Il y a ceux qui lui trouvent tous les défauts. Et ceux qui le considèrent encore et toujours comme le meilleur au monde. Sans cesse comparé à celui des voisins allemands et anglais, le système de santé français est-il à la hauteur ? Dépense-t-on trop pour la santé en France ? Avec quels résultats ? Combien sont rémunérés les médecins par rapport à leurs confrères étrangers ? La réponse en chiffres avec les indicateurs clés du Panorama annuel de la santé publié par l'OCDE.
"On peut parler évidemment des moyens, mais je rappelle que la France dépense quand même 12 % de son produit intérieur brut en dépenses de santé, c’est beaucoup plus que tous les pays de l’OCDE", déclarait Agnès Buzyn il y a un an, lançant officiellement la chasse à la "gabegie" et aux "actes inutiles". Qu'en est-il réellement ? Si la France consacrait 11,5% de ses ressources à la santé en 2017, soit 1,9 point au-dessous de la moyenne des 28 pays de l'Union européenne, deux pays la surpassent - la Suisse (12,3%) et les Etats-Unis (17,2%) - et l'Allemagne, très souvent prise en exemple, la talonne (11,3%). Si l'on isole au sein de ces dépenses la partie supportée par la collectivité, la France (9,5%) arrive même derrière le voisin germanique (9,6%).
Si l'on considère le budget alloué à la santé par an et par habitant, la France arrive derrière le Luxembourg (4713 euros), l'Allemagne, la Suède, l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas et le Danemark.
Surtout l'Hexagone est le champion incontesté du reste-à-charge : seules 10% des dépenses de santé sont réglées directement par les patients, contre 15% au Royaume-Uni, 28% au Portugal et 34% en Grèce.
Contrairement aux idées reçues, c'est l'Allemagne qui détient le record du nombre de lits d'hôpitaux par habitant (8,1 pour 1000) et qui, logiquement, affiche un taux d'admissions hospitalières supérieur de 50% à la moyenne européenne. Avec 6,1 lits pour 1000 habitants, la France n'arrive qu'en 9ème position au sein de l'Union européenne, tandis que la Suède et le Royaume-Uni ferment la marche avec respectivement 2,6 et 2,3 lits pour 1000 habitants. Le nombre de lits par habitant a chuté dans tous les pays européens ces dernières années, diminuant d'en moyenne 20% depuis l'an 2000.
Quant à la part des dépenses de santé consacrée à l'hôpital en France, elle s'établit à 38,4%, dans la moyenne européenne, une tendance à la hausse depuis l'an 2000. L'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni ou encore le Danemark dépassent largement les 40% de budget santé alloué à l'Hôpital. L'Allemagne est en revanche bien en-deçà, à 29%. En parallèle, 21,7% des dépenses de santé sont consacrées aux prestataires de soins ambulatoires en France (contre 27,1% en 2000). C'est moins qu'en Espagne (23%), en Allemagne (31,5%) ou encore en Belgique (36,5%). "Il ressort des données provenant de plusieurs pays que jusqu'à un cinquième des dépenses de santé sont gaspillées et pourraient être réaffectées à des fins plus utiles", martèle l'OCDE, année après année. "30% des dépenses de l'Assurance maladie ne sont pas pertinentes", a renchérit Agnès Buzyn moins de 6 mois après son arrivée au ministère. Un chantier confié depuis à la HAS et à la Cnam, qui planchent en ce moment sur l'élaboration de guides référentiels et d'indicateurs de qualité parcours dans le cadre de la réforme "Ma santé 2022". L'OCDE cible quant à elle les dépenses de médicaments (pas assez de génériques/biosimilaires, prescriptions inutiles) et les admissions hospitalières évitables. C'est notamment le cas d'une part des admissions de patients chroniques, qui auraient pu être évitées grâce à une meilleure prévention et prise en charge en amont en Ville. En la matière, la France s'en sort plutôt bien puisque "seules" 4,9% des hospitalisations de patients pour diabète, hypertension, insuffisance cardiaque, asthme et BPCO comptabilisées en 2015 auraient pu être évitées. C'est moins que la moyenne européenne (5,5%).
Autre chantier : le développement de la chirurgie ambulatoire. Grande cause des gouvernements successifs, elle progresse en France comme partout en Europe. Mais de façon inégale selon les pays et les actes. L'OCDE observe avec attention quatre interventions parmi les plus pratiquées : "tandis que presque toute la chirurgie de la cataracte est réalisée en ambulatoire, le taux moyen en 2015 était de 40% pour la réparation de la hernie inguinale, de 32% pour l'amygdalectomie et de 13% pour l'ablation de la vésicule biliaire par laparoscopie". La France fait certes moins bien que ses voisins nordiques et que le champion canadien, mais s'en sort plutôt bien.
La France dépense beaucoup pour la santé, certes, mais les résultats sont au rendez-vous. Avec une espérance de vie moyenne, hommes et femmes confondus, de 82,7 ans à la naissance, la France arrive à la 3ème position en Europe, derrière l'Espagne (83,5) et l'Italie (83,4). Au niveau mondial, le Japon reste champion (84,1).
L'espérance de vie a augmenté d'au moins deux à trois ans de 2000 à 2011 dans tous les pays de l'UE, mais "cette tendance connaît un net ralentissement depuis 2011 dans de nombreux pays, en particulier en Europe occidentale, avec une augmentation de moins de six mois entre 2011 et 2016", s'alarme l'OCDE. En cause : "un ralentissement du taux de réduction des décès dus à des maladies du système circulatoire", première cause de mortalité en Europe avec 1,9 million de décès en 2015 ; et des pics de mortalité chez les personnes âgées, imputables à la grippe. "Plus d'1,2 million de décès auraient pu être évités dans les pays de l'UE en 2015", relève l'OCDE, s'alarmant d'une part du retour en force de maladies à prévention vaccinale, et d'autre part de la persistance de comportements nocifs pour la santé : tabagisme (22% des adultes en France), consommation d'alcool (11,7 litres par personne et par an en moyenne), mauvaise alimentation et manque d'activité seraient responsables de 790 000 décès prématurés en Europe. Mais le taux de mortalité évitable en France, toutes causes confondues, compte parmi les plus faibles des pays de l'UE (126 pour 100 000 habitants).
L'OCDE relève l'amélioration de la survie en cas d'infarctus du myocarde (mortalité en baisse de 30% entre 2005 et 2015) et d'AVC ischémique (-20%). Dans le premier cas, la France affiche l'un des taux de mortalité à 30 jours les plus bas d'Europe et reste, dans le deuxième cas, en dessous de la moyenne des pays.
La France fait en revanche figure de mauvais élève en matière de dépistage du cancer du sein : à peine plus de la moitié des femmes âgées de 50 à 69 ans ont réalisé une mammographie au cours des deux dernières années ; un taux qui n'a pas progressé entre 2006 et 2016. Le taux de survie du cancer du sein à 5 ans (87%) reste excellent, puisque seuls quatre pays font mieux. Mais là encore, aucune amélioration n'a été constatée en dix ans. Les cancers constituent en France la première cause de mortalité (28.5% des décès en 2014).
Mal lotis, les généralistes français ? Avec 131 000 dollars de revenus annuel brut moyen en 2014 (frais professionnels déduits) à parité de pouvoir d'achat, les libéraux arrivaient en effet derrière leurs confrères canadiens, néerlandais, irlandais, anglais (145 000 dollars) ou encore allemands (214 000 dollars en 2015). Les généralistes touchent à peine trois fois plus que le salaire moyen des Français pour un équivalent temps plein, quand les Allemands gagnent 4 fois plus. Les autres spécialistes libéraux tirent leur épingle du jeu, avec un revenu annuel brut 4,9 fois supérieur au salaire moyen, qui s'établissait à 220 000 dollars en 2014. Les spécialistes salariés, en revanche, culminaient à 100 000 dollars, soit 2,2 fois le salaire moyen en France.
La sélection de la rédaction
Suivrez-vous le mot d'ordre de "Médecins pour demain" en portant un brassard noir en décembre ?