Chez les enfants, le poids écrasant du changement climatique

Chaque année bat un nouveau record : selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), 2024 serait la plus chaude enregistrée à ce jour, avec un surplus de 1,54 °C par rapport aux niveaux préindustriels (avant 1850). En France, dont on ne dispose pas encore du bilan de cette année, 2022 détient pour l’instant la palme, avec une température moyenne de 14,5 °C, soit +1,5 °C par rapport aux normales 1991-2000.

Cette hausse explosive du mercure a déjà des effets tangibles sur la santé mondiale. En août, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) alertait quant aux menaces du changement climatique pour les enfants. « Un enfant sur cinq vit dans une région où le nombre de journées extrêmement chaudes est au moins deux fois supérieur à ce qu’il était il y a seulement soixante ans », constatait l’organisme onusien.

Si l’Afrique de l’Ouest et du Centre est la zone la plus touchée, les pays du Nord ne sont pas épargnés. « En France, 12,6 millions d’enfants sont deux fois plus exposés à des vagues de chaleur qu’il y a soixante ans, et 3,3 millions d’enfants y sont trois fois plus exposés. De 4,6 vagues de chaleur en moyenne par an dans les années 1960, la France en connaît 12,7 aujourd’hui, soit près de trois fois plus. Les vagues de chaleur durent également plus longtemps – de 4 à 5,4 jours – et sont plus intenses – de 1,78 °C au-dessus des moyennes il y a soixante ans à 2,63 °C aujourd’hui », explique l’Unicef.

 

Le réchauffement, révélateur des inégalités mondiales

Outre le fait qu’ils y sont plus exposés que leurs aïeux, les enfants sont très vulnérables au réchauffement. En cause selon Jean-Pierre Besancenot, directeur de recherche honoraire au CNRS et fondateur en 1988 du laboratoire Climat et santé (faculté de médecine de Dijon), « leur immaturité physique, physiologique, cognitive, leur grande dépendance à l’égard des adultes ».

Si personne n’est à l’abri, ce sont « les pays les plus pauvres mais aussi, chez nous, les populations socialement économiquement les plus défavorisées » qui sont les premières victimes, ajoute-t-il. Exemple, lors de la canicule de l’été 2003 : « En Italie, les décès en surnombre chez les jeunes enfants concernaient en premier lieu les populations vivant en habitat précaire, en caravane, notamment les gens du voyage. »

Autre exemple, la vague de chaleur de 1911, sans lien avec le changement climatique actuel (d’origine anthropique), a tué 46 000 personnes en France, dont trois quarts de jeunes enfants, pour la plupart de milieux défavorisés, principalement en raison de problèmes d’hygiène de l’eau et de l’alimentation. Un siècle plus tard, il s’agit toujours d’une des conséquences les plus redoutables à attendre du réchauffement, alors que les diarrhées constituent l’une des premières causes de mortalité infantile en Afrique.

Du fait de rendements agricoles en baisse, le réchauffement devrait aussi accroître la malnutrition. Dans son rapport 2024, la commission du Lancet sur la santé et le changement climatique estimait que, en raison de vagues de chaleur et de sécheresse, 151 millions de personnes ont directement souffert d’une insécurité alimentaire liée au réchauffement en 2022(1).

 

Risques sur la grossesse, la santé mentale...

Selon l’Unicef, le stress thermique « a été associé à des complications pendant la grossesse, telles que des maladies chroniques gestationnelles, et à des problèmes au moment de la naissance, notamment la mortinaissance, l’insuffisance pondérale à la naissance et l’accouchement prématuré (…) Il est prouvé qu’il a également un impact sur le développement neurologique, la santé mentale et le bien-être ».

Enfin, le changement climatique est un facteur de maladies vectorielles, auxquelles les enfants sont particulièrement vulnérables. Parmi les principaux coupables, le moustique tigre, vecteur d’arboviroses telles que la dengue, le chikungunya et la maladie à virus Zika. Entre les périodes 1951-1960 et 2014-2023, la surface terrestre dont le climat est propice à la transmission par A. albopictus du virus de la dengue a crû de 46,3 %, rappelle la commission du Lancet.

Repéré à Menton (Alpes-Maritimes) en 2004, le moustique tigre, d’origine asiatique, s’est depuis propagé à la quasi-totalité du territoire métropolitain. Selon Jean-Pierre Besancenot, « son introduction en France n’a pas grand-chose à voir avec les conditions climatiques : ce sont essentiellement les échanges de biens et de personnes, du fait de la mondialisation, qui sont en cause. Mais une fois présent sur le territoire, c’est bien le changement climatique qui permet au moustique de faire souche et de proliférer ». Cette année, la dengue a atteint un nouveau record dans l’Hexagone, avec 83 cas autochtones (non importés) recensés par Santé publique France.

1. Romanello M, et al. Lancet, 9 novembre 2024.