L'affaire du Levothyrox ne dégonfle pas. Dans une lettre ouverte, plusieurs pharmaciens dénoncent le manque de cohérence d'Agnès Buzyn sur ce sujet et s'indignent de n'avoir été informés que par les médias de la remise sur le marché de l'ancienne formule du médicament. "Notre responsabilité de pharmacien devra nous amener à boycotter l'ancienne formulation", écrivent-ils. Sylvie Parent, pharmacienne a relayé cette missive sur sa page Facebook, forte de 3 600 professionnels de santé. Elle décrypte cette lettre pour Egora.
"J'ai créé un groupe sur Facebook sur lequel nous sommes 3 600 professionnels de santé. C'est un membre du groupe qui a écrit cette lettre et en a fait don à la collectivité. Elle a été écrite en réaction aux propos d'Agnès Buzyn sur le Levothyrox. Alors que nous sommes les professionnels de santé les plus exposés nous avons vraiment l'impression d'être complétement mis sur le côté.
Nous sommes nombreux à avoir pris notre rôle à cœur
En mars nous avons bien reçu l'avis de l'ANSM nous demandant d'informer les patients. Nous avons aussi reçu un courrier de Merck. Nous sommes nombreux à avoir pris notre rôle à cœur et à avoir informé tous les patients. Et nous constatons d'ailleurs que les pharmaciens qui ont informé leurs patients ont globalement très peu de gens qui reviennent inquiets. Certain viennent même nous remercier de les avoir prévenus en amont. Aujourd'hui, j'ai eu quatre changements de dosage de Levothyrox par des gens qui ont eu des troubles et qui ont tout de suite réagi en faisant une prise de sang. Cette psychose sur le Levothyrox a été liée à l'absence d'information de certains. Les gens ont découvert tout d'un coup qu'il y avait eu un changement ce qui a amplifié la psychose. Les articles parus dans la presse relayant les associations de patients ou encore le témoignage d'Annie Duperey ont mis le feu aux poudres.
Les groupes anti Levothyrox sont d'une violence rare
J'ai déjà essayé d'aller sur les réseaux sociaux sur lesquels sont présents les groupes de patients pour tenter d'expliquer et de rassurer. Je me suis faite insulter et virer. Les groupes anti Levothyrox sont d'une violence rare. Mais sur ces groupes, la plupart des patients m'ont dit ne pas avoir été informés. Quelqu'un à qui on n'a rien dit et qui découvre tout d'un coup à la télévision que son médicament a changé et qu'il peut avoir des troubles liés à la nouvelle formule, peut légitimement avoir peur.
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Suite à un rapport publié en 2013, l'ANSM a demandé une nouvelle formule du Levothyrox puisque l'ancienne n'était pas stable. Pour nous c'est donc que le nouveau médicament est meilleur. Je pense qu'Agnès Buzyn a fait une erreur en annonçant qu'elle remettait l'ancien sur le marché. Ça ne calme pas les patients, bien au contraire. La psychose ne redescend pas du tout. D'autant qu'elle a prévenu que c'est provisoire. En plus elle a annoncé qu'un nouveau médicament allait sortir, mais le seul qui peut sortir c'est celui qui a l'AMM aujourd'hui, à savoir la Levotyroxine de Biogaran, qui est aussi au mannitol. Non seulement elle ne rassure pas les patients mais ils ont encore plus l'impression qu'on les prend pour des nouilles.
Nous sommes nombreux à avoir très bien fait notre travail
Nous avons appris à la télé que l'ancienne formule du Levothyrox allait être redistribuée. La ministre avait d'abord dit qu'elle ne le remettrait pas sur le marché. Personne n'a été prévenu, même dans les instances de la pharmacie. De la même manière, lorsqu'elle a dit aux patients de prendre les gouttes alors que deux jours avant nous avions reçu une recommandation nous interdisant de délivrer les gouttes sauf aux enfants et aux personnes souffrant de déglutition, parce qu'elles étaient en manque fabricant… Nous ne savons plus quoi faire. Nous ne pouvons pas continuer à travailler en étant informés par la presse et la télé. Le lendemain de la publication de notre lettre ouverte, le président de l'USPO* a lui aussi écrit sa lettre à Agnès Buzyn en lui demandant, ce que nous réclamons aussi, à savoir qu'on nous entende et qu'on nous mette dans la boucle. Le problème c'est que le pharmacien est complétement transparent dans le système de santé. Personne ne sait ce qu'on y fait. Mais nous sommes le premier pivot d'orientation. 4 millions de personnes poussent notre porte chaque jour. Nous sommes sur le pont 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nous prenons le temps de tout expliquer aux patients même quand ils ne sont pas nos clients. Alors quand on entend la ministre à la radio dire que les pharmaciens et les médecins n'ont pas bien fait le relais et qu'il y a eu un manque d'informations, je réponds que nous sommes nombreux à avoir aussi très bien fait notre travail *Une réunion est prévue ce mardi à l’ANSM au cours de laquelle seront présents médecins et pharmaciens.
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