Aspirine, anti-ostéoporotiques : une efficacité en prévention du diabète de type 2

26/10/2023 Par Romain Loury
Diabétologie EASD 2023
[EASD 2023] L’aspirine semble avoir plus d’inconvénients que de bénéfices dans la prévention du diabète de type 2. Une étude danoise confirme, en revanche, un effet préventif des anti-ostéoporotiques, bien plus marqué.  
 

Des prises régulières d’aspirine à faible dose permettraient-elles de prévenir le diabète de type 2 (DT2) ? Après plusieurs résultats divergents, une étude présentée au congrès de l’EASD semble confirmer un léger effet préventif de l’aspirine - à défaut de bénéfices cardiovasculaires en prévention primaire. 

En 2009, les résultats de l’étude américaine Physician’s health study, d’un suivi de 22 ans, révélaient une baisse de 14% du risque de DT2 chez des hommes de plus de 40 ans en bonne santé(1). A l’inverse, aucun effet significatif n’avait été noté chez les femmes de la Women’s health study, soumises à une dose de 100 mg tous les deux jours(2)

Avec ses collègues, la Pre Sophia Zoungas, diabétologue à l’université Monash (Melbourne, Australie), a repris les données d’Aspree, étude australo-américaine de prévention par l’aspirine, menée entre 2010 et 2017 sur 19 114 personnes de plus de 70 ans (voir encadré). En bonne santé lors de l’inclusion, les participants étaient randomisés en double aveugle en deux groupes, l’un sous placebo, l’autre prenant 100 mg d’aspirine tous les jours. 

L’analyse post hoc menée par l’équipe australienne révèle bien un effet préventif contre le DT2. Au terme d’un suivi médian de 4,7 ans, l’incidence de diabète s’est élèvée à 12,7 pour 1 000 personnes-années dans le groupe aspirine, contre 14,8 pour 1 000 personnes-années sous placebo, soit une baisse modeste, mais significative, de 15%. De même, l’aspirine a eu un effet sur la glycémie à jeun : celle-ci a certes crû dans les deux groupes, mais de manière moins marquée dans le groupe aspirine (+0,061 mmol/L) que sous placebo (+0,109 mmol/L). 

"Etant donné la hausse de prévalence du DT2 chez les personnes âgées, le potentiel d’agents anti-inflammatoires en prévention de cette maladie ou afin d’améliorer la glycémie doit être évalué plus avant", commente Sophia Zoungas. Au vu des autres résultats d’Aspree (voir encadré), et en raison du fort surrisque hémorragique (+44%), l’intérêt de l’aspirine semble toutefois limité. "La plupart des recommandations de traitement préconisent désormais de n’utiliser l’aspirine à faible dose que lorsqu’il existe une réelle raison médicale, par exemple après un infarctus", et non plus en prévention primaire, rappelle la chercheuse. 

 

L’effet préventif des anti-ostéoporotiques 

L’existence d’un lien entre santé osseuse et contrôle glycémique, dont les mécanismes demeurent méconnus, a déjà été mise en évidence par plusieurs travaux. En 2021, la Dre Rikke Viggers, diabétologue à l’hôpital universitaire d’Aalborg (Danemark), et ses collègues ont ainsi révélé une baisse de 36% du risque de DT2 chez les utilisateurs de l’alendronate(3)

Or selon de nouveaux résultats de l’équipe danoise, le dénosumab, anticorps monoclonal anti-RANKL, semble aussi avoir un effet préventif sur le DT2, plus marqué qu’avec l’alendronate. Menée sur plus de 15 000 usagers de ces médicaments, cette analyse rétrospective révèle que ceux sous dénosumab ont 23% moins de risques de DT2 que ceux sous alendronate, voire 49% chez les plus observants. 

Le dénosumab semble particulièrement protecteur au cours des deux premières années, avec un risque diminué de 51% par rapport à l’alendronate, tandis que celui-ci remporte l’avantage au bout de cinq ans, avec un risque diminué d’environ 5% par rapport à son concurrent. Ces résultats ont été récemment confortés par une étude chinoise, qui a révélé une baisse de 32% du risque de DT2 sous dénosumab par rapport à l’ensemble des bisphosphonates, dont l’alendronate(4)

"Nous ne connaissons pas les mécanismes d’action, mais il a été proposé que l’alendronate pourrait réduire le stress oxydatif et l’inflammation dans le tissu adipeux", indique Rikke Viggers. "Il est possible que l’alendronate ait un effet direct sur le métabolisme du glucose dans les tissus adipeux et musculaire. Quant au dénosumab, il a été suggéré que les patients atteints de DT2 présentent un niveau plus élevé de RANKL [cible du dénosumab], mais nous ignorons si ce ligand joue un rôle dans le métabolisme du glucose." 

 

Aspree, ou la fin de l’aspirine en prévention primaire
D’un suivi médian de 4,7 ans, l’étude Aspree avait échoué à montrer un bénéfice sur le risque cardiovasculaire, sur la démence et sur le handicap physique. En raison d’un nombre plus élevé de cas de cancer dans le groupe d’intervention, la survie était même moindre que dans le groupe témoin. De plus, l’étude confirmait un important surrisque hémorragique, principalement gastrointestinal. Publiées en 2018 dans le NEJM, cette série d’études avait sonné le glas de l’aspirine en prévention primaire*. Elle n’est désormais plus préconisée qu’en prévention secondaire, chez les personnes déjà atteintes d’une maladie cardiovasculaire.
*McNeil JJ et al., New England Journal of Medicine, 18 octobre 2018 

 

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