"Notre médecine moderne n’est pas encore capable d’apprendre de ses échecs"
Un collectif de soignants et d’experts en gestion des risques a publié une tribune dans Le Monde dans laquelle il appelle à intégrer l’erreur médicale dans l’enseignement de l’ensemble des professionnels de soins. L'erreur médicale se classe selon l'OMS parmi les 10 premières causes de décès dans le monde, rappelle la tribune. "En France, l’"Enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins", publiée en 2009, estimait que 16 000 morts par an étaient évitables dans les hôpitaux (dont plus de 40 % dues au mésusage du médicament)", écrit le collectif. "Le fait d’aborder ce thème tétanise une partie des soignants et des patients. Les premiers se sentent stigmatisés, fautifs, honteux, incompétents. Ces erreurs, dont les souvenirs ressurgissent inévitablement, sont ressenties comme une rupture du contrat moral passé avec le patient ou sa famille. Pour les patients, cela symbolise le doute sur les compétences des soignants, la perte de l’espoir d’une médecine toute puissante sur laquelle se reposer de manière sûre", analysent les auteurs. Ces derniers estiment qu'il "reste de grandes marges de progression pour réduire l’impact de ces erreurs qui conduisent à de nombreux décès évitables", malgré la bonne volonté des soignants.
"Notre médecine moderne n’est pas encore capable d’apprendre de ses échecs", regrette le collectif qui milite "pour l’intégration de l’erreur médicale à l’enseignement lors de la formation initiale et continue pour l’ensemble des professionnels". Selon les auteurs, "l’erreur médicale est une maladie". "L’enseigner montrerait à la population que ce fléau n’est pas dissimulé, mais que la santé a atteint une maturité identique à celle d’autres industries à risque, en étudiant ses accidents". Reconnaitre "la faillibilité individuelle des soignants", permettrait de mettre en place "des stratégies individuelles et collectives pour les réparer ou atténuer leurs conséquences", recommandent les auteurs de la tribune, ce qui protégerait mieux "les personnels et donc les patients" et réduirait des "souffrances évitables". Car selon eux les soignants sont les "secondes victimes de l’accident". Ils ressentent un "sentiment de faute, d’incompétence, pouvant parfois conduire au suicide". "Pour progresser, il suffit d’intégrer deux réalités simples à énoncer. D’abord, aucune personne, aussi experte et motivée soit-elle, n’est capable d’une performance constante sans erreur. Ensuite, aucune organisation n’est efficace par nature", listent les auteurs qui estiment que "dans le cadre d’un accident, il n’est pas nécessaire de punir les auteurs des erreurs, mais, au contraire, d’en tirer toutes les leçons. Définir et appliquer les conditions de la réussite de tous est bien plus fédérateur que de traquer les coupables". Les signataires :
Thomas Baugnon, médecin ; Lucille Chauveau, médecin ; François Clapeau, journaliste ; Jérôme Cros, médecin ; Régis Fuzier, médecin ; Tobias Gauss, médecin ; Cyril Goulenok, médecin ; François Jaulin, médecin ; Frédéric Martin, médecin ; Ludovic Mieusset, contrôleur aérien ; Christian Morel, sociologue ; Véronique Normier, infirmière anesthésiste ; Pierre Raynal, obstétricien ; Franck Renouard, chirurgien ; Nathalie Robinson, infirmière anesthésiste ; Claude Valot, expert facteurs humains.
Tous font partie du groupe Facteurs humains en santé (Gifh.eu/), qui est une association ouverte, multidisciplinaire, composée de soignants, d’experts en gestion des risques et de professionnels issus d’autres secteurs d’activité à risque, dont l’objectif principal est d’améliorer la qualité et la sécurité des soins. [Avec lemonde.fr]
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