
Proposition de loi infirmière : inquiet, l'Ordre des médecins écrit à Frédéric Valletoux
Alors que la proposition de loi visant à renforcer le rôle des infirmières doit être examinée en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale à partir de ce mercredi 5 mars, le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a fait part de ses craintes à Frédéric Valletoux, président de cette instance et par ailleurs coauteur de ce texte, dans une lettre qu'Egora a pu consulter.

"La valorisation de l’activité infirmière ne pourra se déployer que dans le cadre d'un parcours de soins coordonné par le médecin", insiste le président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom). Dans une lettre adressée à Frédéric Valletoux ce vendredi 28 février, qu'Egora a pu consulter, l'instance ordinale fait part de ses inquiétudes concernant la proposition de loi infirmière, corédigée par l'ancien ministre de la Santé, et qui doit être examinée en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale à partir de ce mercredi 5 mars et en séance publique à partir du lundi 10 mars.
Très attendue par la profession, cette proposition de loi (PPL) vise à améliorer la reconnaissance des compétences des infirmières et à renforcer leurs missions. Elle propose d'abord de redéfinir la profession d'infirmière diplômée d'Etat, "en précisant dans le code de la santé publique quatre missions socles : la réalisation de soins et leur évaluation, le suivi du parcours de santé, la prévention et la participation à la formation". Le texte ouvre aussi la voie à la création d'une "consultation infirmière", en lien direct avec le diagnostic posé par l'infirmière, et prévoit d'étendre le droit à la prescription.
Forme-t-on trop de médecins ?

Fabien Bray
Oui
Je vais me faire l'avocat du diable. On en a formés trop peu, trop longtemps. On le paye tous : Les patients galèrent à se soigne... Lire plus
La PPL suggère, en outre, de faire évoluer la pratique avancée, en "proposant trois lieux d’exercice supplémentaires au sein des services de protection maternelle et infantile (PMI), de santé scolaire et d’aide sociale à l’enfance", et en ouvrant la possibilité pour certaines infirmières spécialisées (infirmières anesthésistes, infirmières de bloc, puéricultrices…) qui souhaitent "évoluer professionnellement" d'exercer en pratique avancée, "sans modifier leurs conditions de diplomation".
S'il se dit "favorable" à "une valorisation de la profession infirmière et à l’architecture proposée avec la consécration législative des 'piliers de l’activité' […] et le renvoi au domaine réglementaire des domaines d’activités et des listes d’actes", le Cnom regrette l'absence de la mention du parcours de soins coordonné par le médecin dans ce texte, et demande ainsi son intégration. "L’absence de coordination augmenterait le cloisonnement que tout le monde déplore dans le système de santé et constitue un danger pour la sécurité du patient, la protection de la santé publique mais aussi pour des raisons économiques", alerte-t-il.
Il s'inquiète également de la modification du code de la santé publique envisagée par cette PPL : "il est proposé que ne relèvent pas d’un exercice illégal de la médecine, les 'infirmiers qui effectuent des consultations infirmières dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, ou qui prescrivent les produits de santé et examens ou effectuent les actes professionnels et soins figurant sur les listes prévues à l’article L. 4311-1'. Il est également mentionné le diagnostic infirmier." Or, pour l'Ordre, "on ne peut pas mettre sur le même plan législatif le diagnostic médical et le traitement médical avec la consultation infirmière, le diagnostic infirmier et les prescriptions que les infirmiers peuvent réaliser".
Le Cnom réclame donc la suppression de cette mesure qui créé une "confusion dangereuse". "Si l’intention des auteurs de la proposition n’est pas que les 600 000 infirmiers concernés exercent la médecine, cette suppression ne devrait pas faire difficulté."
La pratique avancée, oui mais…
Le Cnom demande par ailleurs que soient consultées l'Académie de médecine et la Haute Autorité de santé (HAS) sur les domaines d’activité et de compétences et la liste des actes et soins réalisés par les infirmières, afin "d’asseoir le dispositif sur des bases solides et scientifiques".
S'agissant de la pratique avancée, l'Ordre des médecins se dit "favorable" aux nouveaux terrains d’activité proposés. Mais s'inquiète de l'ouverture de la pratique avancée à certaines infirmières spécialisées, qui pourrait se faire "sans modifier leurs conditions de diplomation". Cela risquerait, pour le Cnom, d'"éloigner les IPA de l'universitarisation au travers d’équivalences". Enfin, il fait part de son "incompréhension" devant la suppression des consultations obligatoires de l'Académie de médecine, de la HAS et des ordres professionnels concernant les domaines d'intervention en pratique avancée et des conditions et les règles de l'exercice en pratique avancée.
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