Même si les données sont encore parcellaires, il semble que l’infection par le coronavirus soit plus sévère chez les patients ayant un cancer. Les gastro-entérologues ont donc réfléchit aux mesures nécessaires pour préserver leur patients cancéreux. Cela peut passer par des retardements de traitements ou même parfois des modifications de prise en charge. La Fédération française de cancérologie digestive (FFCD) et une équipe multidisciplinaire du CHU de Rouen viennent de publier un texte, dans le cadre du Thésaurus national de cancérologie digestive, proposant des adaptations de prise en charge des cancers digestifs en fonction de la situation épidémique Covid-19. « Ce document, qui est constamment réactualisé et disponible en ligne sur le site de la FFCD*, a pour objectif d’anticiper les mesures à prendre par précaution même si on ne dispose pour l’instant que de données très parcellaires d’information provenant de Chine et que les certitudes risquent d’être obtenues après la bataille, des semaines voire des mois après le pic épidémique », admet le Pr Pierre Michel (CHU de Rouen), président de la FFCD et coordonnateur du groupe de travail à l’origine du texte. Les premiers éléments disponibles suggèrent que l’infection Covid-19 est plus grave chez les patients avec un cancer actif, récemment opérés ou sous chimiothérapie, que dans la population générale. « Il est donc très important que ces malades respectent très strictement les mesures barrière et le confinement, qui peuvent sembler trop simples, contraignants, mais sont très efficaces ». Afin de mieux évaluer le risque d’infection Covid-19, sa gravité en fonction des tumeurs, des traitements, une grande cohorte prospective Covid-19 de patients avec un cancer digestif mais aussi gynécologique, pulmonaire, devrait prochainement être mise en place.
Téléconsultations, nouveaux protocoles de radiothérapie… Pour limiter les déplacements vers les centres de soins, non seulement on recourra plus souvent qu’habituellement au téléphone, aux téléconsultations. Mais, on proposera aux patients avec un cancer digestif, quand c’est possible, des protocoles de traitements plus espacés ayant démontré leur efficacité dans des études validées. « On pourra, par exemple », explique le Pr Michel, « réaliser certaines chimiothérapies toutes les 3 semaines au lieu de...
toutes les 2 semaines, administrer des traitements oraux plutôt qu’intraveineux, traiter certains cancers du rectum par des séances de radiothérapie sur une semaine comme on le fait en Scandinavie, alors que l’habitude était plutôt jusqu’ici en France, où la radiothérapie est dans cette tumeur souvent associée à la chimiothérapie, de la prolonger sur plusieurs semaines pour en améliorer la tolérance au long cours ». Le choix des agents de chimiothérapie pourra aussi se porter sur des médicaments efficaces mais altérant moins l’immunité. Pour limiter le risque de transmission de l’infection, et économiser les respirateurs, actuellement très mobilisés par l’épidémie Covid-19, certaines interventions chirurgicales seront aussi reportées de quelques semaines lorsque cela ne fait pas courir de risque carcinologique aux patients. Dans tous les cas, l’attitude adoptée prendra en compte la gravité de la pathologie et l’état du patient, « mais aussi la situation épidémique qui varie d’une zone du territoire à l’autre », insiste le Pr Michel.
Eviter si possible les endoscopies S’agissant de l’endoscopie digestive, elle sera poursuivie pour les actes d’urgence : traitements des hémorragies digestives, drainage biliaire. En revanche, il est conseillé de surseoir aux gestes d’endoscopie programmés, sauf dans les quelques régions où l’épidémie est moins forte. « En effet », explique le Pr Michel, « le virus est présent dans le tube digestif et retrouvé dans les selles et on risque de le vaporiser dans la salle d’endoscopie et d’exposer alors le personnel ».
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