Médecin nutritionniste, médecin du sommeil et médecin du sport entre le CHU et la clinique Beausoleil de Montpellier, le Dr Vincent Attalin ira présenter à Londres, le 16 octobre prochain, Aviitam, le carnet de santé intelligent co-construit avec le Pr Avignon (CHRU Montpellier). Il nous explique la particularité de ce nouvel outil, centré sur la prévention et le rôle actif du patient, dans la gestion de sa maladie.
Egora.fr : Comment a muri chez vous l'idée d'Aviitam, un carnet de santé intelligent ? Dr Vincent Attalin : Je suis médecin généraliste de formation, et j'ai pratiqué la médecine générale pendant plusieurs années, jusqu'à ce que je fasse un burn out en 2013. Cette période d'exercice a été très difficile, j'avais l'impression de faire de la médecine vétérinaire, je voyais 70 patients par jour et je n'avais pas le temps, pas la ressource… mais je commençais à m'intéresser à tout ce qui tourne autour du mode de vie, des activités, la nutrition, le sommeil etc. Pour moi, c'était une manière d'apporter des réponses à des patients, au travers d'une autre forme de médecine, la médecine du "je ne sais pas". Cela semble bizarre de la part d'un médecin, de répondre "je ne sais pas"… Mais dans la pratique, on se rend compte en faisant de la prévention et la gestion du mode de vie, que les patients nous interrogent sur tout : qu'est-ce que je dois manger ? Combien de calories ? Qu'est-ce que je dois faire comme sport ? Combien de temps je dois dormir ? etc… Les malades sont très déstabilisés qu'un médecin leur réponde qu'il ne sait pas car on les fait passer du paradigme du médecin qui savait tout à celui qui ne sait pas. Bien entendu, on a envie de les prendre en charge, mais on leur dit que la solution est en eux car moi, médecin spécialiste de la nutrition, 35 ans, après une consultation qui a duré 15 minutes, je ne suis pas capable de dire ce que doit manger une personne qui pèse 120 Kg, qui rentre stressée du travail, qui est une mère seule avec trois enfants avec toute la complexité de ce qui se passe dans sa tête et dans son corps. Alors on dit aux personnes que la solution est en eux, et qu'on va les aider à travailler sur ce qu'ils ressentent. Et c'est de là qu'est née l'idée du développement de la plateforme Aviitam. Avec le Pr Avignon, qui a été mon mentor et est maintenant mon associé, nous avons commencé à travailler sur cette plateforme qui permet aux personnes de prendre conscience de leurs données de santé. Comment ? En se connectant, les personnes vont rentrer tout ce qui fait leur environnement : comment elles ont bougé, ce qu'elles ont mangé, etc... Elles pourront y brancher leurs objets connectés. Les gens vont prendre conscience de leur moral, de leur fatigue, de leur somnolence. Et c'est à partir de leur état des lieux qu'ils nous poseront des questions. Par exemple, une patiente vient de me dire que depuis 30 ans, elle ne savait pas ce qu'était la sensation de faim dans son corps. Alors, on a travaillé là-dessus. Avec Aviitam, elle a vu une petite vidéo, appris qu'il s'agissait d'une sensation ressentie au creux de l'estomac, que cela pouvait survenir plusieurs fois par jour et qu'il suffisait d'une toute petite quantité de nourriture pour la calmer. Donc en fait, la plateforme optimise la relation médecin patient, car le patient devient acteur de sa santé. Le médecin n'aura plus à rechercher toutes ces informations, car le patient arrivera en consultation avec son cheminement. Il ira ensuite consulter son médecin généraliste, qui aura accès aux données, tout comme l'hôpital. A qui s'adresse ce carnet de santé ? A toute personne qui a des problèmes de santé récurrents, et qui n'a pas envie à chaque fois de répéter son histoire. Cela ne concerne pas que les patients qui ont un problème de nutrition, nous voulons être le plus large possible. Mais est-ce qu'Aviitam ne fait pas double emploi avec le mécanisme du médecin traitant, qui tient le dossier le dossier du patient qui l'a désigné ? Nous sommes connectés avec des logiciels médicaux, et selon un accord avec l'éditeur, les informations peuvent remonter directement à la bonne case en langage HL7, qui est la norme européenne de transmission des données de santé. C'est comme si le médecin traitant avait son logiciel qui se remplissait tout seul, et qu'il n'avait plus qu'à les valider. Le remplissage est automatique, c'est ça qui est fantastique. Quelle cohabitation avec le DMP, désormais géré par la CNAM ? Nous avons entamé des démarches pour être DMP compatible, c’est-à-dire que les synthèses du carnet de santé Aviitam pourront transiter dans le DMP. Ce qui est intéressant, c'est que nous avons une façon intelligente de traiter les données de santé, et que nous pouvons faire remonter dans les systèmes d'information hospitaliers, la bonne information au bon endroit pour une optimisation des facturations. Grâce à des interfaces intelligentes vers le système informatique de l'hôpital, nous avons créé une sorte de portail patient, qui permet au malade de préparer son séjour, ce qui peut même optimiser les soins durant l'hospitalisation. Alors, combien de médecins, et combien de patients connectés ? Nous avons actuellement 1 000 médecins et 5 000 patients connectés, au départ en Languedoc-Roussillon, et à présent dans toute la France. Nous travaillons également sur du contenu médical issu de la plateforme. Deux organismes de formation médicale leader du secteur nous achètent ce contenu et diffusent Aviitam dans toute la France. La première version a été lancée il y a deux ans, et la deuxième version sera lancée après la conférence prestigieuse Sodexo que nous allons donner à Londres, le 16 octobre, sur le thème de la qualité de vie, pour présenter notre carnet de santé . Je pense que nous avons été sélectionnés car nous nous situons dans un changement complet de paradigme. Nous faisons confiance au patient, nous passons d'une médecine où le médecin sait tout, à celle où le patient connaît son corps et recueille ses données de santé. Le dialogue est optimisé et cela permet le retour de la confiance. Les médecins seront surement moins sujets au burn out si les patients ne viennent que pour un problème et pas 14, et qu'ils ont préparé leur consultation. Combien coute l'inscription pour le patient, le médecin ou l'établissement ? Pour le patient, c'est entièrement gratuit. L'inscription peut se faire, s'il le souhaite, à travers un logiciel de prise de rendez-vous. Pour le médecin, l'inscription est gratuite, c'est la connexion avec ce logiciel qui est optionnelle et payante, autour de 50 euros par mois. Mais il faut savoir qu'Aviitam lui procure un gain de temps fabuleux. Cela posé, notre principal modèle économique, est basé sur les établissements de santé. Le coût alors est de 50 000 euros pour la mise en service plus un prix annuel. Vu l'optimisation en matière de facturation qu'Aviitam peut leur procurer, grâce à une meilleure utilisation de la T2A lorsque les hospitalisations sont préparées, ils rentrent très vite dans leurs frais. Quel est votre objectif ? Nous nous sommes fixés l'objectif de 20 000 médecins connectés d'ici 2020. Ce qui nous semble tout à fait atteignable, tant la deuxième version d'Aviitam est pratique et facile.
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