la recherche), Johnson & Johnson (Animas, LifeScan) (activités de conseil et conférences), Medtronic (activités de conseil et conférences), Medirio (activités de conseil), Novo-Nordisk (activités de conseil et conférences), Roche (activités de conseil et conférences, soutien à la recherche), and Sanofi Aventis (activités de conseil et conférences), et Tandem Diabetes Care (activités de conseil et conférences, soutien à la recherche).
Des travaux concernant les greffes, chez quatre patients, de cellules β pancréatiques issues de cellules souches, ont été présentés lors du congrès. Jusqu’à peu, il était interdit de réaliser de telles greffes à partir de cellules souches en raison des risques inconnus de dédifférenciation des cellules greffées pouvant conduire à des cancers généralisés notamment. Une entreprise de biopharmaceutique, Vertex Pharmaceuticals, a mis au point un protocole et obtenu l’autorisation d’effectuer des essais cliniques. Les cellules souches allogéniques sont transformées in vitro en cellules β pancréatiques puis sont injectées dans la veine porte hépatique des patients.
Pour le Pr Éric Renard : « les résultats sont très intéressants en termes d'efficacité et d’innocuité. S’ils se confirment, les sources de cellules à greffer seraient beaucoup plus importantes que les actuelles provenant d’îlots de Langerhans de pancréas de patients décédés. Pour l'instant, il existe quelques limites. D’une part les patients doivent prendre des traitements immunosuppresseurs et d’autre part les greffes ne sont pas pérennes. Les patients, au fil du temps, réduisent leurs besoins en insuline. En outre, le bénéfice principal est qu’ils ne sont plus aussi instables qu’initialement et ne font plus d’hypoglycémies sévères ».
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