La Cour des comptes s'attaque aux prescriptions "inflationnistes" d'antibiotiques en ville
"Sans attendre" leur rapport annuel, les Sages de la rue Cambon alertent Agnès Buzyn : la prescription et la consommation d'antibiotiques est repartie à la hausse en France. Pointant des écarts "inexpliqués" entre régions et des durées de prescription trop longues, la Cour formule des propositions pour changer la pratique des médecins.
"Les antibiotiques, c'est pas automatique !". Issu du plan d'actions 2001-2005, le slogan a marqué les esprits, entraînant une baisse significative de la consommation d'antibiotiques en santé humaine : de 33.4 DDJ (dose définie journalière pour 1000 habitants) en 2000 à 27.1 en 2004, soit -19%. Mais depuis, la consommation est repartie à la hausse -30.3 DDJ en 2016- classant la France parmi les trois pays les plus consommateurs de l'UE. Les Français consomment trois fois plus que les Néerlandais, "sans qu'aucune raison épidémiologique ne vienne expliquer cet écart", relève le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, dans un référé mis en ligne le 14 février. Des "écarts inexpliqués" sont également constatés entre régions : les Hauts-de-France consomment 25% d'antibiotiques de plus que les Pays de la Loire, région la plus vertueuse.
"Sans attendre" le rapport annuel, dans lequel un chapitre sera consacré à la prévention des infections associées aux soins, la Cour des comptes a souhaité alerter la ministre de la Santé sur la prescription d'antibiotiques. Car, rappelle Didier Migaud, l'antioresistance tue : entre 2 000 et 12 500 décès y seraient liés chaque année (Etude Burden, InVS, juin 2015). Alors que 69% des 679 tonnes d'antibiotiques consommées en ville en France en 2015 ont été prescrites par les médecins généralistes, la Cour des comptes pointe "des pratiques de prescription et de dispensation inflationnistes". Le Trod angine, qui permet de distinguer les affections bactériennes des affections virales, pour lesquelles les antibiotiques ne sont pas pertinents, "ne sont utilisées que par 40% des médecins généralistes", déplore-t-elle. "Les antibiogrammes ciblés qui sont le préalable à un choix adapté aux besoins commencent à peine à être déployés", ajoute-t-elle. Quant aux logiciels d'aide à la prescription, ils sont "trop peu utilisés par les médecins de ville".
La Cour juge également les durées de prescriptions "soit trop courtes pour être efficaces, soient inutilement longues". Selon l'ANSM, en 2015, 22% des prescriptions d'antibiotiques courent entre 8 et 10 jours, "alors même qu'une durée supérieure à sept jours est dans la plupart des cas non pertinente". Les recommandations de l'ANSM, de la HAS et des sociétés savantes "restent sans effet sur les pratiques des médecins en matière de durée", souligne Didier Migaud, qui blâme "l'insuffisance des connaissances des professionnels de santé sur l'antibiothérapie et l'antibiorésistance". La Cour formule plusieurs recommandations : recours systématique au logiciel d'aide à la prescription, dispensation à l'unité, vérification croisée des prescriptions de MG par le médecin coordonnateur en Ehpad, formation continue "obligatoire" des médecins… Autant de mesures dont la Rosp pourrait garantir l'effectivité.
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