La mise à disposition des premiers systèmes automatisés de délivrance de l’insuline (improprement dénommés « pancréas artificiels ») est une avancée majeure dans le diabète de type 1. « Ces systèmes associent capteur pour mesurer le glucose en continu, pompe pour administrer l’insuline en continu, et un algorithme embarqué dans un smartphone ou la pompe, qui va adapter le débit de celle-ci toutes les 5 minutes pour répondre aux données d’enregistrement du capteur », a expliqué le Pr Hélène Hanaire chef du service de diabétologie du CHU de Toulouse et ancienne présidente de la Société francophone du diabète. Plusieurs dispositifs, qui restent pour l’instant hybrides car le patient doit annoncer ses repas et ses activités physiques, devraient être prochainement disponibles en France et ont obtenu un marquage CE : le MiniMed 670 G de la société américaine Medtronic et le système français Diabeloop DBLG1 en 2018, l’application CamAPS FX britannique (qui autorise l’utilisation de plusieurs capteurs et pompes) en 2019, plus récemment en 2020 une autre version du MiniMed, le 780 G. Les systèmes Tandem Control IQ et Omnipod Horizon pourraient prochainement rejoindre cette liste. « Deux méta-analyses de respectivement 24 et 40 études réalisées en ambulatoire chez des adultes et des enfants de plus de 6 ans ont montré que ces boucles fermées augmentent de 10 % environ le temps dans la cible glycémique (70 -180 mg/dl) et de 15 % la nuit, ce qui correspond à 2 à 3 heures de plus, chaque jour, dans la cible » (2,3). « Le temps passé en hypoglycémie est aussi réduit de moitié, soit de 20 à 30 minutes par jour. Les méta-analyses ont conclu à l’absence d’accident métabolique aigu imputable à l’algorithme (acidocétose, hypoglycémie sévère) ».
Les experts du groupe de travail Télémédecine et technologies innovantes de la Société francophone du diabète (SFD) ont pris position sur les conditions d’utilisation de ces dispositifs. Dans un premier temps, « ils seront proposés aux profils de patients correspondant à ceux des études », a indiqué le Pr Hanaire. Les prérequis sont qu’il s’agisse de diabétiques de type 1 de plus de 6 ans, sous pompe à insuline depuis au moins 6 mois, maitrisant l’usage d’une pompe, d’une mesure continue du glucose (MCG) et de l’insulinothérapie fonctionnelle (comptage des glucides) nécessaire en raison du caractère encore hybride des dispositifs. « Autre point fondamental, l’engagement des patients à respecter le parcours de soins spécifiques qui sera instauré ». Ces boucles seront proposées à des diabétiques de type 1 non équilibrés sur le plan métabolique ou avec une qualité de vie altérée du fait des contraintes associées à la gestion du diabète. Les objectifs visés sont un temps dans la cible glycémique (70-180 mg/dL) supérieur à 70 %, un temps en hypoglycémie (54-69 mg/dL) inférieur à 4 % et en hypoglycémie sévère (moins de 54 mg/dL) inférieur à 1 %. Une période d’essai de 3 mois avec éducation thérapeutique du patient sera mise en place pour faire les réglages nécessaires, et permettre aux diabétiques de s’approprier le dispositif. Ils devront comprendre les contraintes du système, notamment la nécessité de renseigner la teneur glucidique des repas, savoir répondre aux alertes, déterminer quand il faut laisser faire le dispositif (bolus de correction automatisé en cas d’hyperglycémie) ou quand il faut reprendre la main (obstruction du cathéter...). L’organisation de la prise en charge devrait s’inspirer de ce qui est fait depuis 2000 pour les pompes à insuline : indication posée par le diabétologue, mise en place du dispositif en centre par une équipe multiprofessionnelle, fourniture du matériel par le prestataire. Les indications de ces boucles fermées devraient s’élargir dans le futur : enfants de moins de 6 ans, femmes enceintes, autres formes de diabètes insulinoprive, voire diabète de type 2. L’insulinothérapie automatisée pourrait aussi être proposée après une durée plus courte de passage sous pompe. Des progrès sont attendus avec le développement de systèmes complètement automatisés, des boucles couplant délivrance de l’insuline au glucagon ou à l’amyline. « Ce qui est plus complexe à réaliser mais pourrait être intéressant pour la gestion des hypoglycémies au vu des expériences canadiennes ». 1/Franc S. et al. Mise en place de l’insulinothérapie automatisée en boucle fermée : position d’experts français. Médecine des maladies métaboliques. Septembre 2020. Supplément 1 au N° 5 Vol. 14 : S1-S40. Document téléchargeable sur le site de la SFD : www.sfdiabete.org
2/Weisman A, et al. Lancet Diabetes Endocrinol 2017 ; 5(7) : 501-512.
3/Bekiari E, et al. BMJ. 2018 ; 361 : k1310
« L’arrivée des boucles fermées est un enjeu majeur chez les enfants diabétiques de type 1 », a souligné le Dr Elise Bismuth (hôpital Robert Debré, Paris). « En effet, moins de 30 % d’entre eux se situent dans les objectifs métaboliques. Leurs besoins en insuline sont très variables et les hypoglycémies sévères restent fréquentes ». La bonne nouvelle est que la population pédiatrique sait se saisir des outils technologiques. Aujourd’hui, dans certains pays, plus de 40 % des enfants diabétiques sont sous pompe.
La majorité des boucles fermées ont été étudiées chez les enfants et l’on attend pour bientôt les résultats obtenus avec le système français Diabeloop. Une méta-analyse de 25 essais conduits en pédiatrie a conclu à leur efficacité. C’est pour le système Tandem Control IQ que l’on dispose le plus de données provenant d’essais randomisés ; les résultats montrent que le temps passé en boucle fermée, qui conditionne l’efficacité, est de 86 à 97 % avec ce système. Une autre étude conduite avec l’application britannique a montré que ces systèmes sont utilisables chez des enfants de 1 à 7 ans (plus de 70 % du temps dans la cible glycémique).
L’inter-adaptabilité des composants : capteur, pompe, sera importante en pédiatrie pour choisir le matériel le plus adapté à la corpulence de l’enfant, son mode de garde. Les parents et aidants devront être formés et des documents écrits être rédigés à destination du milieu scolaire. Des infirmières libérales seront amenées à gérer les doses prandiales à la cantine. Le Dr Bismuth a insisté sur la nécessité « de bien manager les moments des 4 repas minimum pris par les enfants au cours de la journée ».
D’après la communication de E. Bismuth (Paris) lors du congrès digital de la SFD.
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