Donner du sens, accompagner les professionnels, renforcer l’attractivité des métiers du soin : le combat se joue aussi depuis l’intérieur. Depuis une dizaine d’années, l’innovation numérique et technique en santé explose, améliorant la qualité des diagnostics et de la prise en charge des patients voire en modifiant nos modes d’organisation. La France, civilisation d’ingénieurs, doit relever ce défi technique et humain. Pour cela, elle doit intégrer pleinement l’innovation à ses politiques de santé et à la formation de tous les soignants. La moyenne d’âge des médecins français était de 50,3 ans en 2021. Les prévisions s’accordent toutes sur une dégradation de la démographie médicale jusqu’en 2030. Les transferts de compétence entre professionnels du soin s’accélèrent et renforcent le rôle des infirmiers, kinésithérapeutes et pharmaciens dans la prise en charge des patients. De nombreuses initiatives et regroupements d’acteurs de la santé voient le jour pour relever les défis de l’innovation, à l’image de Future4care ou de la French Care, mais derrière les intentions, les actes se font attendre. Interrogez les soignants sur leurs difficultés, ils vous parleront systématiquement de la perte de sens, du manque de temps auprès du patient et de la charge administrative grandissante. Ils vous parleront des situations ubuesques où il est parfois encore nécessaire d’imprimer une prescription d’examen avant de la faxer à son destinataire, où des patients arrivent, le brancard chargé d’une pile de dossiers, sortes de puzzles infernaux dont il manquerait un tiers des pièces. Ces situations créent souvent de l’agacement, du mal-être, parfois des démissions. Lorsqu’on y regarde de près, la plupart des situations décrites pourraient être automatisées et optimisées avec des réponses adaptées. A un dossier patient papier dont la moitié des documents seraient absents on opposera un dossier numérique, consultable par les professionnels, validés par le patient et qui s’enrichirait en temps réel. A un compte rendu d’hospitalisation interminable nécessitant une copie manuelle de chaque résultat d’examen réalisé durant le séjour on opposera des logiciels interopérables permettant un export simple et lisible des comptes-rendus d’examen. A la recherche fastidieuse mais nécessaire de recommandations scientifiques on opposera des outils numériques capables de nous diriger immédiatement vers les documents pertinents pour offrir le meilleur soin aux patients. Relever ces défis numériques c’est permettre à chaque soignant de se consacrer aux tâches les plus techniques et les plus difficiles tout en restant auprès des patients. L’innovation numérique n’est pas alors la rupture de communication tant redoutée entre le patient et le soignant, elle devient au contraire une assistante indispensable au service de la relation humaine. Des solutions sont pourtant évidentes et accessibles, seule manque la volonté. Ces défis sont relevés chaque jour par nos entreprises, trop souvent confrontées à un système hyper-règlementaire et opposant, écartant trop souvent toute initiative qui n’émergerait pas en son sein. En quelques années, les profils des jeunes médecins se sont nettement diversifiés, comptant aujourd’hui d’anciens ingénieurs ou informaticiens. Sachons profiter de cette richesse et donnons aux jeunes les moyens de l’exploiter en ouvrant les stages au sein des entreprises innovantes. Intégrons l’innovation à l’ensemble des cursus de santé et aux politiques publiques. Simplifions les démarches administratives et règlementaires pour permettre aux soignants de développer les solutions de demain. L’innovation doit aussi émerger au sein même des structures de santé : pour cela nous devons doter nos établissements de fonds d’investissement significatifs et spécialement dédiés qui permettront de trouver les solutions de demain au plus près du terrain. Ces financements sont la garantie d’une prise en charge de qualité et d’un système de santé performant capable de franchir les obstacles dressés devant lui. La crise du Covid-19 et les tensions politiques mondiales nous rappellent l’importance de la souveraineté française dans tous les domaines : énergétique, agricole, militaire, mais aussi sanitaire et numérique. Être pionner et moteur sur les sujets d’innovation santé sur le plan national est une des clefs de résolution de ce défi. Pour faire émerger l’innovation, nous devons franchir de nombreux obstacles, mais aujourd’hui la première étape pour y arriver est de laisser la place, au sein des structures de santé et dans les cabinets libéraux à l’expérimentation, à des projets audacieux, aux risques et à la possibilité d’échouer, fondements indispensables pour que l’innovation puisse s’autoriser à germer.
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