"Si on avait su, on aurait fait quelque chose" : la direction du CHU de Rennes réfute les accusations d'"omerta"
Ils apparaissaient unis, en blouses blanches, sur la scène de l'opéra de Rennes. Début janvier, neuf soignants – neurochirurgiens, anesthésistes, infirmiers – dénonçaient dans Paris match l'omerta qui règne depuis des années au sein du service de neurochirurgie du CHU de Rennes. Ces soignants, dont la plupart ont quitté l'hôpital, racontaient avoir vécu "l'enfer". "Brimades", "humiliations", "violences verbales", "harcèlement moral" voire "sexuel"… Ils pointaient du doigt les agissements de deux professeurs qui se sont succédé à la tête du service, et dont le "despotisme" et le "management féodal" ont conduit, selon eux, à la dérive d'un service autrefois reconnu pour son excellence. Paris Match indiquait ainsi que 17 chirurgiens avaient quitté le service depuis 2013, obligeant la direction à réduire l'activité médicale.
Dans un dossier publié ce jeudi 8 février, nos confrères de Ouest France reviennent sur l'affaire qui a ébranlé le CHU de Rennes. Le quotidien local rappelle qu'à la suite de multiples accusations, une plainte collective pour harcèlement moral et sexuel a été déposée par l'Intersyndicale nationale des internes (Isni) en octobre dernier visant ces deux professeurs. L'un des deux chefs de service a dénoncé une "mise en cause mensongère" et porté plainte à son tour pour diffamation contre une interne. Il a quitté le CHU de Rennes en janvier. L'autre professeur mis en cause est en arrêt maladie, mais a lui aussi constaté "fermement les allégations portées à son encontre", a indiqué son avocat à Ouest France. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Rennes.
En parallèle, une enquête administrative a été lancée en interne. "La moitié des personnels de la neurochirurgie a été reçue" dans ce cadre, indique le quotidien, ajoutant que "les résultats seront rendus prochainement".
Les neuf soignants qui ont témoigné dans Paris match dénonçaient en outre une forme d'impunité, voire de "soutien" de la direction du CHU et de la faculté envers ces deux professeurs mis en cause. Interrogés par Ouest France, plusieurs personnels de l'établissement souscrivent. A l'instar de ce professeur qui témoigne sous couvert d'anonymat, dénonçant "l'omerta" imposée par la direction : "Le silence, la gesticulation positive ne font pas disparaître les problèmes." Plusieurs médecins évoquent "une direction bunkérisée qui se replie sur elle-même". "La direction du CHU s'honorerait à faire du problème de la neurochirurgie un exemple. La justice est en route, il y a la présomption d'innocence, d'accord, mais comment fait-on pour ça ne puisse plus arriver ?", lancent-ils. Pour beaucoup, les chefs de service n'auraient pas dû "rester en responsabilité" après les signalements.
Interrogée par Ouest France, la directrice générale du CHU, Véronique Anatole-Touzet, a réfuté les affirmations selon lesquelles la direction était au courant de la situation et n'est pas intervenue. "Je ne peux pas laisser dire ça. Si on avait su, on aurait fait quelque chose", a-t-elle assuré. "Nous avions reçu, dès 2020, les médecins qui ont quitté le service. Ils ont évoqué des problèmes de charge de travail, d'organisation, leur volonté d'aller travailler dans le privé, de management, de conflits internes, mais en aucun cas de harcèlement… Nous n'avons pas eu de signalements écrits et je le déplore", a expliqué celle qui est en poste à la direction depuis 2015. Elle a également rejeté les accusations d'omerta. "Je condamne toute omerta comme toute diffusion d'informations mensongères", a-t-elle martelé, affirmant avoir mis en place dès son arrivée "un processus de prévention et de signalement des agissement sexistes".
[avec Ouest France]
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