"Le médecin est le verrou contre une médecine à deux vitesses" : la riposte de l'Ordre après le discours de Macron
"Nous devons affirmer le rôle incontournable du médecin. Tout patient a le droit de voir un médecin s'il est malade", a lancé en préambule de son discours le Dr François Arnault, président du Cnom devant une Agnès Firmin Le Bodo stoïque. "Aucun professionnel de santé ne saurait se substituer au médecin dans ses fonctions régaliennes. Il en va de la sécurité des patients", a-t-il ajouté.
Elu en juin dernier à la tête de l'institution ordinale, le Dr Arnault a voulu dès les premiers jours de son mandat renouer avec le Comité de liaison Inter Ordres (Clio), notamment sur la problématique de l'accès aux soins. Les travaux du comité avaient alors abouti à plusieurs recommandations notamment la délégation de tâches, coordonnée autour du médecin traitant. Des propositions qui ont été transformées depuis en accès direct des paramédicaux, ce que combat l'Ordre des médecins. En effet lors de ses vœux aux soignants, Emmanuel Macron avait prôné l'accès direct en cas de difficultés d'accès à un médecin. "Le médecin traitant doit être la porte d'entrée et non le verrou au système de santé", avait lancé le Président, suscitant l'indignation du corps médical.
"Le médecin traitant doit être la porte d'entrée dans le soin, et le verrou contre une médecine à deux vitesses", a clamé de son côté le Dr Arnault. "J'ai un peu modifié la phrase du Président", a-t-il ajouté en souriant face à la ministre. "Il n'y a pas de petits diagnostics, même après des années d'expérience, les médecins continuent à avoir des doutes", a insisté le président de l'institution ordinale.
"Je ne comprends pas que la porte d'entrée dans le soin puisse être autre que par le médecin", a tonné le Dr Arnault faisant référence à la proposition de loi Rist, adoptée en commission des affaires sociales le 10 janvier dernier. "Ce projet de loi est une erreur. Nous le contestons. Cela pourrait aboutir à une médecine à deux vitesses et à un retard de diagnostic. On demanderait aux professionnels d'assumer un rôle pour lequel ils n'ont pas de formation. C'est une mise en difficulté de tous les professionnels de santé qui ne vont plus s'entendre autour du patient. Il ne faut pas créer ce climat de défiance."
Si le Dr Arnault a consacré la plus grande partie de son discours sur la question du partage d'actes, il n'a pas oublié de revenir sur d'autres grands thèmes comme celui de la fin de vie. "Nous avons mis en réflexion l'institution" sur ce sujet a confié le président. Si aucune prise de position n'a pour l'instant été mise en avant, le Dr Arnault a affirmé que l'objectif de l'Ordre était d'"accompagner le médecin dans l'appréhension des évolutions de cette loi".
Le Dr Arnault a également profité de sa prise de parole pour défendre la "nécessaire revalorisation" de l'acte médical, assurant soutenir les syndicats, présents dans l'assemblée, dans "le combat des négociations conventionnelles".
Enfin, le président de l'Ordre s'est félicité de diriger pour la première fois de son histoire un Ordre à parité. "C'est historique", a applaudi le Dr Arnault soulignant également que l'institution a été rajeunie de 8 ans en moyenne et que les deux tiers de ses conseillers sont encore en activité. "L'Ordre est désormais plus proche de la réalité du terrain, il est modernisé et réformé", s'est félicité son président. L'institution ordinale aura pour mission en 2023 de "poursuivre sa réforme financière et fonctionnelle et de construire un Ordre moderne au service des médecins".
La réponse d'Agnès Firmin Le Bodo
Présente de manière informelle lors des vœux de l'Ordre, la ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé n'avait pas prévu de faire de discours. Elle a toutefois pris le micro pour répondre à celui du Dr Arnault. "Le médecin traitant est la pierre angulaire de notre système de santé", a indiqué d'emblée Agnès Firmin Le Bodo, en guise de service après-vente des vœux aux soignants d'Emmanuel Macron. "Le médecin est le chef d'orchestre et non pas l'homme-orchestre", a-t-elle insisté, soutenant le "cap clair de refondation de notre système de santé sur ses deux jambes, l'hôpital et la médecine de ville".
La ministre est également revenue sur le terme "combat des négociations conventionnelles", employé par le président de l'Ordre. "Je ne parlerais pas de combat, mai plutôt de discussions fermes", a corrigé Agnès Firmin Le Bodo.
Enfin la ministre a défendu "la responsabilité" des patients dans la santé, clamant qu'il ne s'agit pas "d'un bien de consommation comme les autres" et s'est insurgée contre la violence subie par les médecins. "Les agressions verbales sont intolérables et les agressions physiques sont inacceptables", a-t-elle grondé.
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