Examens "expéditifs", propos "humiliants"… Un expert psychiatre dans le viseur de l'Ordre
Ce vendredi 10 janvier, la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins du Grand-Est doit se prononcer sur le cas d'un psychiatre visé par sept plaintes pour des examens jugés "expéditifs", des propos "humiliants", un manque d'impartialité dans ses expertises et la violation du secret médical. Déjà sanctionné à deux reprises, en 2018 et 2019, il n'aurait pas dû pouvoir continuer de réaliser des expertises.
Six plaintes proviennent de patients et la dernière, de cinq confrères, psychiatres libéraux. Toutes font état de lourds manquements déontologiques dans la pratique de cet expert-psychiatre strasbourgeois de 76 ans. Entendu par la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins du Grand-Est le 13 décembre dernier, à Nancy, ce dernier sera fixé sur son sort ce vendredi, l'instance devant rendre sa décision.
Il lui est reproché d'avoir mené des examens "expéditifs", tenu des propos "humiliants" envers des patients, manqué d'impartialité dans ses expertises et violé le secret professionnel. Les cinq psychiatres libéraux ayant déposé plainte pointent des conséquences "dévastatrices" pour leurs patients suivis au long cours, des conclusions "à l'emporte-pièce" rédigées par leur confrère lors d'expertises ponctuelles. Le CDOM du Bas-Rhin s'est associé à la procédure pour demander la radiation du psychiatre mis en cause.
Mandaté pour des expertises par des assurances, le psychiatre "a été, au fil des années, de plus en plus violent. Il remet en cause des diagnostics, des protocoles de soin. Sa pratique va à l'encontre de nombreux patients, qu'il met en danger", a déclaré auprès de l'AFP le Dr Georges Federmann, à l'origine d'une plainte avec quatre confrères.
"Il avait estimé qu'elle n'était pas dépressive parce qu'elle se souvenait de la date de décès de ses parents, qu'elle avait des tatouages et un parfum 'entêtant'"
"Ma cliente est sortie en larmes de l'examen, le docteur X avait été hautain, désagréable et injurieux", a indiqué Me Thomas Hellenbrand, qui défend une enseignante expertisée à la demande de sa compagnie d'assurance dans le contexte d'une dépression. "Il a perdu pied par rapport à la réalité", a ajouté l'avocat. "Il avait estimé qu'elle n'était pas dépressive parce qu'elle se souvenait de la date de décès de ses parents, qu'elle avait des tatouages et un parfum 'entêtant'. Ce qu'il écrit est invraisemblable."
Le psychiatre septuagénaire ne reconnaît "aucun des faits reprochés". "Moi je suis indépendant", s'est-il défendu auprès de l'AFP, répondant à ceux qui lui reprochent de rendre systématiquement des conclusions allant dans le sens de ses mandataires. "Ce qui me cause des ennuis, c'est que je ne suis pas complaisant. Je suis intransigeant."
Déjà deux sanctions ordinales
Le médecin a toutefois déjà été sanctionné à deux reprises par la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins en 2018 et 2019, respectivement d'un blâme et d'un avertissement. Le 16 mars 2018, l'instance avait conclu à une "violation" des obligations professionnelles, à la suite d'une plainte d'une patiente sur son attitude "agressive et humiliante". De "nombreux signalements" faisant état de cette même attitude avaient été rapportés par la chambre.
Malgré ces sanctions, le psychiatre a continué à figurer sur la liste des médecins agréés par la préfecture du Bas-Rhin ainsi que sur la liste des experts judiciaires des tribunaux alsaciens, contrairement à ce que prévoit la réglementation. Joint par l'AFP, l'avocat général à la Cour d'appel de Colmar, Jean-Luc Jaeg, qui est chargé d'établir les listes d'experts, assure n'avoir "jamais été informé de sanctions ordinales" prises à l'encontre de ce praticien.
Ainsi, bien que sanctionné et ayant dépassé l'âge limite, le médecin a continué à être sollicité pour des examens, sous le statut d'expert "honoraire". "Ça n'a pas changé mon activité", a-t-il lui-même reconnu. En 2024, "j'ai réalisé 399 expertises" rien qu'au pénal, "et déposé 40 fois aux assises", en plus de son activité libérale.
Si cette situation a ainsi pu perdurer, c'est parce qu'il existe une "grave pénurie d'experts", a confié à l'AFP un magistrat sous couvert d'anonymat. "Si vous êtes juge d'instruction, que vous êtes tenu par des délais et que vous devez faire réaliser une expertise obligatoire, vous allez à celui qui va la rédiger le plus rapidement, peu importe le contenu... et parfois ça fait peur." Selon la Compagnie nationale des experts psychiatres près les cours d'appel, leur nombre est passé de 1000 à 350 en dix ans.
[avec AFP]
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