Former les soignants à la réanimation, même la nuit : c'est l'initiative lancée par l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), qui a organisé cette semaine une première session nocturne d'une formation express de deux jours, à destination des professionnels soucieux de rafraîchir leurs connaissances. "Atélectasie", "hypercapnie"...: ce soir-là ils sont une vingtaine à réviser les concepts fondamentaux de la discipline, et à s'enquérir des dernières avancées de la médecine ou de la technologie, sur les bancs d'un amphithéâtre du Campus Picpus dans le XIIe arrondissement.
"J'ai la certitude que le vidéo-laryngoscope deviendra la star de la crise Covid !", s'enthousiasme David Naudin, le formateur. L'outil permet d'intuber plus facilement les malades et de ne "pas mettre la tête dans la bouche du patient" - ce qui limite le risque de contamination. Les élèves sont des professionnels, infirmiers ou infirmières de nuit, exerçant dans les établissements publics ou privés d'Ile-de-France. Se former de nuit leur permet de conserver leur "roulement", et de moins désorganiser les services, explique Michèle Jarraya, directrice du centre de formation. En fonction de leurs commentaires, l'expérience sera ou non renouvelée.
"Peur" de la réanimation
Ces deux jours de formation théorique ont vocation à être complétés par une journée de simulation sur des mannequins haute-fidélité, prise en charge par l'AP-HP pour ses personnels, et par leur propre établissement pour les autres "étudiants". Plus de mille personnes ont déjà reçu en journée cet enseignement accéléré, qui contribue à ouvrir de nouveaux lits de réanimation - le président de la République a promis mercredi de porter la capacité en France à 10.000 lits.
Ces deux ou trois jours de formation sont bien sûr insuffisants pour permettre à un infirmier qui n'aurait ni bagage théorique ni expérience d'être autonome. "On est vraiment autonome, c'est-à-dire qu'on sait gérer toutes les machines, tous les soins, après avoir passé entre six mois et un an dans un service", témoigne Alexandre Chicot, infirmier dans une clinique de Seine-Saint-Denis.
Mais la formation aide à...
avoir "moins peur d'y aller", explique Michèle Jarraya. "Cela leur permet d'avoir une resensibilisation, une remobilisation des savoirs qui démystifie la lourdeur de la réanimation et l'appréhension d'aller y travailler". Peur "de la technique, des machines, du malade, qui est quand même un malade lourd", intubé, ventilé, qui ne "parle pas" : la réanimation est un espace de soins "très particulier", un univers où "il y a du bruit en permanence, la lumière même la nuit", décrit-elle.
Tous en pyjama
C'est aussi un "service d'élite", et qui se caractérise par un très fort esprit d'équipe. "Tout le monde est en pyjama, pas pour aller se coucher bien sûr", sourit Christophe Flageul, responsable pédagogique du centre de formation. "Ces fameuses tenues que l'on a au bloc comme en réanimation", cela contribue à "une abolition des marqueurs hiérarchiques".
L'espoir de Michèle Jarraya est qu'il y ait un "effet domino", et que l'arrivée de ces personnels dans les services permette de décharger les plus expérimentés de certaines tâches. "On forme des infirmiers de couloir: ils vont venir en renfort des infirmiers plus gradés pour faire des actes à la tâche, comme préparer des seringues. En fonction de l'assurance qu'ils vont prendre, ils vont pouvoir progressivement approcher le patient", développe Christophe Flageul.
Shéhérazade*, 31 ans, travaille en salle de réveil pédiatrique à l'hôpital Robert-Debré, où des lits de réanimation pour adultes vont être ouverts. "En réanimation, je veux bien y aller pour faire la petite main, mais il faut que je sois supervisée", confie-t-elle. Elle se souvient de ses collègues qui, l'année dernière, sont allées du jour au lendemain prêter main forte en réanimation. "La première semaine, elles étaient en pleurs (...) Le stress, les prises en charge très compliquées. Voir la peur dans les yeux des patients, émotionnellement cela les a beaucoup touchées", témoigne-t-elle.
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