L'épuisement professionnel des médecins s'aggrave. La MACSF, assureur des professions de santé, constate une hausse des arrêts de travail de ses sociétaires pour ce motif depuis environ trois ans. Son directeur médical, le Dr Thierry Houselstein, dresse un état des lieux du burn out de ses assurés. Une étude a été lancée par l'assurance afin de quantifier ce phénomène.
Egora.fr : Quels sont les moyens de la MACSF pour quantifier le burn out de ses assurés ? Dr Thierry Houselstein : Nous avons lancé une étude pour avoir des données un peu plus fines mais nous avons le sentiment que depuis trois ou quatre ans, les certificats d’arrêt de travail de nos sociétaires pour ce motif sont très clairement en augmentation. Au départ, on voyait passer quelques certificats d’arrêt de travail pour stress ou épuisement professionnel mais le volume a nettement augmenté depuis environ trois ans. Il s’agit plutôt d’arrêts de travail qui sont rédigés par des médecins traitants, parfois par des psychiatres. Ils sont, en règle générale, reconduit toutes les quatre semaines. Quelles sont les professions médicales les plus touchées ? Nous voyons beaucoup de médecins généralistes, sans que nous puissions savoir s’ils exercent en milieu urbain ou rural. Il y a aussi beaucoup de professions paramédicales, notamment les infirmières libérales. Les anesthésistes sont également nombreux. Avez-vous des éléments de réponse qui permettraient de comprendre les raisons de ces burn out ? Sur ce point, mes propos n’engagent que moi mais je pense que les raisons sont plurifactorielles. Si on prend le cas des médecins généralistes ou des infirmières libérales, ils sont soumis à des rythmes de travail qui sont très conséquents, avec des plages horaires de consultations plutôt étendues. Je pense qu’il y a aussi une forme de déconsidération de la profession avec le sentiment de ne plus y arriver. Pour certains, le fait d’être exposés à une forme de pression médico-légale de la part des patients impacte aussi. Je crois que la profession médicale ou paramédicale est celle vis-à-vis de laquelle il est le plus facile de réclamer. Si quelqu’un souhaite porter plainte contre son garagiste ou son coiffeur, il faut faire une procédure devant le tribunal. Pour les médecins, suite à la loi du 4 mars 2002, il suffit d’aller sur internet pour télécharger un formulaire et de joindre quelques documents médicaux. Dans la grande majorité des cas, le patient obtient une expertise. A ma connaissance, c’est la seule profession en France où il est aussi facile de réclamer.
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Cette judiciarisation de la médecine n’entraîne-t-elle pas plus d’erreurs médicales par un effet boule de neige ? Non pas forcement. Il n’y a pas plus d’erreurs médicales, en revanche, indiscutablement, cela perturbe la relation patient / médecin. Selon la MACSF, il y aurait toutefois un lien entre erreur médicale et burn out… Lorsque nous avons des sociétaires qui sont mis en cause dans des histoires de responsabilité civile professionnelle (RCP), avant que leur bonne foi soit reconnue, c’est un peu le parcours du combattant. Ils passent par une expertise et des moments qui ne sont pas très sympathiques. Très clairement, cette pression médico-légale aboutit à une modification de leur pratique quotidienne et de leur façon d’exercer. Lorsque des médecins laissent couver un burn out sans agir, quels sont les risques pour leurs patients ? Il y a des risques à plusieurs niveaux. Un médecin est certes un médecin, mais il peut également être un patient. Ne pas traiter ces situations est de mon point de vue catastrophique sur les plans humain et personnel. Je pense qu’on ne fait pas suffisamment cas de ces situations de détresse de certaines professions de santé. Vis-à-vis de leur activité, ils peuvent très clairement être moins disponibles pour leurs patients, voire moins vigilants sur certains points lors d’un examen clinique ou de la prise en compte de certaines données. Comment régler ce problème en amont, avant que la situation de burn out ne se fasse sentir ? Je ne prétends pas avoir les solutions. Cela renvoie à beaucoup de sujets différents, sur les durées de travail journalières des médecins, sur le rôle que l’on demande aux médecins entre les tâches purement administratives et celles de soins… Nous avons surtout un rôle d’observation. Auprès de nos sociétaires, nous mettons en place certaines actions pour les accompagner dans leurs difficultés. Quelles actions proposez-vous ? Nous agissons d’une part lorsqu’il y a un risque médico-légal. Nos sociétaires ont la possibilité de joindre 24 heures sur 24 un médecin du comité médical de la MACSF avec lequel ils peuvent échanger sur le dossier et éventuellement avoir des recommandations de bonnes pratiques et tout simplement de l’accompagnement. En RCP, nous menons des actions de gestion des risques sur des populations ciblées de sociétaires qui nous semblent plus à risque. Vous avez également essayé de développer l’autodiagnostic ? Oui tout à fait. Il est possible pour chaque professionnel de santé, via notre site internet, de faire une forme d'auto-évaluation de sa situation face à ce risque professionnel. C'est un moyen de se tester de façon à ce que chacun puisse savoir où il en est. Cela peut permettre de prendre des mesures qui éviteront que la situation ne se dégrade. Quand un médecin a en charge un certain nombre de patients et une activité soutenue, il y a du stress et de l'épuisement que beaucoup de médecins considèrent comme étant normaux. La difficulté est d'essayer de savoir à partir de quel moment ce stress et cet épuisement ne sont plus normaux. C'est très compliqué.
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