Dans son avis sur le projet de loi de bioéthique, l’Académie nationale de médecine exprime des "réserves" majeures sur les évolutions sociétales concernant la procréation, mais encourage le législateur à mieux s’emparer des débats liés aux progrès des neurosciences et de l’intelligence artificielle. L’Académie de médecine a rendu samedi son avis sur le projet de loi bioéthique, dont l’examen commence aujourd’hui au Parlement. Les "réserves" exprimées par les sages sur l’extension de la PMA, qui s’inquiètent des répercussions psychologiques sur l’enfant, ont largement fait polémique. De quoi éclipser les remarques, plus discrètes, portant sur les autres mesures de la loi : anonymat des donneurs, autoconservation des ovocytes, don d’organes... Tour d’horizon des préventions des académiciens. Fin de l’anonymat des donneurs : attention au délai Le projet de loi actuel prévoit de lever l’anonymat du don de gamètes : les donneurs devront donner leur accord à ce que les enfants issus de leur don puisse, une fois majeurs et à leur propre demande, accéder à des informations non identifiantes (âge, physique, profession, situation familiale, etc.) ainsi qu’à l’identité de leur géniteur. Le consentement du tiers-donneur sera recueilli au moment du don, et conditionnera donc celui-ci. L’Académie statuait sur une version précédente du texte, qui prévoyait que le tiers-donneur donne son consentement pour être identifié au moment de la demande de l’enfant, et non au moment du don. Mais cette disposition moins contraignante pour le donneur suscitait déjà d’importantes réserves auprès des sages de la rue Bonaparte, qui soulignent "l’actuel équilibre fragile entre donneurs et couples hétérosexuels infertiles demandeurs d’une IAD [insémination artificielle avec donneur, NDLR], avec un délai moyen d’un à deux ans entre la demande et sa réalisation".
En conséquence de quoi, l’Académie s’inquiète d’une possible augmentation des délais, au détriment des couples "hétérosexuels souffrant d’une infertilité qui relève pourtant d’une indication véritablement médicale". "Les médecins ne comprennent pas qu’on puisse considérer de la même façon les indications médicales et les demandes sociales", écrit même le Pr Jean-François Mattei, ancien ministre de la Santé et auteur du rapport en sa qualité de président du comité d’éthique de l’Académie. Autoconservation des ovocytes : pas de survente La loi de bioéthique prévoit d’étendre l’autoconservation des ovocytes à toutes les femmes, en-dehors de toute considération d’infertilité ou de maladie. Pour l’Académie, qui souligne là encore le glissement d’une raison médicale vers une demande sociétale les débats sur cette disposition ont largement sous-estimé "les risques d’échecs non négligeables" de la procédure d’insémination artificielle après vitrification ovocytaire : le succès est évalué à 60 % après quatre tentatives, et "décroit notablement avec l’âge". Si la procédure est présentée comme une "garantie de réussite", dans la foulée des débats parlementaires, il s’agirait pour les académiciens d’une "grave mésinformation que les médecins auront du mal à réparer sans décevoir". L’institution craint également que le recours à l’autoconservation des ovocytes ne contribue "au recul de l’âge moyen de la première grossesse", avec à la clé une "augmentation significative des infirmités motrices-cérébrales" pour l’enfant. Pour faire du don d’organes une "cause nationale" Le projet de loi prévoit d’accroitre la possibilité de don croisé d’organes (en autorisant les chaînes de don croisé à trois couples) et d’autoriser les possibilités de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques de mineurs au bénéfice d’un parent, en l’absence d’alternative. Très favorable à cette problématique, qu’elle souhaiterait ériger en cause nationale, l’Académie regrette "que la réflexion n’ait pas été plus loin". Elle préconise en particulier "l’élargissement de la notion de donneur vivant au-delà du cercle des proches" et un ensemble de "mesures réglementaires" destinées à favoriser la transplantation : renforcement des équipes et protocoles spécifiques dans les établissements, campagnes d’information, évaluation de l’impact du consentement présumé (en place depuis 2016)… Intelligence artificielle et neurosciences : de l’audace ! Plutôt conservatrice sur le chapitre de la procréation, l’Académie juge au contraire le législateur bien peu allant sur la partie de la loi de bioéthique consacrée à la diffusion des nouveaux progrès scientifiques et technologiques, comme l’intelligence artificielle et les neurosciences. Concernant l’intelligence artificielle, le projet de loi prévoit une information obligatoire du patient traité par des algorithmes et la garantie d’une intervention humaine systématique dans la prise en charge. Les sages déplorent qu’une "loi générale sur l’intelligence artificielle" n’ait pas été à l’ordre du jour, afin de prévoir les "garanties éthiques d’objectivité, d’exhaustivité, de pondération adéquate du recueil des données" massives utilisées par les algorithmes d’IA, ainsi qu’une prévention des biais éventuels. Au chapitre des neurosciences, les académiciens souhaiteraient également que soit mieux encadrée la "recherche invasive sur le cerveau humain" et l’évaluation des "dispositifs médicaux intra- ou péri-cérébraux" (interfaces cerveau-machine), de même que les "outils commerciaux de neuro-modification disponibles sur internet" (casques de neurofeedback, etc.).
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