Il faudrait doubler les moyens de la pédopsychiatrie

Santé mentale : "Il faudrait doubler les moyens de la pédopsychiatrie"

Santé mentale : "Il faudrait doubler les moyens de la pédopsychiatrie"

La santé mentale est érigée en "grande cause nationale" POUR 2025. Sur 14 millions d’enfants et adolescents en France, 1,6 million souffrent de troubles psychiques, mais seulement la moitié reçoivent des soins(1). Une augmentation de la demande à laquelle la pédopsychiatrie peine à répondre.

31/12/2024 Par Muriel Pulicani
Interview Psychiatrie Pédiatrie
Il faudrait doubler les moyens de la pédopsychiatrie

Santé mentale : "Il faudrait doubler les moyens de la pédopsychiatrie"

Egora : La santé mentale a été désignée « grande cause nationale » 2025. En mai, les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant ont consacré un axe à l’amélioration de l’offre en santé mentale… Comment accueillez-vous ces annonces ?

Pr Guillaume Bronsard : C’est très positif, si la société devient authentiquement préoccupée par ces questions et moins rejetante. La psychiatrie, et la pédopsychiatrie en particulier, sont toujours en attente de moyens supplémentaires. Dans les années 1990, la pédopsychiatrie suivait 200 000 patients par an et aujourd’hui 800 000. Ce qui explique les délais d’attente de plusieurs mois pour avoir un avis, parfois pour des patients à risque suicidaire. Il faudrait presque doubler les moyens.

 

Comment expliquer cette augmentation de la demande ?

Les troubles psychiques constitués concernent 12 à 15 % de la population infantilo-juvénile et les difficultés de santé mentale 20 %.

Jusque dans les années 1990, les troubles du comportement et les difficultés scolaires étaient considérés comme un problème d’éducation et gérés par l’école et la famille. Or certains sont de vrais troubles médicaux : troubles de l’attention, dyslexie… Ainsi, la demande a doublé, mais pas forcément la réalité des souffrances.

La situation est difficile à analyser. On peut émettre quelques hypothèses. Il y a une déstabilisation des grands repères, comme la famille. Le pouvoir paternel exclusif était plus stable, mais écrasant et frustrant. L’évolution de la famille est une bonne chose, mais nous sommes dans une phase de transition.

 

L’Assurance maladie signale une hausse « préoccupante » de la prescription de psychotropes chez les 12-25 ans, de 18 % entre 2019 et 2023…

Il y a deux explications. L’une, positive, d’un meilleur dépistage des troubles de l’attention, même si le médicament doit s’accompagner d’un suivi psychologique et familial. L’autre, moins glorieuse, d’une prescription par paresse et manque de temps. Aller chercher la médecine est arrangeant pour la société, la famille, l’école. Il y a un risque de surdiagnostic et de surmédicalisation.

 

Le nombre d’hospitalisations pour tentative de suicide a très fortement augmenté chez les jeunes filles et les jeunes femmes : +71 % chez les 10-14 ans en hospitalisation classique (+246 % en psychiatrie) sur la période 2021-2022 versus 2010-2019, +44 % chez les 15-19 ans (+163 % en psychiatrie), +21 % chez les 20-24 ans (+106 % en psychiatrie)(2). Ce phénomène est-il à relier aux violences de genre ?

C’est un constat sûr : il y a davantage de troubles dépistés et de prise en charge des adolescentes. Le premier dépistage est décalé car pendant l’enfance, les filles extériorisent moins que les garçons, donc la société s’en occupe moins. Deuxièmement, les transformations corporelles chez les adolescentes sont plus intenses. Enfin, les jeunes filles sont perturbées par les révélations sur les violences sexuelles et sexistes. Il faut lutter contre les violences mais ne pas dispenser un discours d’effroi et de panique.

 

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Il y a deux cas de figure : les patients rencontrant des difficultés psychiques et comportementales dès la petite enfance et ceux chez qui ils se développent plus tard. Chez les plus jeunes, un retard de langage, des troubles relationnels, des troubles du sommeil et de l’alimentation doivent interpeller. Chez un enfant ou un adolescent ayant une vie normale, les changements rapides (ou non) de comportement doivent attirer l’attention : décrochage scolaire, repli sur soi, positionnement au sein de la famille

 

Quelles mesures devraient être déployées pour adapter l’offre à la demande ? Le nombre de pédopsychiatres a chuté d’un tiers en douze ans (à 2 000 en 2022) et le nombre de lits d’hospitalisation de près de 60 % entre 1986 et 2013 (à 2 200)(1).

Nous souhaitons que les hôpitaux, les centres médico-psycho-pédagogiques, les maisons des adolescents puissent doubler les recrutements. Mais il y a peu de candidats et les formations sont très longues. La première action serait de recruter massivement des psychomotriciens, auxiliaires médicaux, assistantes sociales, infirmières.

Il y a aussi un énorme travail à faire en termes de prévention. Des dispositifs sont déjà en place (santé scolaire, PMI…) mais pas assez développés. Les médecins généralistes sont un acteur majeur, notamment pour le dépistage des troubles du neurodéveloppement. Nous sommes plus en retard sur le dépistage de la maltraitance car il y a des résistances et des difficultés à la concevoir. Or c’est le plus puissant créateur de souffrance.

Cependant, il faut prendre garde à un discours catastrophique selon lequel les jeunes seraient globalement malheureux. 80 % des enfants et adolescents vont bien, sont dynamiques, adaptés. Ils s’engagent dans la politique, l’écologie, l’évolution des rapports de genres. Une réalité à voir comme un progrès, un espoir.

 

Le Dr Bronsard déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

Références :

D’après un entretien avec le Pr Guillaume Bronsard, chef de service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHU de Brest, directeur du département de sciences humaines et sociales de la faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Bretagne Occidentale. 

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Michel Rivoal

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