Essais cliniques "sauvages" : avec les dons de ses patients, le Pr Fourtillan a acheté pour 200.000 euros de lingots d'or

15/02/2021 Par Aveline Marques
Faits divers / Justice
Malgré la suspension de ses essais cliniques par l'ANSM et sa mise en examen par la justice, le Pr Jean-Bernard Fourtillan, nouvelle star des complotistes, a continué à récolter de l'argent pour ses recherches illégales, révèle une enquête de RadioFrance-France info. 

Retour sur les faits. Le 19 septembre 2019, l'ANSM annonce avoir interdit un essai clinique mené depuis presque un an dans une abbaye poitevine, hors de tout cadre légal, sur plusieurs centaines de patients souffrant de la maladie de Parkinson, d'Alzheimer, de troubles du sommeil ou de dépressions nerveuses. Il s'agissait de tester des patchs transdermiques contenant deux molécules aux "effets inconnus" : les hormones valentonine et 6-méthoxy-harmalan. A la manœuvre, une fondation religieuse nommée Fonds Josefa, créée par le Pr Jean-Bernard Fourtillan, qui revendique la découverte de la valentonine. Ce dernier est soutenu dans ses recherches par le Pr Henri Joyeux, présenté comme co-fondateur du Fonds Josefa. Dans la foulée, l'Ordre des médecins porte plainte contre le Pr Fourtillan, notamment pour exercice illégal de la médecine, et contre le Pr Joyeux et sept autre médecins du Fonds pour charlatanisme. En mars 2020, le Pr Fourtillan est mis en examen. Placé sous contrôle judiciaire, il a interdiction d'entrer en contact avec ses patients. 

Une interdiction qu'il va bafouer à plusieurs reprises au printemps, révèle une enquête de la cellule investigation de RadioFrance-France info. Le média publie sur son site une série d'emails dans lequel le pharmacien appelle ses patients à effectuer des dons via le Fonds Josefa pour pouvoir poursuivre ses recherches et obtenir une AMM pour ses patchs. Des dons qu'il aurait convertis… en lingots d'or. Un placement jugé plus sûr pour ce pharmacien, devenu célèbre chez les complotistes depuis son intervention dans le documentaire Hold up.

Dès le 19 mars, le Pr Fourtillan affirme ainsi dans un mail envoyé depuis la messagerie de son épouse Marianne (interdiction de contact oblige) que "la pandémie du coronavirus, due à une fuite accidentelle et involontaire de ce virus à partir de Wuhan, va servir de prétexte aux banques mondiales pour opérer une réinitialisation monétaire en ramenant la valeur des monnaies fiduciaires à l'étalon Or". Il se propose donc de parrainer les bienfaiteurs du Fonds pour qu'ils investissent leur argent dans de l'or. Trois jours plus tard, nouvel appel au don, "le plus élevé possible": "Il est essentiel pour réussi à obtenir une ATU, puis une AMM, des patchs, d'ici la fin juin, que le Fonds Josefa puisse disposer de 3 ou 4 millions d'euros de trésorerie." Et enfin, le 30 avril, le professeur lance un nouvel appel à l'aide pour régler une facture de 9.875 euros. "J'ai utilisé tous les dons versés au Fonds Josefa à ce jour pour acheter de l'or physique", déclare-t-il, précisant avoir pu acquérir "quatre kilos d'or". Soit une valeur d'environ 196.000 euros au cours actuel. 

Durant les mois qui suivent le président du Fonds se cache, révèle RadioFrance. Il refuse de se rendre aux convocations judiciaires et est finalement arrêté en décembre dernier, puis brièvement hospitalisé sous contrainte

Quant au Pr Joyeux, il prend ses distances avec le Pr Fourtillan. Il nie être co-fondateur du Fonds et dément avoir joué un rôle actif dans l'organisation des recherches. "Il m’avait demandé de l’accompagner auprès d’industriels importants pour la production de ses patchs, et il avait dirigé pendant des années des centres de recherches. Il connaissait la musique ! Donc, nous étions soit trompés, soit endormis. Nous étions dans la confiance de ces industriels et de lui-même.” Une confiance néanmoins profonde, puisque le Pr Joyeux est l'un des patients sur lequel les fameux patchs ont été testés, révèle RadioFrance. 

[avec Francetvinfo.fr

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