Une décision ferme, mais une application douce. C'est le choix de l'exécutif sur le dossier de l'homéopathie, annoncé ce matin par le ministère de la Santé et dès hier soir par Agnès Buzyn, dans un entretien au Parisien. La mesure opérera en deux étapes : à compter du 1er janvier 2020, le remboursement sera de 15 %, contre 30 % aujourd'hui. Ce n'est qu'un an plus tard, à partir du 1er janvier 2021, que les 1163 spécialités homéopathiques ne seront plus prises en charge par l'Assurance maladie. "Cette démarche en deux temps témoigne de la volonté de la ministre de permettre aux patients, prescripteurs et industriels concernés de s’adapter progressivement au déremboursement total au 1er janvier 2021", indique l'avenue Duquesne dans un communiqué, précisant que "l'ensemble des acteurs concernés" seront reçus. Sept millions de Français concernés Après avoir tergiversé quelques jours, l'exécutif décide donc de suivre l'avis de la HAS, rendu public le 28 juin dernier : après avoir analysé la littérature scientifique – près de mille études cliniques ont été passées au crible, et 37 ont été jugées pertinentes et suffisamment solides méthodologiquement pour être retenues à l'analyse – que l'homéopathie ne se différenciait pas du placébo du point de vue de l'efficacité et que son éventuel bénéfice en santé publique n'était pas démontré. Dans son interview, Agnès Buzyn dit "assumer" l'impopularité potentielle de la mesure auprès des patients et s'attache à minimiser l'impact pour leur portefeuille. "Une grande partie de ces médicaments ne sont pas remboursés. Pour les 1200 autres, consommés par environ 7 millions de Français en 2018, la somme moyenne remboursée est de 18 euros par an (…). L'an passé, les plus grands consommateurs n'ont reçu que 25 euros de l'Assurance maladie. Ils représentent moins de 1 % des Français. Je ne pense donc pas que cette mesure freinera le recours à l'homéopathie." La ministre invite également les acteurs de la santé à profiter de cette année de transition pour "voir si d'autres moyens de prise en charge sont possibles", évoquant "plus de temps passé avec les patients" et davantage de prévention. "Profitons du débat sur l'homéopathie pour mener une réflexion plus globale sur le médicament", déclare-t-elle. "L'objectif est d'arriver à en consommer moins. Il est possible de sortir d'une consultation médicale sans prescription !" Du côté du collectif anti FakeMed, on se réjouit d'une "victoire pour la science" mais on n'omet pas d'interpeller Agnès Buzyn sur les "260 millions d'euros" qu'aurait pu économiser la Sécurité sociale en déremboursant immédiatement (en réalité, 116 millions d'euros sous l'hypothèse d'un volume de prescription constant, l'homéopathie ayant coûté 127 millions d'euros en 2018, NDLR). "N'avez-vous aucune idée quand nos hôpitaux ferment ? Quand on manque d'effectif dans tous les services ? Quand les urgences sont exsangues ?", s'interrogent-ils dans leur communiqué. La grande inconnue : le report de prescription De son côté, le syndicat des médecins homéopathes (SNMHF) critique "une décision aberrante". "Cette mauvaise décision est prise alors que d'importants problèmes de santé publique s'intensifient, comme la iatrogénie et le mésusage des médicaments courants, la difficulté de trouver un médecin de proximité, l'antibiorésistance et les soins donnés aux animaux d'élevage...", déplorent-ils. Dans un entretien au Monde publié aujourd'hui, la directrice générale de Boiron Valérie Lorentz-Poinsot n'a pas de mots assez durs à l'endroit de la décision du Gouvernement, évoquant un "massacre généralisé" et critiquant "l'amateurisme" supposé de la HAS et d'Agnès Buzyn. "Les médecins vont prescrire d’autres traitements plus coûteux et délétères pour la santé, qui sont toxiques alors que l’homéopathie ne l’est pas", prophétise-t-elle. Interrogée sur sa crainte d'un report de prescription vers les médicaments conventionnels – formulée publiquement sur BFM TV en avril dernier –, Agnès Buzyn indique avoir changé d'opinion sur ce point. "Depuis, les études ont parlé. Ne pas prendre d'homéopathie n'entraîne pas un report vers plus de médicaments ou d'examens. (…) Au contraire, les gros consommateurs d'homéopathie ont tendance à utiliser plus de soins en général", indique-t-elle. "La question (…) a été discutée et la Commission souligne qu’aucune donnée française n’est disponible pour documenter ce phénomène ou un effet délétère d’un éventuel déremboursement sur l’état de santé de la population française", précisait à ce propos la HAS dans son avis. Autrement dit, les données disponibles ne permettent pas de statuer. Il faudra sans doute attendre la mise en application du déremboursement pour mesurer la réalité a – et le cas échéant l'ampleur – du phénomène.
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