En début d’année, Emmanuel Macron a fait part de sa volonté de réguler l’accès des mineurs aux écrans. Une commission d’experts a été mise en place. Elle doit faire émerger un constat partagé par tous sur l’impact des écrans, aussi bien sur la santé mentale que sur la santé physique des enfants et des adolescents. Ainsi, alors que le temps passé devant les écrans ne cesse d’augmenter dans les familles françaises, et ce dès le plus jeune âge, faut-il pour autant interdire les écrans ? Comment pourrait se traduire un usage raisonné ? "Notre mission est d’évaluer les dispositifs de régulation déjà existants, comme le contrôle parental, mais aussi de proposer une doctrine de régulation des écrans pour s’assurer d’un bon usage de ces derniers ", explique le Pr Amine Benyamina, chef du département de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne) et coprésident de la commission.
Différents éclairages
Les dix experts du comité sont d’horizons divers : psychiatre, neurologue, spécialistes de l’éducation et de l’industrie numérique, psychologue et juristes. " Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas d’une commission médicale, car nous ne sommes que deux médecins, mais elle permet de réunir des compétences très variées. Nous sommes tous aux prises avec cette question et chacun a une vision de l’écran différente en fonction de sa sensibilité et de son métier. L’idée est donc d’arriver à une convergence et non pas à un consensus. La commission a été construite de manière qu’elle soit le reflet de ce débat dans la société, précise le Pr Benyamina. Et pour y parvenir, nous effectuons une analyse de la littérature scientifique, qui est déjà très abondante sur ces sujets en termes d’enjeux de santé et de société sur la question des usages des écrans au cours des dernières années. Nous procédons également à de nombreuses auditions de personnes concernées par le sujet. Il nous appartient donc de réaliser un travail de lecture et de hiérarchisation des données disponibles pour aboutir à des propositions concrètes dans le délai imparti. "
Discuter de la notion bénéfices/risques
Si les études sur le sujet sont nombreuses, leurs conclusions sont parfois contradictoires et le sujet demeure complexe. "Quoi qu’il en soit, des données solides pointent la nocivité sur les yeux, la sédentarité, l’obésité, et de grandes tendances se dégagent sur l’acquisition du langage et certains troubles cognitifs, par exemple. Par ailleurs, des questionnements demeurent sur les comorbidités, comme le TDAH ", détaille le coprésident de la commission. L’impact des écrans ne dépendrait pas que de l’âge de l’enfant ou du temps d’utilisation. "La question du contenu et de l’accompagnement des parents doit aussi être traitée. Néanmoins, il n’est pas question d’interdire ou d’exclure les écrans de la vie de nos enfants. Ils constituent, par exemple, un support pédagogique important dans leur scolarité. Il serait très difficile de les retirer complètement. Tout l’enjeu de notre travail est donc de discuter de la notion de bénéfices/risques des écrans pour leur rendre leur place, dans un usage raisonné ! ", souligne le spécialiste.
Après une période du " tout-numérique ", certains pays scandinaves effectuent un retour au " tout-papier ", un phénomène "dont les mécanismes de réflexion pourraient nous inspirer pour savoir où mettre le curseur, et que cela parle à tout le monde ", ajoute le psychiatre.
"Une démocratie par le dommage"
La question des écrans concerne toute la société. Et si nous sommes globalement tous égaux devant les écrans et qu’aucun profil type d’enfant ou de famille plus ou moins impacté par la consommation des écrans n’a été dressé, le Pr Benyamina pointe toutefois " un effet CSP relatif. Il est vrai que moins le niveau social est élevé et plus l’impact est important. Mais nous avons été de surprise en surprise en recueillant de nombreux témoignages par le biais d’associations ou de fondations, qui nous ont bien démontré que ce sujet souffrait de préjugés et d’idées reçues qu’il nous appartient de clarifier : il ne faut pas croire que l’écran supplée l’éducation dans les familles pauvres d’origine étrangère. Il y a finalement une démocratie par le dommage sur le sujet des écrans ".
Au sommaire de ce dossier :
- Céphalées de l’enfant : connaitre les "drapeaux rouges"
- Infections à streptocoque A : privilégier l’amoxicilline
- Risque suicidaire : la détection des signes précoces doit être considérablement renforcée
- Création d’une Société française du TDAH pour tordre le cou aux préjugés
- Prématurité : les risques sont multiples même en cas de prématurité modérée
Références :
D’après un entretien avec le Pr Amine Benyamina (hôpital Paul-Brousse, Villejuif).
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