"Nous n'aurons aucun scrupule à appuyer sur le bouton du déconventionnement" : Un an après les assises, le Dr Marty maintient la pression

07/03/2024 Par Sandy Bonin
Les 3 et 4 mars 2023, le syndicat UFML réunissait plus de 700 médecins à Paris (et plus de 1 000 à distance) et lançait les assises du déconventionnement. Trois présidents de syndicats (Avenir Spé-Le Bloc, FMF, et SML) étaient également présents. Ce rendez-vous a donné le coup d'envoi d'un projet de déconventionnement collectif par le dépôt de lettres d’intention. Un an plus tard, près de 5 000 promesses ont été signées. Et le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML et instigateur du mouvement, ne compte pas s'arrêter là. Son objectif est clair : faire pression sur le politique pour revaloriser les soins sous peine de mettre sa menace de déconventionnement collectif à exécution.  

 

Un an après les assises du déconventionnement, où en est-on ? 

Dr Jérôme Marty : Nous en sommes à plus de 4 800 lettres d'intention signées. Nous sommes dans les temps de l'objectif que nous nous étions fixé.  

 

Quel était votre objectif ? 

Nous voulions une action qui dure 18 mois pour atteindre 10 à 15 000 signatures. Nous savons que cette action est boostée par des éléments et ralentie par d'autres, c'est pour cette raison que nous l'avons fait sur du temps moyen. Elle va englober les périodes de négociations conventionnelles et les péripéties politiques comme les changements de ministres, par exemple. Cette action a été fortement accélérée ces deux derniers mois, elle ralentit un peu puisque nous entrons de nouveau dans le ronron conventionnel. Elle va très probablement repartir s'il n'y a pas de solution aux négos. Ce n'est pas un scoop de dire que ces négociations ne vont déboucher sur rien. Nous sommes donc à 4 800 lettres d'intentions signées, mais j'espère que nous aurons atteint les 5 000 au moment de la prochaine réunion multilatérale le 14 mars. Symboliquement, ce chiffre est important parce qu'il représente 10% des généralistes, bien que nos signataires ne soient que pour 80 à 85% des généralistes.  

Nous allons continuer notre action de lobbying. Nous voulons dire aux politiques : "Vous n'allez pas assez loin, prenez vos responsabilités, investissez dans la médecine libérale et ayez le courage de revoir le financement de l'Assurance maladie pour permettre aux médecins libéraux de produire de la santé de qualité." Nous sommes des producteurs de santé, c'est désormais comme cela que nous nous présenterons. Nous sommes comme des artisans : si on ne nous donne pas les moyens de travailler, on fait de la m****.  Actuellement, nous produisons de la mauvaise santé parce qu'on ne veut pas augmenter nos actes et que ces derniers ne sont plus à la hauteur de ce qu'ils devraient être pour nous permettre de faire de la santé de qualité. Nous n'avons pas les moyens d'embaucher du personnel comme des secrétaires ou des assistants, d'investir dans un plateau technique, de faire face aux charges. Notre seule possibilité pour maintenir notre niveau de vie et l'existence de nos cabinets est de voir toujours plus de monde et donc d'allouer moins de temps aux patients. En 20 ans, les tarifs des actes n'ont pas augmenté mais le niveau de vie des médecins s'est maintenu. Cela s'explique par le fait qu'ils n'investissent plus et voient plus de monde. La production en santé n'est donc plus de qualité. Cela devrait choquer.  

Si les politiques ne nous donnent pas les moyens de faire de la qualité, nous n'aurons aucun scrupule à appuyer sur le bouton du déconventionnement. Je l'ai dit à Catherine Vautrin.  

 

Combien de lettres d'intention ont été transformées en déconventionnement effectif ? 

Ceux qui rentrent dans le processus "lettres d'intention", restent dans le mouvement. À côté de cela, certains médecins préfèrent, eux, se déconventionner tout de suite. Il y a aujourd'hui plus de 1 000 médecins qui sont déconventionnés. Thomas Fatôme se base sur les chiffres de 2019 en disant qu'ils sont 550, mais c'est faux. Il suffit d'aller sur Ameli, le propre site de l'Assurance maladie pour constater qu'ils sont beaucoup plus. Quand nous avons lancé les assises, nous étions autour de 700 médecins déconventionnés. Actuellement nous sommes à plus de 1 000. 

 

Lorsque vous avez lancé les assises, aviez-vous pris conscience du phénomène ? 

Évidemment. Tout a été pesé, validé et nous ne nous sommes trompés sur rien. Tout se passe comme prévu. Je suis tranquille dans mes bottes. On est exactement à mi-chemin de notre action et nous allons continuer.  

Les politiques commencent à regarder cela avec acuité. Au départ, ils nous ont pris pour des farfelus, mais là ils voient bien que tout cela progresse et que ça n'est pas orchestré par des agités du bocal. Ils se retrouvent aujourd'hui avec quelque chose qui les dépasse un peu. Tous les jours, ils voient qu'il y a des jeunes qui se déconventionnent, que ces derniers s'en sortent très bien et qu'ils sont très contents. 

J'organise depuis près d'un an des "dimanches du déconventionnement" tous les 15 jours. On a entre 100 et 350 médecins à chaque fois, dont 50 à 60% de nouveaux. Nous avons systématiquement des jeunes médecins déconventionnés qui participent, on n'en a jamais vu un malheureux. Ils disent tous avoir l'impression d'avoir quitté un conjoint pervers narcissique en faisant référence à l'Assurance maladie.  

Nous ne voulons pas faire un coup médiatique, nous voulons vraiment aller loin et pousser le politique à négocier. Mais je suis persuadé que les négos échoueront.  

 

Certains médecins parlent d'un effet "thérapie de groupe" lors des assises ou des dimanches du déconventionnement. Le ressentez-vous ? 

Oui tout à fait. C'est moins le cas maintenant parce que les gens ont beaucoup discuté. Mais au départ, c'était tout à fait cela. 

 

La FMF a appelé ses adhérentss à rejoindre votre mouvement et à signer leur lettre d'intention. Est-ce une victoire pour vous ? 

Je ne vois pas cela comme une victoire, mais comme ce que l'on avait prévu. J'ai toujours dit qu'on ne mettrait pas le logo de l'UFML sur le site déconventionnement.fr. Tous les syndicats peuvent mettre leur logo et participer à l'action. Médecins pour demain et la FMF l'ont fait. Peut-être que le SML le fera. MG France s'en sert. Agnès Giannotti a parfaitement compris que c'est un outil de pression et elle dit aux politiques : "Attention, les médecins se déconventionnent". Il n'y a que la CSMF qui n'a pas compris notre démarche.  

 

Que pensez-vous de l'idée de la CSMF de mettre en place un Optam pour tous ? 

Ça ne fonctionne pas. On peut voir ce qui se passe chez les chirurgiens. Ils quittent tous l'Optam pour retourner en secteur 2. L'Optam ne marche pas. Nous n'avons pas à contractualiser sur le fait d'augmenter la part des actes en secteur 1 et minorer ceux en secteur 2. Les mutuelles et les assurances sont riches à milliards et ne sont pas capables d'investir dans le soin. Je vais tout faire pour que le politique les bouscule et que ces gens-là rendent l'argent pour me permettre à moi d'avoir des honoraires complémentaires pour vendre et fabriquer de la santé de qualité. Tout le reste, c'est de la littérature. 

Notre régime est socialisé, j'ai des patients en CMU, CMU-c, ACS, AME… Notre système solidaire est en train de se casser la figure parce que les politiques n'ont pas le courage de revoir son financement. Tout cela les regarde. Moi je suis là pour produire du soin et je veux qu'on me donne les moyens de le faire, sinon j'irais chercher les moyens moi-même. Ils veulent faire sans nous, on fera sans eux. C'est aussi simple que ça.  

Jusqu'à preuve du contraire, nous, médecins, pouvons faire le boulot du politique, mais l'inverse n'est pas vrai. 

 

Avez-vous prévu de déposer une question prioritaire de constitutionnalité(QPC) sur le sujet de la légalité du non-remboursement du secteur 3 ? 

Évidemment. Quand nous déciderons de passer collectivement en secteur 3, immédiatement après, nous poserons la QPC. La jurisprudence tient sur la rareté. La question avait été posée au début des années 2000, mais le conseil d'Etat avait estimé qu'il n'y avait pas assez de médecins concernés pour qu'il y ait une perte d'égalité économique des patients puisque ces derniers pouvaient se diriger vers des médecins conventionnés. Si on crée un secteur 3 qui n'est plus rare, en nombre de médecins, la jurisprudence tombe. Peut-on imaginer un instant que l'Assurance maladie et les politiques prennent la responsabilité de dire à des millions de patients, "on ne vous rembourse pas", alors que ces gens cotisent ?

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Stéphanie Beaujouan

Stéphanie Beaujouan

Non

Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus

21 débatteurs en ligne21 en ligne
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Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Ça me fait toujours rigoler quand j'entends : "ce n'est pas constitutionnel". Je lissais récemment à propos d'une jurisprudence sur les locataires âgées. Le Conseil constitutionnel disait 
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Médecine générale
il y a 10 mois
Dire à Fatôme qu'on pourrait se déconventionner , c'est un peu comme l'autre qui dit aux Russes qu'on pourrait leur déclarer la guerre . Du bluf . Les syndicats sont morts s'ils signent une convent
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Je ne vois pas ce qui empêche les jeunes médecins de s'installer en secteur 3, surtout dans des déserts médicaux où il n'y a pas de concurrence ? Entre faire 50 km ou plus pour aller consulter un méde
 
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