Des prescriptions médicamenteuses toujours (trop) élevées en pédiatrie

13/07/2021 Par Marielle Ammouche
Pédiatrie
Les prescriptions de médicaments chez les enfants ne baissent pas, plaçant la France parmi les plus gros consommateurs. Les corticoïdes oraux chez les moins de 6 ans et les IPP chez les nourrissons sont particulièrement sources d’inquiétudes.
 

Si on sait que la population française, dans son ensemble, fait partie des plus gros consommateurs de médicaments en Europe, on a peu de données concernant les enfants. Les dernières remontent à 2011 via une analyse de l’Echantillon Généraliste des Bénéficiaires de l’assurance maladie (EGB), qui avait montré que la fréquence de prescriptions pédiatriques en France était la plus élevée au monde.  Or les enfants sont particulièrement vulnérables à court et à long terme aux prescriptions médicamenteuses du fait de leur immaturité et du profil de sécurité des thérapeutiques, souvent moins bien étayé dans cette population que chez les adultes. Dans ce contexte, des chercheurs (Inserm, Université de Paris, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines / Université Paris-Saclay, AP-HP et GIS Epi-Phare), ont voulu actualiser les données sur ce sujet. Ils ont mené une étude au niveau national à partir des données fournies par le Système national de données de santé (SNDS) concernant les médicaments remboursés, prescrits en ambulatoire, chez les enfants de moins de 18 ans sur la période 2018-2019, soit plus de 230 millions de dispensations. Il en ressort que les prescriptions restent à un niveau très élevé et sont même en augmentation, de 4% par rapport à la période 2010-2011, portant à 86% la proportion d’enfants ayant reçu au moins une prescription médicamenteuse au cours de l’année. Les moins de six ans apparaissent les plus exposés avec 97% d’enfants concernés. Les classes thérapeutiques les plus prescrites sont les analgésiques (64%), les antibiotiques (40%), les corticoïdes par voie nasale (33%), la vitamine D (30%), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (24%), les antihistaminiques (25%) et les corticoïdes par voie orale (21%).  "Après la publication des données de 2011, nous nous attendions à une évolution importante pour certaines classes thérapeutiques compte tenu des régulations mises en place ou des recommandations émises depuis 2011. Une diminution de 12% de la fréquence..

de prescriptions d’antibiotiques sur les dix dernières années a été relevée dans notre étude, mais cela reste insuffisant car plus d’un enfant de moins de 6 ans sur deux a reçu une prescription d’antibiotique dans l’année", détaille le Dr Marion Taine, co-auteure de l’étude.   En outre, parmi les sujets qui inquiètent, figure la prescription de corticoïdes oraux qui concerne 1 enfant de moins de 6 ans sur 3, un niveau qui n’a pas baissé en 10 ans. Et 2% des nourrissons de moins de 6 semaines ont reçu une prescription d’inhibiteurs de la pompe à proton, et ce, "bien que la fréquence des affections pour lesquelles ce traitement est recommandé est bien inférieure à cet âge", explique le Dr Marion Taine.   La France, mauvaise élève
  L’Inserm affirme que la France apparait comme l’"un des pays les plus prescripteurs de médicaments en pédiatrie ambulatoire", bien que les comparaisons internationales soient difficiles à faire du fait de la diversité des systèmes de santé des pays et des politiques de remboursement des médicaments (notamment ceux accessibles en vente libre). Les scientifiques soulignent cependant que la prescription de corticoïdes, par exemple, est 5 et 20 fois plus élevée en France qu’aux Etats-Unis ou en Norvège. Pour les antibiotiques, la fréquence de prescriptions aux enfants français est aussi 5 fois supérieure à celle observée aux Pays-Bas. Pour les chercheurs, ces niveaux élevés de prescriptions pourraient s’expliquer notamment par "l’image positive qui est associée aux médicaments en France, tant dans la population que parmi les prescripteurs".  "Ces résultats préoccupants nécessitent des analyses détaillées pour mieux cibler les futures campagnes de formation pour optimiser l’usage des médicaments en pédiatrie. Une meilleure information de la population et des prescripteurs vis à vis de l’usage des médicaments chez l’enfant est indispensable", conclut le Dr Marion Taine.

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