Certains spécialistes de la drépanocytose plaident pour un dépistage généralisé de la maladie. « La France compte environ 20 000 à 25 000 patients drépanocytaires et, chaque année, environ 400 enfants malades sont détectés en métropole dont 70 à 75 % en région parisienne, et 100 dans les départements et territoires d’outre-mer, principalement aux Antilles et en Guyane » explique le Pr Robert Girot, ancien responsable du centre de référence de la drépanocytose à l’hôpital Tenon de Paris. Un dépistage a été mis en place en 1985 chez tous les nouveau-nés des Dom Tom reposant sur une analyse de l’hémoglobine à partir du prélèvement sanguin fait au 3e jour de vie. Depuis 2000, un dépistage ciblé est aussi réalisé en maternité sur l’ensemble du territoire métropolitain chez les enfants des familles considérées comme à risque en raison de leur origine géographique. « Quelques enfants chaque année échappent cependant au dépistage, car la décision de l’effectuer repose sur la sage-femme. Il n’est pas toujours psychologiquement facile pour elle d’interroger les patients, notamment dans les départements où la maladie est rare ; les patronymes peuvent être peu évocateurs. Or, la drépanocytose se voit dans 15 à 20 % des cas chez des sujets originaires de pays d’Europe du Sud comme la Grèce, du Maghreb, du Moyen-Orient. De plus, on peut rencontrer à côté des drépanocytoses SS classiques des drépanocytoses SC et plus rarement des S βthalassémies », indique le Pr Girot.
Comme la maladie peut être très grave chez le jeune enfant (infections septicémiques, anémies aiguës), se pose donc la question de généraliser le dépistage à tous les nouveau-nés comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Dans un avis de 2014, la Haute autorité de santé (HAS) en a réfuté l’intérêt. S’appuyant sur le fait que la mortalité infantile par drépanocytose a chuté drastiquement depuis la mise en place du dépistage ciblé néonatal (2-3 % de décès avant l’âge de 20 ans aujourd’hui), que les progrès thérapeutiques sont importants, le Pr Girot plaide au contraire pour sa mise en œuvre. Amélioration du dépistage préconceptionnel « Beaucoup reste à faire aussi », ajoute-t-il « en matière de dépistage préconceptionnel des porteurs hétérozygotes du trait, qui est recommandé mais insuffisamment réalisé ». Les couples porteurs seront incités à...
se rendre en consultation de conseil génétique. Au vu de son expérience, le Pr Girot signale que « peu d’entre eux recourent au diagnostic prénatal, alors que la maladie a pourtant une représentation très négative ». Le dépistage des enfants porteurs hétérozygotes à l’intérieur des fratries n’est conseillé, notamment pour des raisons psychologiques, qu’à partir de l’âge de 12 -14 ans, ces enfants étant en parfaite santé. « Ce n’est pas toujours bien compris par les familles, admet le Pr Girot, et parfois on est amené à faire une recherche plus tôt ». « Il serait intéressant d’agir chez les adolescents, car des études réalisées en Afrique ont montré que lorsque l’information est donnée à 16-18 ans, elle peut avoir un effet sur la formation des couples, alors que ce n’est plus le cas quelques années plus tard ».
Un pronostic amélioré L’espérance de vie des patients drépanocytaires français, dont l’âge moyen tourne autour de 32 ans, est aujourd’hui de plus de 60 ans. « La maladie est très hétérogène avec 5 à 10 % de formes très graves, 70 à 80 % de formes avec des complications, et 10 à 20 % de formes bénignes avec de rares crises vaso-occlusives au cours de la vie », mentionne le Pr Girot. Une fois dépistés, ces patients seront suivis en centre spécialisé, avec la collaboration du médecin traitant. L’éducation thérapeutique est essentielle. Les enfants recevront rapidement tous les vaccins pédiatriques. Les familles doivent apprendre à donner l’antibiothérapie prophylactique par oracilline, gérer les crises vaso-occlusives douloureuses grâce au paracétamol et aux autres antalgiques, éventuellement aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, à se rendre rapidement en centre de référence pour avoir accès à la morphine lorsque la douleur devient trop intense, ou pour traiter une infection ou une anémie aiguë (transfusions), plus courante chez l’enfant que chez l’adulte en raison d’une possible séquestration splénique. Le traitement par l’hydroxyurée est de plus en plus utilisé ; une transplantation médullaire peut être proposée dans les formes sévères, notamment après un accident vasculaire cérébral. La thérapie génique est en développement.
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