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Réduire de deux ans les études de médecine : la proposition "décoiffante" d'un doyen pour lutter contre la pénurie

Et s'il suffisait de raccourcir le cursus de médecine pour mettre fin à la pénurie de praticiens ? C'est la solution proposée par le Pr Didier Gosset, doyen honoraire de la faculté de médecine de Lille, ce mercredi 8 janvier, dans le cadre d'une conférence de presse de l'Académie nationale de chirurgie. En réduisant d'un an les enseignements des premier et deuxième cycles et en rabotant d'une année supplémentaire chaque DES de spécialité, le doyen calcule que 17 000 à 20 000 médecins supplémentaires pourraient être disponibles à moyen terme.

 

08/01/2025 Par Aveline Marques
Démographie médicale Déserts médicaux
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La proposition, "décoiffante", "audacieuse", est inédite. "Jusqu'ici, personne n'a jamais proposé un raccourcissement du cursus", a insisté le Pr Didier Gosset lors d'une conférence de presse organisée mercredi après-midi par l'Académie nationale de chirurgie. Et pour cause : cette "préconisation" va à contre-courant des réformes menées ces dernières années, qui ont conduit à un allongement des études de médecine.

Partant du "constat" que les "petits moyens" mis en œuvre jusqu'à présent (développement de la téléconsultation, cumul emploi-retraite, suppression "en trompe l'œil" du numerus clausus…) ont échoué à régler la question de la pénurie médicale, et que les réformes des premier, deuxième et troisième cycles des études de médecine mises en place (dans le désordre) depuis 2017 sont "insatisfaisantes", le doyen honoraire de la faculté de médecine de Lille propose de repartir d'une "page blanche". Pour ce dernier, il faut revoir le cursus de bout en bout… à commencer par l'admission.

L'"expert", qui bénéficie d'une oreille attentive de l'Académie de chirurgie, préconise de supprimer le concours de première année qui ne fait que "stresser" les étudiants et retarder la formation proprement dite. "Notre sélection au bout d'un an est unique au monde, personne ne comprend", souligne le doyen, fort de son statut "d'ambassadeur à l'étranger de l'Université de Lille". "A ce stade, je suis partisan d'une sélection dès l'entrée en médecine", lance-t-il, évoquant les diverses "modalités" possibles : sélection via Parcoursup, sur dossier, tests psychotechniques et/ou de culture générale… Et de déplorer, au passage, le niveau "catastrophique" des lycéens d'aujourd'hui, qui ne maitrisent plus "la règle de trois".

 

En finir avec les LAS

Quant à la LAS (licence accès santé) introduite en 2020 et étrillée par un récent rapport de la Cour des comptes, il faut y mettre fin pour ne conserver qu'une voie unique d'accès aux études de médecine, et la possibilité de passerelles. "Il y a entre les LAS et les Pass*, un véritable abîme, martèle-t-il. En 2e année, on a affaire à deux populations bien différentes : celle des Pass, bien formée, et celle des LAS, qui n'a pas le bagage médical suffisant et n'a pas les méthodes de travail. Au bout de l'année, on a un différentiel de 5 points dans la moyenne." Si certains étudiants de LAS s'accrochent, d'autres abandonnent. Avec, au bout du compte, une hausse du nombre de carabins bien inférieure aux +10% promis lors de la mise en place du numerus apertus, souligne-t-il.

Sans compter que la création des LAS a "aspiré", "siphonné" les effectifs des autres filières de santé. Le doyen honoraire propose d'ailleurs de "reséparer" les études de pharmacie, ce qui permettrait de dégager du premier cycle de médecine les "deux gros blocs" d'enseignement en chimie (chimie organique et chimie fondamentale). "Ils sont évidemment extrêmement utiles pour nos amis les pharmaciens mais ils ne servent strictement à rien pour la formation des médecins", juge Didier Gosset.

L'externat aussi doit être sensiblement épuré. "On continue à faire du 3e cycle dans le 2e cycle, pointe-t-il. Regardez le cours de réanimation : 1000 pages ; en pédiatrie, on est passé de 1100 à 850, c'est absolument énorme. On arrive à un bachotage. Ces collèges empêchent de réfléchir, je dirais que c'est le prêt-à-porter de la pensée médicale, charge le doyen honoraire. Tout cela explique en grande partie à mon sens le mal-être des étudiants." Exit, également, la lecture critique d'articles et les tests de concordance de scripts, qui devraient être relégués en troisième cycle. Au total, calcule Didier Gosset, il serait donc possible de gagner un an, en réduisant à cinq ans - contre six - les premier et deuxième cycles.

 

"Course à l'échalote" entre spécialités et internes "Tanguy"

Quant à l'internat, il faut en finir avec "la course à l'échalote" entre spécialités qui a consisté ces dernières années à rallonger les DES, les uns après les autres, lance-t-il. Résultat : une formation "tubulaire" et une "hyperspécialisation", contraire aux besoins de la population. Les patients, de plus en plus polypathologiques, nécessitent au contraire "une prise en charge pluridisciplinaire", souligne-t-il.

Ce professeur de médecine légale et de droit de la santé n'est pas tendre avec les internes d'aujourd'hui : alors qu'autrefois, "on tenait des salles de 20-25 lits", "on assiste à un syndrome de Tanguy, où on se complet dans la durée pour éviter de sauter dans le grand bain", assène-t-il.

Vous allez pas me dire qu'en trois ans on peut pas former un médecin généraliste de qualité ?

Sa solution est radicale : réduire d'un an tous les DES. "Les DES de 4 ans reviennent à trois, les DES de 5 ans comme la médecine interne reviennent à 4, les DES de 6 ans comme la chirurgie reviennent à 5", illustre-t-il. Quant au DES de médecine générale, il doit rester à trois ans. "Cette 4e année, à quoi va-t-elle servir ? lance Didier Gosset. A faire des stages dans des zones sous-dotées à des endroits où il n'y a déjà pas de maitre de stage." "De notre temps, il y avait un stage interné d'un an et on était médecin généraliste, rappelle-t-il. On est passé à 3 ans… Vous n'allez pas me dire qu'en trois ans on peut pas former un médecin généraliste de qualité ?"

Pour réduire la durée des DES, il faut donc en revenir aux "données essentielles" de chaque spécialité, souligne-t-il. "Avec un peu plus de transversalité en accueillant les stages en dehors [de la spécialité, NDLR.]" Et peut-être un retour à la "régionalisation" de l'internat, suggère-t-il. "Naguère, on choisissait trois villes. On pourrait revenir à ça tout en conservant le concours national, car on pourrait extraire le classement pour trois villes. Cela permettrait de revaloriser le clinicat, qui est également en souffrance."

"La réforme que je propose se fait sans perte de qualité, au contraire, affirme-t-il. Parce qu'on aura supprimé l'inutile, on sera allé à l'essentiel. Et on aura certainement des étudiants qui sortiront de leurs études plus frais qu'au jour d'aujourd'hui si on supprime le concours de première année et la surcharge des programmes. Actuellement, à l'issue du deuxième cycle, ils sont complètement essorés."

Cette réforme, qui pourrait commencer à se déployer dès la rentrée prochaine, permettrait "à horizon de 5 ans", de mettre à disposition de la population des milliers de médecins de plein exercice avance le doyen. "Selon les promotions, on va de 8500 à 10 000 étudiants", calcule Didier Gosset. En supprimant deux années de cursus, il serait donc possible de libérer plus précocement 17 000 à 20 000 médecins diplômés.

Une préconisation qui pourrait très prochainement donner lieu à une recommandation de l'Académie nationale de chirurgie. Face à la pénurie médicale, "il faut prendre ses responsabilités", insiste le Pr Olivier Jardé, son président, qui souscrit aux "constats" du doyen. "Les doyens sont les mieux placés pour comprendre ces problématiques", estime-t-il. Reste à savoir quelle sera la position de la Conférence des doyens de faculté de médecine, non concertée… et des étudiants.

*Parcours d'accès spécifique santé

Faut-il raccourcir les études de médecine?

Francois Molli

Francois Molli

Oui

Bien sur qu'il faut réduire le nombre d'année d'étude, ce qui a pas été fait en 8 ans ne sera pas fait en 10. Les internes qui ser... Lire plus

40 débatteurs en ligne40 en ligne
Photo de profil de Gérard NoËt
1,2 k points
Débatteur Passionné
Pharmaciens (CNOP)
il y a 4 heures
Sachant que les connaissances médicales doublent en une semaine, cette proposition me semble dangereuse pour la santé publique. Une meilleure gestion du budget de l état en général et de l assurance m
Photo de profil de Bruno Sauteron
693 points
Débatteur Renommé
Médecins (CNOM)
il y a 1 heure
L’idée serait surtout d’arriver à professionnaliser beaucoup plus vite la formation. Entre les stages où l’on tient les murs, ceux qui sont totalement déconnectés d’un but pédagogique et les enseignem
Photo de profil de Armand Moraillon
Armand Moraillon est en ligne
346 points
Autre spécialité médicale
il y a 15 minutes
Enfin un doyen réfléchit. Réduire la durée des études médicales est un impératif. Mais il faut radicalement modifier l'enseignement et centrer les premières années sur la formation en MG ( médecine de
 
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