Egora : A 29 ans, vous venez de vous installer en maison de santé pluriprofessionnelle près de Lille. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous présenter à la présidence de ReAGJIR ?
Dr Raphaël Dachicourt : Mon parcours syndical remonte à longtemps : j’ai commencé à m’engager au sein de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). J’ai été au bureau national en 2015-2016. C’est là que j’ai pris goût à l’engagement syndical car il représente une possibilité de porter des solutions à une échelle où on peut avoir un impact. Derrière, j’ai continué à l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale (Isnar-IMG) où j’ai travaillé sur tout ce qui relève des conditions de travail des internes. On a aussi géré les accords conventionnels interprofessionnels… Naturellement, j’ai continué à m’engager auprès de ReAGJIR sur la question du statut de remplaçant mais surtout sur l’exercice professionnel et notamment la question transversale de l’accès aux soins. Ce n’est pas un sujet neuf, on y travaille depuis plusieurs années dans ces structures.
L’actualité qui touche les médecins est dense… Quelles seront les priorités de votre mandat ?
Le premier axe, c’est vraiment l’accès aux soins. Il faut le rappeler : même si nous sommes un syndicat de médecins, nous ne tenons pas à défendre des privilèges ni à avoir une vision corporatiste. On a conscience qu’il y a une vraie problématique de désertification médicale. Nous, ça fait des années qu’on porte des solutions là-dessus et nous allons continuer à le faire. Comment ? Au travers des différentes propositions de loi, des négociations conventionnelles… Finalement, que ce soit sur la question des conditions de travail ou de l’accès aux soins, les solutions sont les mêmes : améliorer les conditions d’exercice des médecins, c'est favoriser leur installation.
Ce sera donc votre fil rouge…
Oui, exactement. C’est le fil rouge qui emporte tout. Dans ces sujets-là, tout est lié ! Quand on porte des dossiers tels que la charge de travail, la reconnaissance des remplaçants, la valorisation du rôle de médecin traitant… tout ça ce sont des éléments qui vont contribuer à construire un accès aux soins de qualité pour la population.
Les propositions de loi et amendements coercitifs, de régulation... se bousculent au Parlement. Pour l’instant, ils ne sont pas adoptés mais de nouveaux textes risquent d’être déposés dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, par exemple. Comment continuer à lutter ?
C’est justement là où le fil rouge de l’accès aux soins est important. Notre objectif n’est pas de 'lutter contre' mais de faire mieux. La solution prônée de régulation à l’installation, si on s’y oppose, ce n’est pas pour conserver un privilège, ce n’est pas pour être dans l’opposition, c’est simplement parce que c’est une proposition qui est dangereuse pour l’accès aux soins car elle risque de détourner des médecins vers d’autres modes d’exercice dans un contexte de pénurie médicale. Au final, la meilleure façon d’éviter cette régulation à l’installation, c’est d’abord de montrer sa dangerosité et d'expliquer pourquoi nous n’en voulons pas, car il y a une certaine méconnaissance du terrain. De l’autre côté, il faut prôner de vraies solutions : c’est ce qu’on fait avec l’Isnar-IMG et l’Anemf.
Quelles solutions portez-vous ?
Nous avons trois axes prioritaires : l’organisation des soins, l’offre de soins et la demande de soins. Sur le premier axe, l’organisation, il s’agit de se demander comment on organise notre système de santé pour pouvoir répondre aux besoins de santé. La première chose à laquelle on pense, c’est le fonctionnement en équipes interprofessionnelles qui permet de donner la main au terrain pour que les équipes puissent s'organiser entre elles et fonctionner du mieux possible. A propos de l’axe sur l’offre de soin, cela recouvre tout ce qui est relatif à la création d’une formation de qualité, qui soit en nombre suffisant et tournée vers l’ambulatoire. On appelle notamment à décentraliser la formation, à ancrer les étudiants dans les territoires et à leur donner le goût de l’exercice de médecin traitant. Enfin, en ce qui concerne la demande de soins, on doit faire en sorte de libérer du temps médical en enlevant les demandes qui ne correspondent pas à des besoins. Je vise particulièrement les faux besoins administratifs qui encombrent les cabinets : les certificats inutiles, les arrêts de travail de moins de trois jours… Avec ces trois axes, on dessine une stratégie globale.
Le statut du remplaçant est dans le viseur des politiques et des institutionnels qui aimeraient que les médecins s’installent plus vite après leur thèse… Thomas Fâtome, le directeur de l’Assurance Maladie, l’a d’ailleurs récemment rappelé lors de votre congrès. Il reste du travail de pédagogie à faire sur ce sujet ?
Oui, c’est un gros travail. Remplaçant, c’est un statut totalement méconnu et fantasmé par les politiques. Ils ont l’impression que c’est une façon de s’échapper du système… alors que non, il faut le rappeler, les remplaçants sont indispensables au système de soin ! Si demain tous les remplaçants s’installent, aucun médecin ne pourra prendre de vacances ou se former. C’est impossible. D’ailleurs, un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) sur l’accès aux soins recommande vraiment d’organiser et de financer les remplacements en particulier dans les zones sous-dotées. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Ce n’est pas une lubie pour favoriser tel statut par rapport à un autre. Ce sont deux facettes qui doivent fonctionner d’égal à égal.
Les médecins attendent la réouverture des négociations conventionnelles après l’échec des discussions avec la Caisse nationale d’Assurance maladie. Que comptez-vous défendre aux côtés des syndicats seniors ?
Nous sommes en train de mener une enquête auprès de nos adhérents vis-à-vis de leurs attentes au sujet de cette convention médicale et de la reprise des négociations. Sans mettre la charrue avant les bœufs, ce qui se dessine; c’est la valorisation du médecin traitant. La spécialité de médecine générale représente une diversité de pratiques mais il y a besoin d’avoir des médecins traitants dans les territoires qui assurent les soins primaires, de premier recours. L’autre chose, c’est de donner une vraie place aux remplaçants.
Votre syndicat plaide pour le conventionnement des remplaçants depuis longtemps… Où en sont les discussions avec la Cnam ?
A l'occasion de nos Rencontres nationales de notre syndicat mi-juin, nous avons eu pour la première fois une réponse officielle de l’Assurance maladie qui ferme la porte au conventionnement des médecins remplaçants. Ça fait un an qu’on y travaille avec elle, même si la demande n’est pas nouvelle. On va continuer de leur montrer l’intérêt de cette solution.
La maquette de la quatrième année d’internat de médecine générale a été dévoilée au début du mois par le ministre de la Santé. Dans trois ans, près de 4 000 internes vont arriver dans les terrains de stage… êtes-vous inquiets au sujet des moyens d’accueil qui seront alloués ?
C’est le mot : on est inquiets. Ce qui était prévu, c’est d’avoir tous les textes réglementaires avant juillet et ce n’est pas le cas. A cette heure, nous n’avons pas de texte définitif ni les modalités précises de l’organisation de cette quatrième année ou encore le statut précis du Docteur Junior ambulatoire. Nous n’avons pas non plus d'informations à propos de la responsabilité du maître de stage surtout s’il encadre un interne qui n’exerce pas au même endroit que lui. Cette séniorisation à distance inquiète beaucoup les maîtres de stage universitaire. Derrière, l’encadrement des thèses, le fait de devoir gérer une nouvelle promotion d’internes en plus va nécessiter des moyens colossaux et pour l’instant, rien n’a été mis sur la table. Il est urgent d’investir pour se donner les moyens de former avec qualité ces étudiants.
Les résultats des ECNi sont attendus la semaine prochaine. Les étudiants devront ensuite procéder à leurs choix de spécialité et de subdivision… Quel message faire passer aux candidats qui souhaitent se tourner vers la médecine générale mais qui peuvent être effrayés par la modification du DES* notamment ?
Il y a beaucoup d’informations qui circulent, il y a beaucoup d'actualités concernant la médecine générale. Tout ça est anxiogène. Il n’empêche qu’il y a une volonté forte de tous les acteurs de terrain de garder une médecine générale qui soit présente et indispensable. C’est un premier contact, un lien étroit et particulier avec le patient, qu’on ne retrouve pas dans les autres types d'exercice.
*Diplôme d’études spécialisées
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