Embolie pulmonaire : exclure le diagnostic sans réaliser d’examens complémentaires

16/02/2018 Par Dr Philippe Massol
Pneumologie

Une règle simple reposant sur la clinique permet d’exclure le diagnostic d’embolie pulmonaire aux urgences, selon les résultats de l’étude Proper.

Une embolie pulmonaire se manifeste par des symptômes et des signes cliniques peu sensibles et peu spécifiques (dyspnée, douleurs thoraciques, tachycardie…), ce qui complique son diagnostic. Sa prise en charge classique consiste en la réalisation d’un dosage des D-Dimères dans le sang suivi, si ce dosage est positif, d’un angioscanner thoracique, facile d’accès mais irradiant. Du fait de la faible spécificité des D-dimères, cet algorithme diagnostique implique la réalisation d’un nombre important d’examens irradiants. Cette procédure est approuvée par les directives européennes et est associée à un très faible risque d'échec. Cependant, on s'inquiète de plus en plus de la surutilisation potentielle des tests de diagnostic, en particulier de l’angioscanner, ainsi qu’un risque de surdiagnostic de l’embolie pulmonaire. Une procédure clinique, la règle "PERC" (pour "Pulmonary Embolism Rule-Out Criteria") pourrait permettre d’écarter aux urgences ce diagnostic chez des patients à faible risque, sans réaliser d’examens complémentaires mais en s’appuyant sur huit critères cliniques simples : -une saturation artérielle en oxygène (Spo2) de 94% ou moins,
-une fréquence cardiaque d'au moins 100 / min,
-un âge égal ou supérieur à 50 ans,
-un oedème unilatéral de jambe,
-une hémoptysie,
-un traumatisme récent ou une intervention chirurgicale,
-un antécédent d’embolie pulmonaire ou une thrombose veineuse profonde (TVP)
-et enfin un traitement par œstrogènes. Cette règle est pour le moment absente des recommandations européennes et françaises, car elle n’avait jusqu’alors pas fait l’objet d’une validation scientifique. C’est aujourd’hui fait avec l’étude Proper, dont les résultats font l’objet d’une publication dans la revue JAMA du 13 février 2018 (JAMA, 2018 ; 319 (6) : 559-566) et qui valide l’intérêt de cette règle clinique simple pour exclure le diagnostic d’embolie pulmonaire aux urgences.   Promue par l’AP-HP et financée par le Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), l’étude Proper a été menée sur près de 1.920 patients pris en charge dans 14 services d’accueil des urgences, dont dix à l’AP-HP. Piloté par le Dr Yonathan Freund, du service d’accueil des urgences de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et de la faculté de Médecine de Sorbonne Université, cette étude randomisée en crossover avait pour objectif de vérifier la sûreté de la règle "PERC".  Les résultats montrent la non-infériorité de la règle PERC, par rapport à la stratégie "classique", dans le diagnostic aux urgences des embolies pulmonaires pour des patients à faible risque : à trois mois, le taux d’événements thrombo-emboliques non diagnostiqués avec la stratégie PERC était de 0,1%. Cette non-infériorité diagnostique s’accompagnait de plusieurs bénéfices cliniques, comme la réduction de 10% du nombre d’angioscanners réalisés, la réduction de plus de 30 minutes du temps de passage aux urgences et du taux d’admission à l’hôpital. Il s’agit du premier essai à implémenter la règle PERC. Ses résultats pourraient modifier la prise en charge de ces patients dans les services d'accueil d'urgences.

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