Egora.fr : Avez-vous également observé que le pic de la deuxième vague de Covid-19 a été atteint ? Catherine Hill : Effectivement, les admissions à l’hôpital et en réanimation ont cessé d’augmenter d’à peu près 4% par jour. Mais je ne parlerai pas de décroissance. Le nombre de nouvelles hospitalisations et admissions en réanimation pour Covid-19 peut commencer à diminuer, mais j’attendrai un peu avant de l’affirmer. Ça descend beaucoup moins vite que dans le premier confinement. Et la mortalité est tout juste en train de s’infléchir. Il y a toujours environ 400 patients de plus qui arrivent chaque jour en réanimation. Ça crée une pression énorme sur le système de santé.
Source : Catherine Hill
Le confinement a-t-il donc permis de réduire la circulation du Sars-CoV-2 ? Le confinement, ça congèle temporairement la situation. Les gens circulent moins, donc évidemment le virus circule moins aussi. Mais dès qu’on arrête, ça repart. Je compare ça souvent à l’image d’un aliment pourri dans votre réfrigérateur que vous mettez au congélateur. Quand vous le sortez, il se remet à pourrir. Cela aura calmé le jeu temporairement, mais à la sortie on se retrouve, plus ou moins vite, dans la même situation. C’est pour cela qu’il faut confiner pour tester. Ce que l’on a fait jusqu’à maintenant, ce n’était que palliatif. On a dépisté les gens qui ont eu des symptômes et ensuite, on a dépisté leurs contacts. Cette stratégie ignore tout de ce qu’on connaît de la dynamique de l’épidémie : le fait qu’il y a...
beaucoup de porteurs asymptomatiques et que la plupart des personnes contaminées ne sont pas contagieuses longtemps (comme le montre, notamment, une étude de Taïwan publiée dans la revue JAMA Internal Medicine le 1er mai dernier).
Selon vous, l’identification des cas-contacts a été “un fiasco colossal”... A partir de tests sérologiques faits entre mai et début juin en France, sur un échantillon représentatif de la population, on estime que 4,5% de la population soit 3 millions de personnes avaient été infectées. Mais fin juin, le total des cas diagnostiqués par les tests était de 160.000, soit 0,3% de la population. Au 9 novembre, on a diagnostiqué 1,8 million de personnes par les tests, le nombre de personnes qui ont été infectées est beaucoup plus grand. Puisque les tests ne détectent qu’une petite fraction des cas (1/10 en France entre le 12 mai et le 28 juin), (1/5 en Espagne entre le 27 avril et le 11 mai), la recherche des contacts est très peu efficace. Et la circulation du virus échappe à cette surveillance. Seulement environ un cas sur cinq est un contact d’un cas connu dans la semaine du 26 octobre au 1er novembre. Dans ce sens, “Tous Anti-Covid” ne sert pas à grand-chose. Si vous allez au restaurant et que vous êtes assis à côté de quelqu’un qui est contaminé, comme on ne trouve qu’un cas contaminé sur 5, vous avez 1 chance sur 5 pour qu’on vous prévienne. Vous prônez de fait un dépistage massif de la population. En quoi est-ce la meilleure solution ? C’est d’une simplicité biblique. Une épidémie d’une maladie contagieuse se contrôle en trouvant les personnes qui sont contagieuses et en les isolant. Mais il faut les isoler le plus vite possible, et c’est là que réside le problème. On n’a jamais fait ça. On a attendu que les gens soient symptomatiques, on a trouvé...
une toute petite partie des cas, on les a très peu isolés. Et de toute façon, si on les avait isolés quand on les trouvait, c’était déjà beaucoup trop tard. On a donc absolument pédalé dans le vide depuis le début. Une étude chinoise parue dans Science le 21 juillet montrait que dans les provinces chinoises, autres que Hubei (la province de Wuhan), les autorités ont testé et isolé de plus en plus vite les porteurs du virus. Les experts ont étudié une série de paires contaminant-contaminé, et pour ces paires, ils ont analysé le délai entre les symptômes du contaminant et les symptômes du contaminé. Ils ont trouvé que ce délai a varié d’un facteur 3. Du 9 au 22 janvier, il y avait en moyenne 8 jours entre les symptômes du contaminant et ceux du contaminé, dans la période du 23 au 29 janvier, il y avait 5 jours, et du 30 janvier au 13 février, il y avait moins de trois jours. Ce raccourcissement de l’intervalle moyen entre deux cas successifs est expliqué par la pratique grandissante de l’identification rapide et de l’isolement des personnes symptomatiques. On a évité les contaminations tardives. Les Chinois ont compris cela, contrairement aux autorités françaises.
Pour effectuer ce dépistage massif, vous mettez en avant la méthode de pooling*. A-t-on les moyens ? Bien sûr qu’on les a ! Vous vous rendez compte du coût du confinement. Les Chinois ont contrôlé l’épidémie. Ils vont au cinéma, au théâtre, ils font ce qu’ils veulent. Nous, nous sommes dans une panade noire pour la deuxième fois, c’est monstrueux. Le coût est phénoménal. On a gâché un fric monumental en testant à tort et à travers et en donnant les résultats lorsque ça ne servait plus à rien. On a fait des millions de tests qui n’ont servi à rien, à 74 euros le test…
Source : Catherine Hill
Source : Catherine Hill Maintenant, il faut faire des prélèvements salivaires et des tests groupés par groupes de 10. On a la capacité en RT-PCR de le faire. Les gens qui échappent à ce processus ou qu’on ne trouve pas, on pourrait leur donner un bon pour qu’ils aillent réaliser un test antigénique à la pharmacie. Surtout, il faut isoler les personnes positives de suite. Si c’est un test groupé, il faut isoler le groupe le temps de refaire les tests. Il faut isoler les personnes en les installant dans des hôtels qui sont vides, si elles sont mal logées ou si elles ne comprennent pas ce que veut dire s’isoler du reste de sa famille pour ne pas la contaminer. Au lieu de...
mettre les employés des hôtels au chômage partiel, on les mettrait au boulot et on ferait de la sécurité. Il faut donc mettre en place le dépistage massif le plus vite possible et surtout pendant le confinement, parce que pendant que les Français sont confinés, ils sont là. C’est facile de les trouver. Quel(s) exemple(s) suivre ? La Slovaquie a testé pratiquement toute sa population, près de 3 millions de personnes, en un week-end. Ceux qui ne voulaient pas se faire tester étaient priés de rester chez eux pendant dix jours, ce qui est une très bonne chose aussi. Les autorités ont de nouveau testé la population une semaine après, là où il y avait beaucoup de cas. Les Autrichiens sont aussi en train de mettre ça en place. C’est évidemment ça qu’il faut faire ! Comment pouvons-nous réussir ce nouveau déconfinement ? Quand pouvons-nous l’espérer ? Si on procède comme la première fois, on va déconfiner quand il y aura un peu de tensions sur les hôpitaux, et l’affaire va repartir. C’est sans intérêt : on va répéter l’idiotie précédente et avoir une troisième vague. Non merci. Il faut déconfiner une fois que le dépistage massif aura été effectué. Devrons-nous apprendre à vivre avec le virus, comme l’a annoncé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ? Tant qu’on n’a pas de vaccin, le virus va continuer à exister. Maintenant, on peut maintenir la contamination de la population à un niveau très faible. Regardons ce qui se passe à Pékin : depuis le dernier épisode un peu important, le virus circule à très très bas bruit.
Deux laboratoires (Pfizer et Moderna) ont justement annoncé que leurs vaccins sont efficaces à plus de 90%. Peut-on s’en réjouir ? Et est-ce synonyme d’une sortie de crise plus rapide que ce l’on prévoyait ? Oui, on peut s’en réjouir. Il n’y avait aucune garantie qu’on allait trouver un vaccin, et ce début de démonstration d’une efficacité clinique obtenue aussi rapidement est formidable. En plus les deux vaccins reposent sur le même principe, donc chaque résultat conforte l’autre. Cependant ces deux résultats reposent sur les observations de 8 cas de Covid dans le groupe vacciné versus 86 dans le groupe placebo pour l’essai de Pfizer et de 5 cas versus 90 dans l’essai de Moderna. Il faut donc attendre la fin de ces essais, pour consolider ce résultat et estimer les effets indésirables... Pour sortir de la crise, il faut avoir un vaccin ayant une autorisation de mise sur le marché, il faut aussi qu’on en ait fabriqué des quantités astronomiques. *Au lieu de faire un test pour chaque personne, il est question d’en regrouper plusieurs. On peut ainsi prendre 10 prélèvements, les diviser en deux. Puis tester avec un seul PCR la première partie de ces prélèvements. Si le résultat est négatif, on peut exclure directement ces 10 personnes. Si le test est positif, il faut analyser la seconde partie des prélèvements pour prévenir identifier la ou les personnes infectée(s).
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