"Si on n'obtient pas une augmentation maintenant, on ne l'obtiendra jamais" : au coeur de la manif' de la dernière chance pour l'hôpital
[REPORTAGE] Plus de trois semaines après le lancement du Ségur de la Santé, des milliers de soignants se sont mobilisés partout en France à l’appel de douze syndicats et collectifs pour défendre l’hôpital public. Épuisés par l’épidémie de coronavirus qui a frappé de plein fouet les structures hospitalières, ces médecins, infirmières, ou encore aides-soignantes réclament une revalorisation de leurs salaires, l’arrêt des fermetures d’établissements et de lits, mais aussi le recrutement de personnel pour garantir aux patients un système fonctionnant sur ses deux pieds. A Paris, c’est devant le ministère de la Santé et l’Elysée que les soignants ont souhaité crier leur colère. Dans le cortège, peu d’espoir mais beaucoup de désillusions. Mardi 16 juin, 13 heures. Devant le ministère de la Santé, à l’angle de la rue de Ségur et de l’avenue Duquesne, une centaine de personnels hospitaliers crient leur colère. “Du fric pour l'hôpital public”, “le nerf de la guerre c’est la maille”, “masqués pas muselés” peut-on lire sur des pancartes et banderoles levées très haut par les soignants. Alors que l’épidémie de coronavirus marque progressivement le pas sur le territoire, ces héros se sentent aujourd’hui “oubliés” par les pouvoirs publics, noyés dans “leurs promesses”. Si le Ségur de la Santé, lancé il y a maintenant plus de trois semaines, entend bâtir un plan pour l’hôpital public avant l’été, les soignants n’y croient guère et voient en cette concertation une manière pour le Gouvernement de les faire patienter. Ce mardi, dans les rues de la capitale, ils marchent donc pour réclamer ce qu’ils n’ont pas encore obtenu : une “vraie” revalorisation salariale, l’arrêt des fermetures d’établissements et de lits, le recrutement de personnel, mais aussi une réforme du système de gouvernance. Avec un objectif précis : redonner de l’attractivité à l’hôpital et garantir des soins de qualité pour les patients. “Nous marchons vers l’Elysée, vers le président de la République, vers le Premier ministre, parce ce sont eux qui doivent nous donner les moyens”, explique Olivier Youinou, infirmier anesthésiste à l’hôpital Mondor de Créteil.
“Des actes !” “Nous nous battons pour les salaires les plus bas et les salaires des paramédicaux, lance un membre du collectif Inter-Hôpitaux au micro, sous les applaudissements. Si on obtient pas dans les 15 jours une augmentation des salaires, on ne l’obtiendra jamais !” Afin de “fidéliser les personnels” et rendre le secteur...
attractif, Olivier Youinou, également co-secrétaire du syndicat Sud santé AP-HP demande notamment 300 euros net pour tous les personnels, mais aussi la mise en stage de tous les contractuels. L’infirmier nourrit toutefois peu d’espoir en le Ségur et le syndicat Sud santé a quitté la table des négociations il y a une semaine. “On a conclu qu’il n’y avait rien à attendre, Nicole Notat se présente d’ailleurs elle-même comme une animatrice et pas comme une négociatrice”, regrette-t-il. Le Dr Christophe Corpechot, hépato-gastro-entérologue à l’hôpital Saint-Antoine de Paris ayant fait partie des chefs de services démissionnaires, n’est pas tout à fait de cet avis. Pour le praticien, venu défendre l’Assistance-Publique des Hôpitaux de Paris et l’ensemble du système hospitalier français, le Ségur va aboutir à des améliorations. “J’ai l’impression que les discours des politiques changent”, explique-t-il, ajoutant toutefois ne pas être “dupe”. “On est dans un moment charnière de l’histoire de l’hôpital public”, assure le praticien. Dans les rangs, peu semblent toutefois partager cet optimisme, certainement pas les quelques gilets jaunes venus se greffer au défilé. Aide-soignante depuis 20 ans aux urgences de Saint-Louis et membre du collectif Inter-Urgences, Corinne Jac, 54 ans, n’espère rien non plus des autorités : “Cela fait 15 mois que l’on crie ces problèmes soulevés pendant la crise sanitaire avec le collectif. Maintenant on veut des actes, du concret !”
Echec du système Pour bon nombre, la crise sanitaire a en effet permis de “mettre en vitrine” les difficultés que subissent les personnels hospitaliers depuis plusieurs mois et même plusieurs années. Manque de moyens, de matériel, de personnel...
de lits, dépendance au marché international... Le satisfecit du président de la République, dimanche dernier, sur la gestion de l’épidémie de coronavirus passe donc mal au sein du corps médical. “Ce qui est présenté aujourd’hui par le Gouvernement comme un exploit, d’avoir réussi à transférer des patients en Allemagne, en Bretagne, ou d’avoir fait venir des équipes pour nous soutenir, c’est un échec du système. Cela traduit le fait qu’on n’est plus en mesure de prendre en charge la population sur le bassin de vie”, s’insurge Olivier Youinou. Exerçant dans l’un des premiers clusters, Emilie Dupuis, infirmière aux urgences de Creil, témoigne elle aussi du débordement du système. “On n’avait clairement pas assez de matériel”, raconte-t-elle épuisée mais portée par le soutien de la population.
“Pas de médailles” Et les diverses mesures mises en place pour rendre hommage et valoriser les efforts des soignants partis au front ne suffisent pas pour calmer leur foudre. “On ne veut pas de médailles !” déclarent ensemble Emilie et Pierre, infirmiers à l’hôpital de Sèvres et de Saint-Cloud. Ces derniers déplorent de ne pas avoir encore reçu leur prime Covid et la prime d’attractivité, reportée à cause de l’épidémie. “L’AP-HP a reçu le prime en mai, nous, nous n’en avons pas encore vu la couleur. Tous les hôpitaux qui ne sont pas rattachés à un grand groupe qui brasse du fric sont derrière. Ce n’est pas normal”, déplorent-ils, dénonçant également le découpage arbitraire de répartition de primes Covid entre les départements. “C’est la prime de la discorde”, lance Pierre. Un peu plus tard, alors que le cortège quitte le ministère de la Santé et se dirige vers l'Elysée, en plein milieu de la foule, une aide-soignante tient un ballon en forme de coeur sur lequel il est inscrit sur chaque face "Ségur" et "Espoir". Secoué par le vent, il se détache et s'envole au-dessus de l'avenue de Ségur puis disparaît... Comme une symbole.
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