Au 31 décembre 2020, après 40 ans de service, le praticien historique du village, a pris sa retraite en laissant derrière lui une patientèle de 1 200 personnes. "On a tout essayé pour lui trouver un successeur : pancartes, clip vidéo, médiatisation... Mais ça n'a pas mordu, raconte le maire Guy Rouchon. Il fallait trouver une solution car beaucoup de personnes n'ont pas eu de consultations pendant plusieurs mois, alors que nous avons une population âgée." Quand on a proposé à l'édile que des médecins se relaient, une semaine chacun auprès de ses administrés, il a tout de suite signé. L'idée est venue d'un médecin de Haute-Vienne, Martial Jardel, qui a sillonné le pays durant six mois en 2021 pour effectuer, en solitaire, un "Tour de France des remplacements". Avec l'association auvergnate Bouge ton Coq, qui a créé une plateforme de dons pour financer des projets d'intérêt général dans les villages, il a lancé depuis novembre à Ajain le collectif Médecins solidaires, un cabinet de remplaçants, avec le soutien des collectivités locales. "Si les médecins ne veulent pas s'installer pendant 30 ans quelque part, c'est peut-être parce qu'ils ont besoin de cette mobilité. Il faut la garantir tout en assurant une continuité de soins pour les patients", estime-t-il. Concernant la logistique, tout est pris en charge : logement, véhicule de fonction et même l'administratif. Les soignants n'ont plus qu'à exercer, dans le cadre d'un CDD rémunéré 800 euros la semaine. Le surplus tiré des consultations sert à financer la logistique. Quarante médecins ont déjà accepté de se relayer.
Venus de toute la France Narbonne, Limoges, Paris... Ils viennent de toute la France et ont des profils différents. Pierre Aubois, médecin en cumul emploi-retraite, a assuré une présence en novembre et une autre en janvier, quittant temporairement sa ville de La Tour-d'Aigues (Vaucluse). "La solidarité, c'est aussi sortir de sa zone de confort. Le projet m'a tout de suite séduit car il faut une vraie dynamique collective des professionnels, sinon rien ne va vraiment bouger. Derrière la désertification médicale, il y a des personnes, ce n'est pas uniquement des chiffres", explique-t-il à l'AFP. Pour Elsa Leclercq, le remplacement n'est pas une découverte. Depuis 2017, la Nantaise supplée les médecins dans sa région et parfois dans d'autres. Elle a donc ajouté des séjours en Creuse à son planning déjà bien chargé avec, à Ajain, 100 patients par semaine. "J'ai choisi ce mode d'exercice car je n'ai pas prévu de m'installer tout de suite. Ce qui me séduit, c'est la liberté et la mobilité, rencontrer différentes populations et découvrir de nouveaux lieux", témoigne la praticienne. "Mais aussi aider les patients qui peuvent avoir des pathologies qui s'aggravent car ils n'ont pas de médecin. Ici, j'ai vu un jeune qui traînait un problème de genou depuis un moment mais qui ne s'était pas encore fait opérer, faute de consultation." "Grosse galère" Une consultation à Ajain, Viviane Baudouin, habitante du village, en rêvait depuis des années. Après le départ du médecin historique, la retraitée s'est retrouvée démunie. "Ça a été la grosse galère. J'ai téléphoné à plusieurs médecins et j'en ai trouvé un à Guéret (à une dizaine de kilomètres, NDLR) mais c'était compliqué d'avoir un rendez-vous", raconte la sexagénaire qui s'est réjouie de l'ouverture d'un nouveau cabinet, où elle peut se rendre à pied. "Je suis déjà venue trois fois et c'est intéressant de voir plusieurs médecins car ils peuvent avoir des avis différents." À terme, Guy Rouchon aimerait quand même qu'un praticien - "voire deux!" - s'installe durablement sur la commune : "Spontanément, le médecin ne va pas venir poser ses valises pour 30 ans sans connaître le département. Mais en venant en remplacement une semaine, il peut être séduit." Pour l'heure, 500 patients ont déclaré le centre d'Ajain comme médecin traitant. De quoi donner envie à Martial Jardel d'en créer d'autres : "L'objectif est de s'étendre progressivement à d'autres territoires. Nous avons déjà ciblé des communes."
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