Allergies IgE médiées aux additifs alimentaires : identifier les substances responsables
E120, E124, sulfites, nitrites…. Plus de 360 additifs, chimiques ou naturels sont ajoutés aux denrées alimentaires. Bien que rares, des allergies existent et peuvent être parfois sévères.
"Selon le règlement du Parlement européen et du Conseil (révisé en 2020), un additif est 'toute substance […] rajoutée […] dans un but technologique'. Pour les aliments destinés aux nourrissons et aux enfants en bas-âge, le Codex alimentarius de l'Organisation de l'agriculture de l'ONU et l’OMS interdit colorants, exhausteurs de goût et conservateurs mais autorise 27 additifs", pointe la Dre Elleni-Sofia Vaia (Clinique d’immuno-allergologie, CHU Brugmann, Bruxelles).
L'Agence européenne de la sécurité alimentaire (Efsa), en lien avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour la France, approuve plus de 360 additifs. Chaque substance est limitée à une dose journalière admissible (DJA) considérée comme sans risque pour la santé. Nombre d’entre elles, qu’il s’agisse de colorants, de conservateurs, d'épaississants ou autres, peuvent être pourvoyeuses d’allergies IgE médiées. Parmi les colorants, figurent le carmin de cochenille (E120) et son équivalent artificiel (E124). Alors que la DJA est de 5 mg/kg/j, cet additif se retrouve dans de nombreux aliments (yaourts, glaces, boissons…) mais également dans des médicaments. "Des cas d'anaphylaxies, d’urticaires, d’érythèmes, d’angio-œdèmes, de céphalées, d’allergies respiratoires, mais aussi des allergies aux extraits d’insectes, ont été démontrés par des tests cutanés, des TPO, le dosage d’IgE spécifiques", rappelle la spécialiste. L’annatto, autre colorant ajouté aux fromages, céréales,…, peut être impliqué dans l'urticaire chronique, les cas d’anaphylaxie et le syndrome de l’intestin irritable.
Du côté des conservateurs à l’origine d’allergies IgE médiées, les sulfites, les nitrites et les benzoates sont les plus connus. "Pour les sulfites, la DJA est de 0,7mg/kg/j. Il est intéressant de noter que l'étiquetage n’est obligatoire que si la quantité ajoutée est >10 mg/l ou /kg", remarque la Dre Vaia. Utilisés pour leurs propriétés anti-oxydantes et anti-microbiennes, ils se retrouvent dans les vins (160 mg/l pour les vins traditionnels), les fruits secs, les légumes déshydratés, les crevettes, les aliments congelés, le vinaigre, les jus, la bière, les salades, la viande et dans certains médicaments également. Des hypersensibilités (bronchospasmes), des mécanismes IgE-dépendants (rares), des cas de déficits sulfite-oxydase (rares) ont été documentés. Le diagnostic est surtout posé sur l’anamnèse.
Les benzoates (de E210 à E219) sont utilisés pour leurs propriétés anti-micotiques et antibactériennes. "Les E216 et E217 ont été retirés en raison d’anomalies retrouvées au niveau du système génital chez le rat mâle", alerte la médecin. Présents dans de nombreux aliments (jus, boissons, confitures, sucreries, chocolats, glaces, mais aussi dans les médicaments), ils peuvent causer dermatite atopique, urticaire, asthme, rhinite, anaphylaxie et érythème polymorphe. Ajoutés dans les viandes et les fromages, les nitrites peuvent causer urticaire, prurit chronique, symptômes digestifs, céphalées mais également des cas d’anaphylaxie. "Il est à noter que leur DJA est différente de celle des nitrates (nitrites K : 0,06/kg pc/j ; nitrates : 3,7 mg/kg pc/j)", prévient-elle.
Carraghénane, carboxyméthylcellulose, lysozyme… sont encore d’autres additifs identifiés comme la cause potentielle de réactions allergiques. "Le diagnostic repose surtout sur une anamnèse très minutieuse (journal alimentaire, enquête catégorielle avec les étiquettes des produits consommés, cofacteurs, effets de régimes d’éviction). Les tests cutanés (prick-tests, patch-tests), le dosage des IgE spécifiques, le test BAT (basophil activation test) et des anticorps anti-TPO permettent d’effectuer le bilan allergologique. Depuis 2022, le réseau d’allergovigilance donne accès sur son site à un outil de diagnostic d'allergies aux additifs avec les différents tests à utiliser pour chacun. Le management consiste en un régime d’éviction et une trousse d’urgence avec adrénaline en cas d’anaphylaxie", conclut Elleni-Sofia Vaia.
Au sommaire de ce congrès :
- Immunothérapie allergénique aux pneumallergènes : des données récentes d’efficacité
- Allergies professionnelles : des formes multiples et sous-estimées
- Régimes "healthy" et nouvelles allergies alimentaires : une tendance à la hausse
- Allergies oculaires : une modification de la symptomatologie avec l’âge
Références :
19ème Congrès francophone d’allergologie (CFA), du 16 au 19 avril à Paris. D’après la présentation de la Dre Elleni-Sofia Vaia (CHU Brugmann, Bruxelles), lors de la conférence "Allergie aux additifs (sulfites, conservateurs, colorants)".
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